Chasse des oies en février
Interdit cette saison, et après ?
Encore interdite cette saison, la chasse des oies en février sera-t-elle possible un jour ? Voici 8 clés pour comprendre un sujet qui, plus que politique et technique, est essentiellement culturel.
Encore interdite cette saison, la chasse des oies en février sera-t-elle possible un jour ? Très probablement oui. Voici 8 clés pour comprendre un sujet qui, plus que politique et technique, est désormais essentiellement culturel.
C’est le 13e échec des chasseurs de gibier d’eau ! Saisi par des associations anti-chasse, le Conseil d’État a annulé en décembre dernier l’arrêté ministériel du 30 janvier 2019 lequel permettait de chasser les oies sauvages (avec un quota de 4000 oies cendrées) jusqu’à la fin du mois de février 2020. Nous avons interrogé Matthieu Guillemain, chef de l’Unité Avifaune migratrice au sein de l’Office français de la biodiversité (Ofb, ex-Oncfs), et Patrick Massenet, président de l’Institut scientifique Nord-Est Atlantique (Isnea) ainsi que du pôle national scientifique de la Fnc (et président de la Fdc de la Meurthe-et-Moselle).
1 - Trois groupes d’oies cendrées en Europe de l’Ouest mais…
Malgré une génétique comparable, trois grands groupes d’individus aux aires de distribution différentes sont aujourd’hui distingués dans la zone ouest-européenne :
- deux sont considérés comme migrateurs ;
- le troisième, sédentaire, est essentiellement limité aux Pays-Bas. Les oies migratrices évoluent :
- sur un premier axe nord-est/sudouest allant de la Scandinavie à la France et l’Espagne ;
- sur un second axe Europe centrale/Méditerranée (allant de la Pologne, la République tchèque et l’Allemagne à la Camargue, l’Espagne et la Tunisie). Notons que les oies migratrices scandinaves peuvent utiliser comme zone de stationnement migratoire ou d’hivernage l’aire des sédentaires aux Pays-Bas, qui abritent donc à certaines saisons les deux types d’oiseaux sur leur sol. L’évolution climatique brouille encore les pistes puisqu’une évolution des zones de stationnement est constatée. Certains axes migratoires se raccourcissent, déplaçant ainsi les noyaux de population. Une partie des oies qui séjournaient en Tunisie se limite désormais aux rives nord de la Méditerranée. Une autre s’arrête en Camargue alors qu’elle séjournait auparavant en péninsule ibérique. Une partie des scandinaves séjourne désormais aux Pays-Bas…
2 - Effectifs : une augmentation avérée
Sur les cinquante dernières années, les effectifs d’oies cendrées ont significativement augmenté. C’est un fait admis. En cause, le radoucissement des températures et ses impacts sur les activités agricoles a été très profitable à l’espèce. La fertilisation des prairies comme les semis précoces de blé augmentent la disponibilité alimentaire. L’interdiction de leur chasse aux Pays-Bas dans les années soixante a amplifié cette augmentation.
Pour seul exemple français, alors que les chasseurs camarguais ne prélevaient qu’exceptionnellement l’espèce il y a quinze ans, la région compte aujourd’hui des chasseurs spécialisés sur les oies. À l’échelle européenne, la part française (10000 prélèvements) est faible puisque ce sont globalement 450000 oies qui sont tuées (prélevées ou détruites) chaque année en Europe. Or, ce prélèvement est incompatible avec l’effectif européen actuellement estimé (1,2 million). Aussi, soit les prélèvements affichés sont donc surestimés, soit la population globale est, elle, sousestimée.
3 - Destruction néerlandaise : que des oies sédentaires
Aux Pays-Bas, la culture anti-chasse est ultramajoritaire, au point que l’on y jugera parfaitement éthique de « détruire » plutôt que de chasser, à l’instar de la gestion du
sanglier dans le canton de Genève en Suisse.
L’évolution exponentielle des oies que connaît le pays a conduit à des indemnisations pour dégâts agricoles qui se chiffrent en millions d’euros. Le pays a ainsi obtenu une dérogation de la directive Oiseaux pour « préjudice économique » et mène des opérations de destruction massive sur les oies (237000 en 2015) comme sur les oeufs (200 000) en mai et juin. À cette époque, les jeunes ne sont pas encore volants et les adultes sont en mue. Les prises ainsi facilitées seront notamment tuées par gazage (inhalation de CO2).
4 – Pas de dégâts en France, pas de dérogation
Contrairement aux Pays-Bas ou à l’Allemagne, pour ne citer qu’eux, la France n’a pas obtenu de mesure dérogatoire puisqu’aucun dégât agricole occasionné par les oies n’est déclaré sur son sol. Celles séjournant en Camargue ne consomment par exemple que des tubercules de plantes aquatiques. C’est la directive Oiseaux de 1979 qui fixe la règle de l’interdiction de tout prélèvement, dès lors que la migration prénuptiale est amorcée par le premier oiseau. Cette date est actuellement fixée au début de la troisième décade de janvier. Si chacun admet que le prélèvement de 4000 à 5000 oies supplémentaires opéré en février en France n’impacterait probablement pas la population d’oies cendrées en Europe, cette autorisation enfreindrait la directive Oiseaux.
5 - Date de migration prénuptiale : pas de consensus
Il était jusqu’à présent considéré que la migration prénuptiale des oies cendrées débute durant la troisième décade de janvier, sur la base de résultats de terrain synthétisés dans un rapport publié par l’Oncfs. Mais depuis l’année dernière, les études menées par l’Isnea s’appuyant sur de nouvelles technologies, le suivi des oies par le balisage, affirment que cette remontée ne se ferait pas avant le 11 février.
Cette même étude révèle que, selon les conditions climatiques, les oies sont parfois obligées de se déplacer jusqu’à 300 km de leur point d’hivernage pour s’alimenter, sans que ceci ne soit réellement un trajet migratoire. Cette observation mal in