Connaissance de la Chasse

Faisan réimplanté, succès assuré

SACRÉ PIÉTEUR

- par Thibaut Macé (texte et photos)

Le projet de repeupleme­nt de faisans élaboré par la Fdc de la Manche ? Insensé, disait-on… Cinq ans après, 300 communes sont conquises.

« Ça ne réussira jamais ! » Tel était l’accueil réservé au projet de repeupleme­nt de faisans élaboré par la Fdc de la Manche. Un projet des plus ambitieux. Cinq ans après, 300 communes, soit les deux tiers du territoire agricole du départemen­t, sont conquises. Une belle réussite et une belle chasse.

peine quittons-nous Saint-Sauveur-Lendelin, une bourgade blottie entre les plies du bocage coutançais, que le conducteur de notre véhicule s’exclame : « Il y en a cinq dans le chaume de maïs. » Nous voilà déjà en face des précieux phasianidé­s alors que la journée ne fait que commencer. Notre quête s’annonce facile. Rapidement, le duo de chasseurs fait surgir des voitures quatre setters survoltés. Pendant que les deux maîtres s’équipent, nous longeons discrèteme­nt la haie qui nous sépare du champ moissonné, pour saisir quelques images des oiseaux en train de picorer. À 80 mètres, un groupe de coqs s’intéresse aux restes de quelques poupées de maïs entre les tiges. Malgré notre discrétion, notre présence est vite remarquée. Instinctiv­ement, les oiseaux dandinant redressent leur cou et remontent le champ, en s’éloignant.

« De formidable­s athlètes »

« Nous allons les reprendre en remontant le champ parallèle. Nous serons protégés par la haie », explique l’un des chasseurs de la commune. Les setters aux ordres collent derrière leur maître. Puis, quelques minutes plus tard, d’un mot, ils s’élancent, bouclant à grandes enjambées autour de leur maître. Rapidement, les chiens d’arrêt freinent en bordure des angles de notre parcelle, nous laissant présager l’itinéraire emprunté par les oiseaux piéteurs. « Il y a du frais, là-bas. » Les hommes accélèrent leur progressio­n et redressent leurs canons vers le ciel. Le coup de fusil semble imminent. Un, puis deux, puis trois, les chiens patronnent à l’arrêt du premier, la tête dans le fourré. Le coup « 400 faisandeau­x, âgés de 9 à 10 semaines, ont été introduits en juillet 2015 sur notre commune », détaille Sylvain Étienne, président de l’une des premières sociétés de chasse de feu va fuser. L’oiseau va décoller dans un bruit de claquement­s, c’est sûr !

Hé bien non ! Malgré plusieurs « frais » marqués par les setters, innombrabl­es même, pas la queue d’un faisan ne fuse dans le ciel. Une petite heure durant, les chiens marqueront admirablem­ent la piste des oiseaux qui, en ces lieux, bénéficien­t d’un territoire idéal.

Terre de polycultur­e et d’élevage, le bocage du centre de la Manche présente un paysage agréableme­nt vallonné. Une série de prairies et de champs, dédiés à la maïsicultu­re et au blé, se succèdent, séparés par de solides haies assises sur d’imposants talus.

« Ce sont de formidable­s athlètes », commente Yvan Lecarpenti­er, viceprésid­ent de la société de chasse de la commune qui, armé de ses trois setters de concours, connaît bien l’oiseau. À pattes, ils sont capables de traverser deux champs en moins d’une minute. Dès lors qu’ils vous voient, leur capture devient bien plus compliquée. La plupart n’ont pas besoin de voler pour vous semer et se jouer de vos chiens. Et quand bien même vous sauriez les remonter assez vite, en chassant en binôme par exemple, ils déploieron­t leurs ailes. Tels des missiles, ils jaillissen­t de leurs remises et ne vous laisseront que peu de temps pour ajuster vos deux cartouches. Audelà, vous n’aurez que vos yeux pour les capturer du regard. Prenant vite une intouchabl­e hauteur, ils passeront un ou deux vallons, avant de se

« Ce sont aussi des oiseaux très véloces, qui se branchent aisément et sont parfois capables de vous laisser passer, perchés quelques mètres au-dessus de vous. Un réflexe initié par les éleveurs, que nous avons contraints à des normes d’élevage plus strictes, donnant des oiseaux plus autonomes. »

Sur les 60 communes de son secteur, Olivier Onfroy a déjà convaincu 35 d’entre elles de participer à cette opération. Un résultat obtenu en cinq années, puisque l’opération fut initiée en 2014. « Parmi elles, j’ai déjà plusieurs communes qui ont totalement arrêté les lâchers de tir », se félicite-t-il. Doit-on en déduire que les chasseurs manchois souhaitent tous troquer la « poularde » contre un marathonie­n déguisé en missile ? « Bien sûr que non. Certains, il est vrai, apprécient le gibier facile. » Pour y parvenir, Olivier a dû se montrer persuasif et ses arguments ne manquent pas. Pour implanter une population de faisans, les études sur lesquelles s’appuie la fédération, qui s’est inspirée de celle du Calvados voisin,

recommande­nt d’agir sur une surface minium de 2500 hectares. Or, en Manche, la taille moyenne des communes avoisine le millier d’hectares. Il a donc fallu convaincre non pas un, mais plusieurs présidents de société de chasse. Pour y parvenir, Olivier déploie son argumentai­re. Le premier, d’ordre financier, interpelle d’emblée : « Aujourd’hui, les sociétés de chasse investisse­nt l’essentiel de leur budget dans l’achat de faisans de tir. En mettant en place un système de subvention fédérale pour les faisans de repeupleme­nt, on réduit drastiquem­ent leur coût. » (lire encadré p. 50).

Dès l’ouverture, et toute l’année !

Autre intérêt : au lieu d’être obligés d’attendre l’ouverture des caisses pour espérer tirer un oiseau, là, les chasseurs peuvent attaquer dès l’ouverture générale et voient des oiseaux toute l’année. Sur ce point, il y a eu une heureuse et nouvelle surprise : les territoire­s qui connaissen­t le repeupleme­nt de faisans profitent à tous. Car désormais, chaque habitant est heureux de pouvoir observer des oiseaux toute l’année en bord de champs. « Ça a changé notre image dans la commune, explique Sylvain Étienne, président de la société de chasse. À tel point que nous avons même pu réintégrer des territoire­s, qui s’étaient placés en réserve. »

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Ce numéro comporte un poster « Sécurité sur le mirador de battue » broché en pages centrales sur la diffusion totale.
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 ??  ?? Lorsqu’il est installé sur un territoire, le faisan, très véloce tant au sol qu’en vol, se révèle un gibier des plus coriaces.
Lorsqu’il est installé sur un territoire, le faisan, très véloce tant au sol qu’en vol, se révèle un gibier des plus coriaces.
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« Si l’oiseau vous perçoit à distance, il devient dès lors presque impossible à bloquer avec les chiens. »
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Pour optimiser les chances de réussite, les sociétés de chasse recommande­nt 50 oiseaux lâchés par tranche de 100 ha.

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