Carabine : Strasser RS 14 Evolution
Treize ans après son apparition, la Strasser évolue. D’ailleurs elle prend pour nom le millésime 14 et le suffixe Evolution. Cette carabine linéaire est la version modifiée et améliorée de la RS 05. Une carabine ultra-technique qui rassemble de nombreuses innovations. Amoureux des systèmes et armes futuristes, cette carabine est pour vous ! UNE LINÉAIRE ULTRA-TECHNIQUE
En mars 2005, lors de l’Iwa de Nuremberg était dévoilée une toute nouvelle carabine linéaire autrichienne, la Strasser RS 05. Née de l’association d’une société spécialiste de la mécanique de haute précision et de l’un des armuriers les plus célèbres dans l’univers des carabines à verrou, Horst Blaser, cette carabine ultra-technique semblait promise à un bel avenir. Dévoilée en 2006 en France, elle n’avait hélas pas réussi à concrétiser les espoirs placés en elle. Pourtant, outre cette double filiation riche de promesses, le cahier des charges avait de quoi séduire l’amateur d’armes rayées. Cette carabine se voulait technique et polyvalente en misant pour cela sur une modularité poussée à son paroxysme. En fait, tout était démontable, réglable et le plus souvent sans outil. Le canon mais aussi la culasse étaient interchangeables. Le bloc détente démontable en deux secondes et les poids de départ réglables à la main. Grâce à un design spécifique, le boîtier de culasse pouvait en un instant passer d’un modèle droitier à un intégral gaucher. Enfin, le choix de calibres était des plus vastes… Et surtout l’arme possédait un verrouillage linéaire.
Mais cela n’aura pas suffi. Cette carabine était un peu lourde, visuellement et dans les faits, un peu trop conceptuelle et audacieuse sur le plan des lignes pour séduire le plus grand nombre. Mais surtout elle avait été lancée un peu trop vite, avant sans doute d’être totalement mise au point, et plusieurs campagnes de rattrapages avaient freiné sa mise sur le marché.
Il aura fallu plusieurs années et de nombreuses modifications pour arriver à la carabine que nous vous présentons ce mois-ci : la Strasser RS 14 Evolution. Cette carabine conserve les points forts de sa devancière mais, par petites touches, a visiblement corrigé ses défauts originels ou de jeunesse. Bonne nouvelle pour ceux qui recherchent une carabine linéaire au réarmement doux et rapide, cette carabine est toujours, voire plus qu’avant, un modèle de fluidité. Autre bonne nouvelle, elle peut toujours être définie comme une carabine technique, modulaire et moderne, à la limite de l’arme d’ingénieur.
Proche de la RS 05, à quelques détails
Sur le plan des lignes, la carabine que nous avons reçue ressemble beaucoup à la RS 05. Les différences sont essentiellement techniques. Par contre, le boîtier de culasse est désormais noir anodisé satiné et non plus gris, ce qui est à la fois plus sobre et plus discret donc plus efficace à la chasse. La carabine est proposée avec des montures réalisées dans des noyers de grade 1 à 3 ou en bois lamellé-collé, gris ou rouge, ainsi qu’en version à poignée pistolet ou à trou de pouce. La version que nous avons reçue est un modèle à trou de pouce, tiré d’un bloc de noyer de grade 2 plutôt simple. Comme la plupart des carabines modernes, la RS 14 possède une crosse en deux parties séparées par un long et haut boîtier de culasse en alliage léger. Ce dernier est quasiment ouvert puisqu’il est surmonté en son milieu par une poutre usinée dans la masse, au sommet de laquelle a été méca
Cette carabine a conservé les qualités de la RS 05 et gommé ses défauts de jeunesse.
nisé un rail Picatinny (uniquement sur la version Evolution). De ce fait il n’y a pas une mais deux fenêtres d’éjection. Voilà pourquoi, avec une crosse droite et sans joue et en changeant juste la culasse mobile, on se dote à moindres frais d’une arme intégral gaucher. Cette large ouverture permet également d’alléger le boîtier, déjà tiré d’un bloc d’alliage aéronautique, tandis que la poutre lui offre une certaine rigidité et donc une meilleure précision. En revanche ce « toit » apporte beaucoup de hauteur au boîtier et rend la carabine un peu massive. Un levier court, horizontal, terminé par une boule, prend place à l’arrière de la culasse mobile. Sur la noix de culasse, un petit armeur de sécurité, à double action, complète le tableau. La crosse, à trou de pouce, possède une poignée renflée très prononcée – avec une découpe des phalanges – destinée à nous offrir la meilleure prise en main possible. Le busc affleure le boîtier à tel point qu’il est plat au niveau du nez de la crosse pour laisser passer la culasse dans son mouvement arrière. Enfin, le long devant est de forme tulipée et assez enveloppant, ajoutant là encore à l’aspect massif de l’arme.
