Histoires sans fin
Et c’est reparti pour un tour. Les forestiers privés et publics (c’est-à-dire l’Onf) de nouveau sonnent la charge contre le grand gibier. Le 7 janvier dernier, dans un courrier adressé à la ministre de la Transition écologique et solidaire, 8 structures de la filière sylvicole dénoncent « une surpopulation incontrôlée de cervidés ». Par cervidés, il faut bien entendre cerfs et chevreuils. Toutefois, les sylviculteurs s’intéressent également au sanglier, réclamant la limitation de l’agrainage dissuasif du 1er avril au 30 novembre. Au total, ce sont 5 mesures que réclament les forestiers, regrettant au passage l’absence d’indemnisation des dégâts sylvicoles. [lire lettre p. 20] Nous ne pouvons passer sous silence une autre de ces revendications : la suppression du plan de chasse national obligatoire du chevreuil. Autant dire que très éventuellement, derrière se tient en embuscade la suppression de celui du cerf. [p. 22] Si elle était appliquée, cette mesure ne serait-elle pas contre-productive ? Ne déboucherait-elle pas sur un contrôle déficient des tableaux et une certaine anarchie des prélèvements, ce qui pourrait bien profiter aux espèces ? Nous ne sommes plus avant-guerre, ni au XIXe siècle ; la forêt s’est étendue, les campagnes se sont vidées, la grande faune sauvage a reconquis ses territoires, les chasseurs sont désormais gestionnaires. Il n’est pas certain qu’en 2020 une chasse hyper libéralisée, le braconnage et le loup soient les meilleurs alliés du forestier.
Le contexte de l’envoi du courrier est particulier : se discute actuellement le décret dit grand gibier qui permettra d’appliquer la loi chasse de juillet 2019. Plan de chasse, aigrainage, chasse en enclos, lâchers de sanglier, etc., autant de thèmes sensibles qui seront abordés. Le décret devrait être signé très prochainement.
Contexte plus général : celui du réchauffement climatique qui impose au forestier de repenser ses méthodes de travail. Et puis, toujours, une filière professionnelle du bois moribonde. D’une certaine façon, cette situation freine la surexploitation et l’artificialisation excessives de la forêt. D’une autre, cela rend le sylviculteur particulièrement sensible aux dégâts occasionnés par la faune sauvage, d’autant plus que le bois rapporte insuffisamment.
Que pouvons-nous faire ? Entendre et dialoguer. S’attaquer aux problèmes — généralement localisés — et augmenter la pression de chasse quand nécessaire, localement.
Or, le système actuel est un peu pervers. Plus les montants des locations et adjudications de territoire seront élevés, plus les coûts des bracelets, des taxes à l’hectare, des carnets de battue, etc., seront élevés, plus la facture des dégâts agricoles sera lourde, plus la chasse du grand gibier sera… élevée. Et plus les chasseurs désireront un retour sur investissement (sic), à savoir la certitude de tableaux conséquents.
Histoire de mettre davantage la pression sur la bête noire, sa chasse est finalement autorisée en mars dans l’ensemble des départements. Aux préfets et aux Fdc de rendre cela effectif, ou non. [p. 14] N’est-ce pas là un bon moyen de développer les chasses light : affût, approche voire poussée ? Chasses anciennes en réalité, chasses discrètes – vive le modérateur de son – qui peuvent se révéler particulièrement utiles et efficaces aux abords des cultures et des zones urbaines.
Outre les opportunités d’un tourisme cynégétique (type Cocagne), il doit bien exister une façon de rendre la chasse du grand gibier davantage accessible, davantage fluide.
De la tradition retrouvée à la modernité. C’est l’année prochaine que la détention des armes s’organisera sur internet via le Système d’information des armes (Sia). En 2021, chasseurs, tireurs et collectionneurs posséderont tous un râtelier virtuel rassemblant l’ensemble de leurs armes. Chaque élément sera fiché et suivi de façon informatique en temps réel. La demande de la Carte européenne d’armes à feu se fera également par ce moyen. Alors il sera bon que les plus connectés d’entre nous aident ceux qui le sont moins. [p. 18]
Quant à la chasse des oies en février, si elle n’aura pas lieu cette année, il y a des chances pour que dans un futur plus ou moins proche, elle devienne réalité. Le réchauffement climatique modifie à la fois les axes de migration et la démographie des oies cendrées. La hausse des populations est annoncée, leurs dégâts agricoles probablement. [p. 28] Décidément, rien n’est figé.
Bonne lecture à toutes et à tous.