Secrets d’une tête bizarde
TOUT SUR LA PERRUQUE
Phénomène inconnu jadis, le chevreuil semble offrir de plus en plus de perruques. Ces dernières années, les lecteurs de Connaissance de la Chasse ont partagé ces prises étranges. Mais de quelle façon apparaissent les brocards à perruque ?
1 – Quel animal ?
La perruque affecte particulièrement le chevreuil, ainsi que son cousin le cerf mais dans de moindres proportions (« les cerfs à perruque sont très rares et leur observation très sporadique », docteur Alain François, Les Têtes bizardes du cerf, 2012, à compte d’auteur). Par ailleurs, les cerfs à perruque offrent des ramures assez peu développées comparées à celles des brocards.
La perruque peut exceptionnellement affecter des chevrettes. Celles-ci sont généralement âgées, et subissent un dérèglement hormonal (augmentation des hormones mâles et diminution des hormones femelles). Ces chevrettes ne sont pas de légendaires bréhaignes, mais au contraire généralement sont fécondes et suitées (cf. n° 390 d’octobre 2004 de Connaissance de la Chasse, p. 52, cas d’une remarquable chevrette pseudolicorne vosgienne, en photo ci-contre, et n° 519 de juillet 2019, p. 12, chevrette, et n°516 d’avril 2019, p. 13, suitée de deux faons). Logiquement, cette anormalité peut concerner l’ensemble des autres espèce de cervidés : daim, éland, renne, etc.
Le brocard étant principalement chassé sous velours, un nombre conséquent de chevreuils portant des perruques doit très probablement échapper à nos observations.
On évoque une perruque, mais aussi un brocard à perruque. Les expressions de brocard perruqué ou de brocard en perruque sont peu partagées.
2 – Quelle forme ?
La perruque résulte de la disparition du cycle normal de la pousse des bois. Le nouveau cycle – anormal – n’engendre plus la chute des bois, ni celle des velours. Désormais, la pousse des bois ainsi que celle des velours se fait :
- de façon à la fois simultanée et permanente ;
- à un rythme plus ou moins soutenu ;
- de façon plus ou moins anarchique.
De fait, un animal naît ou devient brocard à perruque.
Les bois d’une telle ramure sont plus ou moins développés, calcifiés, anormaux, tandis que les velours sont plus ou moins abondants. Des sortes de pendeloques de velours peuvent se développer. Ainsi, chez le brocard, il existe une variété de tailles et de formes de perruques.
Sous le velours d’une perruque, qu’observe-t-on :
- généralement le merrain est anormalement épais (forte production osseuse plus ou moins hétérogène) ;
- la ramure détient une perlure extrêmement marquée sur l’ensemble de la ramure (le terme de pierrures prend alors toute son acception) ou bien elle a l’aspect d’une éponge ; - les pivots osseux sont anorma
lement fins (observation d’Alain François).
Lorsque merrains et velours sont développés, dépassant les oreilles, et au point de se réunir et de former un tout, on évoque une mitre (rappelant celle de l’évêque) et un brocard mitré.
Les perruques dites ossifiées, c’est-à-dire dépourvues de velours, proviennent d’animaux trouvés morts. Sous l’effet des éléments naturels et des insectes, les velours ont disparu.
Enfin, des animaux atteints légèrement par le processus de formation de la perruque ou en début de processus peuvent développer des bois qui chutent (observation A. François). Ceux-ci sont reconnaissables à deux singularités : ils sont anormalement perlés sur l’ensemble de leur longueur et ont une base creuse. Le bois vient donc se jucher sur le pivot osseux et non pas se fixer à plat dessus, comme d’ordinaire.
3 – Quelle cause ?
La perruque est due à un trouble hormonal, précisément à une déficience permanente des hormones mâles (testostérone). Cela s’accompagne d’une malformation systématique des testicules : ceux-ci sont toujours atrophiés. Selon le docteur Alain François, on dénombre 5 causes possibles : - une infection ;
- un virus ;
- une bactérie ; - un traumatisme (plus rarement) ; - une origine congénitale (exceptionnel).
En effet, les chevrettes peuvent transmettre cette tare. Le cas a été observé dans le massif landais, en particulier dans le centre d’essais des Landes de Biscarosse, dans les Landes (observations guides de chasse de l’Onf et A. François) et dans le massif d’Hourtin, en Gironde (cf. n° 342 d’octobre 2004 de Connaissance de la Chasse, p. 120), ainsi que dans un territoire de Haute-Garonne (seconde observation A. François). Chaque saison, certaines chevrettes, dépourvues de signes particuliers, mettent bas plus ou moins systématiquement des faons mâles, lesquels développent des perruques. Lorsque ces chevrettes sont tirées, la production de brocards à perruque disparaît.
Hormis ces cas, la règle d’un brocard à perruque est d’être une exception au sein d’une population.
4 – Depuis quand et où ?
Les Allemands, férus de chasse à l’approche depuis de nombreuses saisons, se sont intéressés très tôt au Perükenbock (chevreuil à perruque). En France, déjà en 1906, le capitaine de Marolles – amateur de littérature cynégétique allemande – le révèle dans Langage et termes de vénerie : « Le cas est inconnu en France, mais il est assez fréquent en Allemagne et connu de tous les hommes des bois de ce pays. » Deux ans plus tard, il évoque le cerf à perruque dans Les Bois du cerf.
En France, ce n’est pas le seul Sud-Ouest qui accueille des brocards à perruque. S’il y existe des populations de chevreuils produisant régulièrement des brocards à perruque, cela paraît relever de la génétique, non pas du biotope, ni de l’alimentation, etc.
À travers les témoignages des lecteurs de Connaissance de la Chasse, nous relevons des localisations de brocards à perruque variées : Sud-Ouest certes mais aussi Allier, Hautes-Alpes, Mayenne, Pas-de-Calais, Haut-Rhin, Var, Vendée, etc.