Une clé pour découvrir la RS 14
Voilà esquissé le portrait-robot de notre Strasser, reste à présent à découvrir les nombreuses innovations techniques qu’elle abrite.
Pour percer le mystère de cette carabine, il faut d’abord en trouver la clé… Une véritable petite clé, à six pans, logée à l’intérieur du bloc détente. C’est elle qui va nous permettre d’accéder au coeur du dispositif. Mais pour la récupérer, il faut tout d’abord procéder à deux opérations : retirer la culasse mobile et déposer le bloc détente. Pour ce faire vous reculez la culasse au maximum puis vous pressez un petit bouton gris logé à l’arrière gauche du pont postérieur du boîtier de culasse. La culasse est alors libre, vous la retirez complètement. À l’arrière du boîtier, au milieu se trouve un petit ergot gris, vous le tirez vers vous avec l’index et le bloc détente peut alors sortir de son logement. Ce bloc possède deux caractéristiques, il abrite sur sa face antérieure la clé Allen de démontage mais surtout il permet à n’importe lequel d’entre nous de régler lui-même ses poids de départs. Comment ? Très simplement en fait. Le bloc détente est ouvert côté gauche. À l’arrière de cette cage se trouve une sorte de goupille télescopique dont la pointe peut être placée dans trois logements au choix. Selon le logement dans lequel vous la placez, les départs seront plus ou moins légers. Attention, il ne s’agit pas d’un stecher, mais bien d’un réglage de poids de départ pour la détente directe. Le stecher, qui équipe cette carabine, s’arme de façon traditionnelle en poussant la queue de détente vers l’avant, à l’allemande. Une fois le bloc détente déposé, vous avez donc accès à la petite clé Allen clipsée sur ce dernier. C’est elle qui va vous permettre de démonter la longuesse. Une dépose très simple. On engage la petite clé Allen dans le puits qui se trouve sous la longuesse devant le chargeur, deux petits tours et c’est tout. Le devant peut être retiré. Dès lors vous avez accès au canon. Mais pour le déposer à son tour, il vous faut un autre outil – vous suivez toujours ? –, logé dans le devant bois. Il s’agit d’une petite
tige d’acier cylindrique et bronzée noire. Cette barre n’est rien d’autre qu’un bras qui va vous aider à faire levier en l’engageant dans la pièce rectangulaire et dorée qui se trouve à gauche au niveau du pont avant. La pièce dorée est usinée sur sa face antérieure pour que vous puissiez y engager le bras avant de faire pivoter l’ensemble de 135°. Une fois cette opération accomplie, le canon est libre. Ce dispositif est le même, à peu de chose près, que celui qui équipe la Merkel RX-Helix, sauf qu’ici il faut se servir d’un bras supplémentaire. Pour remettre le canon ou un autre en place, vous procédez dans l’ordre inverse en sachant qu’il existe un usinage sur le canon et un tenon sur le boîtier qu’il vous faut engager l’un dans l’autre pour être certain d’être bien aligné.
On change de calibre à volonté
Le canon est interchangeable, mais ce n’est pas tout. Les premières carabines à canons interchangeables, comme la Mauser 66, étaient certes polyvalentes mais vous obligeaient à vous cantonner à un groupe de calibres, petits, moyens ou lourds et surtout standard ou magnum. Logique,
la tête de culasse n’a pas les mêmes dimensions sur un 7x64 ou sur un .300 Win Mag par exemple. Les carabines modernes ont réussi à contourner cet obstacle en se dotant d’une tête de culasse également interchangeable. Dès lors il n’y a plus de limites autres que budgétaires à la création d’un choix de calibres vaste, diversifié et ultra-polyvalent.
C’est le cas avec cette Strasser RS 14. Et là encore la tête de culasse se dépose sans outil mais surtout sans efforts. Une fois la culasse retirée, un petit levier doit être levé avec l’ongle. Cela suffit pour libérer la tête de culasse et en mettre une autre. Pas de risque d’erreur, comme sur le canon, un trou sur la tête de culasse fait face à un tenon sur la culasse. Vous engagez le second dans le premier et le tour est joué. Pas de risque non plus de confusion, les lettres STA en capitales gravées sur la tête de culasse attestent qu’il s’agit d’un calibre standard – je présume que la tête de culasse magnum porte les lettres MAG. Difficile de faire plus simple.
La culasse mobile est en forme de pentagone. Vue de l’extérieur, lorsque la carabine est verrouillée on imagine qu’elle a la forme d’un triangle mais le dessous de la culasse n’est pas plan, il est même des plus complexes. On y trouve en effet trois usinages en long : deux profonds et étroits, au milieu et à droite, qui vont guider la culasse sur son déplacement d’avant en arrière, et un plus large et moins creusé à gauche qui équilibre la culasse et permet de ne pas venir taper dans le bouton de dépose de la culasse.
