Polémique dans les taillis
La charge des forestiers contre le grand gibier
Huit structures représentatives des forestiers privés et publics réclament cinq mesures drastiques afin de faire baisser les populations et les dégâts de chevreuils, cerfs et sangliers.
Le 7 janvier dernier, 8 structures représentatives des forestiers privés et publics (dont l’Onf) ont écrit à la ministre de la Transition écologique et solidaire pour réclamer cinq mesures drastiques afin de faire baisser les populations et les dégâts de chevreuils, cerfs et sangliers.
Les signataires du courrier adressé à Mme Elisabeth Borne sont : Bertrand Munch, directeur général de l’Onf ; Antoine d’Amécourt, président de Fransylvia ainsi que du Centre national de la propriété forestière ; Dominique Jarlier, président de la Fédération nationale des communes forestières ; Michel Druilhe, président de France Bois Forêt ; Philippe Siat, président de la Fédération nationale du bois ; Bertrand Servois, président de l’Union de la coopérative forestière française ; Philippe Gourmain, président des Experts forestiers de France.
« Comme vous le savez, la forêt française est actuellement en grande difficulté et dans certaines régions en crise aiguë : sécheresses à répétition, crises sanitaires diverses (scolytes, chalarose, chenilles processionnaires, hannetons, etc.). Dans ces conditions le renouvellement de nos forêts est compliqué mais lorsqu’à cela s’ajoute une surpopulation incontrôlée de cervidés, il est complètement réduit à néant.
Le déséquilibre sylvo-cynégétique s’accentue d’année en année et si le monde agricole bénéficie d’un système d’indemnisations des dégâts, il n’en est rien pour les forestiers, qui pourtant portent la plus grande part de la taxe à l’hectare (souvent dix fois plus élevée pour l’hectare forestier que pour l’hectare agricole).
Vos services travaillent actuellement sur les décrets accompagnant la création de l’Office français de la biodiversité. En particulier un décret dit Grand Gibier est actuellement en cours de finalisation. Si nous avons pu exprimer nos demandes, nous craignons vivement un manque de prise en compte de nos inquiétudes et une rédaction finale du décret ne permettant pas de régler ce problème de déséquilibre agro-sylvo-cynégétique, qui nécessite une réduction drastique des populations dans nombre de secteurs. » Nous avons exprimé un certain nombre de propositions pragmatiques et cohérentes résumées ci-après :
1 - L’agrainage dissuasif ne peut être autorisé que dans la période
du 1er avril au 30 novembre. En dehors de cette période, si des dérogations préfectorales sont possibles, elles doivent être justifiées notamment par la présence de dégâts durant cette période dérogatoire les années précédentes. De plus, ces dérogations ne peuvent être signées qu’après accord écrit du ou des propriétaires concernés.
2 - Le schéma départemental de gestion cynégétique ne doit pas pouvoir imposer un seuil de surface pour conditionner un plan de chasse ou un plan de gestion. Ce point est capital car la mise en place d’un seuil crée des zones de non-chasse, véritables réserves dans lesquelles le grand gibier pullule. L’argument de la sécurité, parfois avancé, n’est pas recevable car c’est le contexte et les pratiques qui peuvent remettre la sécurité en cause mais pas la surface du territoire concerné (une route ou une maison se situe pareillement à proximité d’un grand ou d’un petit territoire).
3 - Le chevreuil est un cervidé soumis au plan de chasse. S’il ne commet pour ainsi dire aucun
dégât agricole, c’est en revanche un “ravageur” pour la forêt (abroutissement, frottis). Comme pour les autres espèces, le plan de chasse n’a eu de cesse de lui permettre de proliférer au point qu’il est aujourd’hui hors de contrôle dans de nombreuses forêts. Nous demandons donc que le chevreuil soit retiré des espèces obligatoirement soumises à plan de chasse, ce qui laisse toujours la possibilité de maintenir un plan de chasse chevreuil localement (responsabilité du préfet) en cas de problème particulier.
4 - Lors de la création envisagée d’associations communales de chasse agréée (Acca), il est demandé que la délégation régionale du Centre national de la propriété forestière (Cnpf) soit obligatoirement consultée pour avis afin de rendre à cet établissement public sa place normale et de bénéficier de son expertise dans le domaine de la gestion forestière en forêt privée. Dans le même esprit, il est demandé que le Cnpf soit systématiquement informé des assemblées générales annuelles des Acca.
5 - Les forestiers soutiennent également toute disposition réglementaire qui permettrait d’éviter les dérives (d’ores et déjà constatées) sur les contributions à l’hectare. De même ils soutiennent l’idée du renforcement des compétences de la formation spécialisée forêt de la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage.
Les propriétaires forestiers, qu’ils soient publics ou privés, sont des acteurs incontournables de notre ruralité et sont particulièrement conscients de leurs responsabilités économiques, sociales et environnementales. L’actuelle surpopulation de cervidés n’est pas une fatalité et les forestiers ne comprendraient pas que la dramatique remise en cause du renouvellement de la forêt, avec ses conséquences en termes de biodiversité, de qualité de l’eau, de stockage carbone ou de paysage, ne soit pas mieux prise en compte. Persuadés de votre compréhension, nous nous tenons à votre disposition afin de vous apporter des solutions raisonnables et durables pour préserver nos forêts. »
(lire également page 22)