La faible dimension des deux rails de guidage permet de limiter les frottements et de réduire presque à néant le jeu latéral, une très bonne chose surtout avec une culasse assez longue. La boule du levier de culasse est très efficace. On la trouve très facilement et on s’en saisit avec beaucoup de sûreté. La nôtre est en plastique noir, légèrement granuleux, une boule bois aurait sans doute un peu plus d’effet mais pas sûr qu’elle soit plus efficace.
La cinématique de l’arme est simple : le tir libère le levier d’armement, mais si on ne tire pas, le levier reste bloqué et avec lui la culasse. Comment désarmer cette carabine alors ? En enfonçant le bouton circulaire situé sur l’armeur, à l’arrière de la noix, tout en tirant le levier vers soi. Le système de verrouillage emprunte à la Blaser R93/R8 et à la Heym SR 30. Comme sur cette dernière, il est commandé par un tube en acier logé dans le coeur de la culasse mobile qui sert également de gangue au long percuteur et à son ressort. Lorsque le levier d’armement est repoussé vers l’avant, le tube avance et va de l’intérieur obliger les quatre tenons radiaux à sortir en partie de leur logement pour s’engager dans un usinage circulaire dans la chambre.
Quatre tenons radiaux
C’est là que le verrouillage se rapproche de celui de la Blaser, qui compte toutefois plus de verrous. Tant que le tube est en position avant, les tenons ne peuvent pas se rétracter. Ces quatre tenons situés à l’arrière de la tête de culasse, sur la partie fixe de cette dernière, sont donc indépendants de la tête. Ces tenons sont en fait quatre segments, quatre arcs de cercle maintenus ensemble dans leur logement par un ressort circulaire qui, comme un élastique
puissant et d’acier, les garde soudés sans toutefois les empêcher de sortir légèrement de leur logement au moment du verrouillage. Lorsqu’on tire le levier d’armement, le ressort les fait reculer et dès lors la culasse est libre. On trouvait déjà ce dispositif sur la Strasser RS 05 mais ici il reçoit en plus une came de sécurité, logée à droite sous la culasse, qui va bloquer cette dernière en position avant lorsque l’arme est fermée. Cette came en matière plastique, assez proche dans son fonctionnement de celle des Blaser R8, joue le rôle de tenon de sécurité.
Pour tester notre carabine, direction le pas de tir du ball-trap de Gonesse. Notre Strasser, chambrée pour le .30-06, est chargée de balles RWS
Speed Tip Pro Short Rifle de 10,7 g. Trois cartouches prennent place dans le magasin amovible à simple pile. Il se dépose en pressant avec le pouce et l’index de la main droite deux hémisphères logés de chaque côté du boîtier sous le pont avant. Pratique, rapide et fluide car l’ajustage est précis. Le chargeur est réalisé en acier, une bonne chose. La carabine est flambée, deux balles sont tirées sur la butte. L’occasion de jauger la qualité des départs. Excellente. Au cours de cette séance nous essaierons l’arme dans les trois configurations de poids de détente, quatre avec le stecher. La position intermédiaire a ma préférence ; ce ne sera pas le cas de tout le monde, mais le choix vous est offert et vous pourrez en changer à tout moment. Les essais de précision débutent au bench rest. Le groupement est bon mais nos cinq impacts forment deux groupes distincts. Peut-être un problème d’étui, et puis notre lunette de battue à grossissements 1 à 5x ne nous « rapproche » pas de la cible comme le ferait une 10x. Ces différents tirs nous ont permis de vérifier l’armeur. Si passer de la position sécurité à la position armé en poussant vers le haut est des plus simples, l’inverse est en revanche plus difficile. Tout d’abord parce que l’armeur n’est pas vraiment accessible, la lunette le coiffe et il est difficile d’y engager en plus le pouce. En outre, le ressort de rappel est assez mou, ce qui ne nous aide pas.
Polyvalente, pour chasseur éclectique
Nous passons ensuite au sanglier courant, une discipline parfaite pour notre panoplie. Non seulement la lunette est cette fois à son aise mais la carabine aussi avec une fluidité extrême de la culasse. Elle se recule et se repousse sans effort et rapidement. Seul bémol, elle recule beaucoup et on est tenté de reculer aussi le nez, ce qui oblige à reprendre sa visée ensuite. Un écueil inconnu avec une carabine à boîtier fermé. Avec le trou de pouce on perd aussi un peu de cette rapidité si prisée, mais c’est le cas de toutes les carabines dotées de ce genre de monture. Au final, la RS 14 est bel et bien la copie corrigée de la RS 05. C’est certainement la version qui aurait dû sortir à l’époque. Néanmoins, elle offre au chasseur amateur d’armes différentes, techniques, modernes, un condensé des dernières innovations technologiques et une arme loin des standards actuels. Modulaire, polyvalente, elle peut aussi être la carabine unique à tout faire du chasseur éclectique en dépit d’un prix assez élevé : 3 520 euros sur un segment de marché pour le moins hyperconcurrentiel.