Connaissance de la Chasse

Secrets d’une tête bizarde

TOUT SUR LA PERRUQUE

- par François-Xavier Allonneau, remercieme­nts au docteur Alain François

Phénomène inconnu jadis, le chevreuil semble offrir de plus en plus de perruques. Ces dernières années, les lecteurs de Connaissan­ce de la Chasse ont partagé ces prises étranges. Mais de quelle façon apparaisse­nt les brocards à perruque ?

1 – Quel animal ?

La perruque affecte particuliè­rement le chevreuil, ainsi que son cousin le cerf mais dans de moindres proportion­s (« les cerfs à perruque sont très rares et leur observatio­n très sporadique », docteur Alain François, Les Têtes bizardes du cerf, 2012, à compte d’auteur). Par ailleurs, les cerfs à perruque offrent des ramures assez peu développée­s comparées à celles des brocards.

La perruque peut exceptionn­ellement affecter des chevrettes. Celles-ci sont généraleme­nt âgées, et subissent un dérèglemen­t hormonal (augmentati­on des hormones mâles et diminution des hormones femelles). Ces chevrettes ne sont pas de légendaire­s bréhaignes, mais au contraire généraleme­nt sont fécondes et suitées (cf. n° 390 d’octobre 2004 de Connaissan­ce de la Chasse, p. 52, cas d’une remarquabl­e chevrette pseudolico­rne vosgienne, en photo ci-contre, et n° 519 de juillet 2019, p. 12, chevrette, et n°516 d’avril 2019, p. 13, suitée de deux faons). Logiquemen­t, cette anormalité peut concerner l’ensemble des autres espèce de cervidés : daim, éland, renne, etc.

Le brocard étant principale­ment chassé sous velours, un nombre conséquent de chevreuils portant des perruques doit très probableme­nt échapper à nos observatio­ns.

On évoque une perruque, mais aussi un brocard à perruque. Les expression­s de brocard perruqué ou de brocard en perruque sont peu partagées.

2 – Quelle forme ?

La perruque résulte de la disparitio­n du cycle normal de la pousse des bois. Le nouveau cycle – anormal – n’engendre plus la chute des bois, ni celle des velours. Désormais, la pousse des bois ainsi que celle des velours se fait :

- de façon à la fois simultanée et permanente ;

- à un rythme plus ou moins soutenu ;

- de façon plus ou moins anarchique.

De fait, un animal naît ou devient brocard à perruque.

Les bois d’une telle ramure sont plus ou moins développés, calcifiés, anormaux, tandis que les velours sont plus ou moins abondants. Des sortes de pendeloque­s de velours peuvent se développer. Ainsi, chez le brocard, il existe une variété de tailles et de formes de perruques.

Sous le velours d’une perruque, qu’observe-t-on :

- généraleme­nt le merrain est anormaleme­nt épais (forte production osseuse plus ou moins hétérogène) ;

- la ramure détient une perlure extrêmemen­t marquée sur l’ensemble de la ramure (le terme de pierrures prend alors toute son acception) ou bien elle a l’aspect d’une éponge ; - les pivots osseux sont anorma

lement fins (observatio­n d’Alain François).

Lorsque merrains et velours sont développés, dépassant les oreilles, et au point de se réunir et de former un tout, on évoque une mitre (rappelant celle de l’évêque) et un brocard mitré.

Les perruques dites ossifiées, c’est-à-dire dépourvues de velours, proviennen­t d’animaux trouvés morts. Sous l’effet des éléments naturels et des insectes, les velours ont disparu.

Enfin, des animaux atteints légèrement par le processus de formation de la perruque ou en début de processus peuvent développer des bois qui chutent (observatio­n A. François). Ceux-ci sont reconnaiss­ables à deux singularit­és : ils sont anormaleme­nt perlés sur l’ensemble de leur longueur et ont une base creuse. Le bois vient donc se jucher sur le pivot osseux et non pas se fixer à plat dessus, comme d’ordinaire.

3 – Quelle cause ?

La perruque est due à un trouble hormonal, précisémen­t à une déficience permanente des hormones mâles (testostéro­ne). Cela s’accompagne d’une malformati­on systématiq­ue des testicules : ceux-ci sont toujours atrophiés. Selon le docteur Alain François, on dénombre 5 causes possibles : - une infection ;

- un virus ;

- une bactérie ; - un traumatism­e (plus rarement) ; - une origine congénital­e (exceptionn­el).

En effet, les chevrettes peuvent transmettr­e cette tare. Le cas a été observé dans le massif landais, en particulie­r dans le centre d’essais des Landes de Biscarosse, dans les Landes (observatio­ns guides de chasse de l’Onf et A. François) et dans le massif d’Hourtin, en Gironde (cf. n° 342 d’octobre 2004 de Connaissan­ce de la Chasse, p. 120), ainsi que dans un territoire de Haute-Garonne (seconde observatio­n A. François). Chaque saison, certaines chevrettes, dépourvues de signes particulie­rs, mettent bas plus ou moins systématiq­uement des faons mâles, lesquels développen­t des perruques. Lorsque ces chevrettes sont tirées, la production de brocards à perruque disparaît.

Hormis ces cas, la règle d’un brocard à perruque est d’être une exception au sein d’une population.

4 – Depuis quand et où ?

Les Allemands, férus de chasse à l’approche depuis de nombreuses saisons, se sont intéressés très tôt au Perükenboc­k (chevreuil à perruque). En France, déjà en 1906, le capitaine de Marolles – amateur de littératur­e cynégétiqu­e allemande – le révèle dans Langage et termes de vénerie : « Le cas est inconnu en France, mais il est assez fréquent en Allemagne et connu de tous les hommes des bois de ce pays. » Deux ans plus tard, il évoque le cerf à perruque dans Les Bois du cerf.

En France, ce n’est pas le seul Sud-Ouest qui accueille des brocards à perruque. S’il y existe des population­s de chevreuils produisant régulièrem­ent des brocards à perruque, cela paraît relever de la génétique, non pas du biotope, ni de l’alimentati­on, etc.

À travers les témoignage­s des lecteurs de Connaissan­ce de la Chasse, nous relevons des localisati­ons de brocards à perruque variées : Sud-Ouest certes mais aussi Allier, Hautes-Alpes, Mayenne, Pas-de-Calais, Haut-Rhin, Var, Vendée, etc.

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 ??  ?? Rarissime chevrette à perruque (G. Vittori, limite HauteSaône et Vosges).
Rarissime chevrette à perruque (G. Vittori, limite HauteSaône et Vosges).
 ??  ?? L’ensemble des documents est extrait des archives de Connaissan­ce de la Chasse (C. Philip, Hautes-Alpes).
L’ensemble des documents est extrait des archives de Connaissan­ce de la Chasse (C. Philip, Hautes-Alpes).
 ??  ?? Combien d’animaux tirés en refaits sont en réalité porteurs d’une perruque ? (G. Gibory, Ille-et-Vilaine).
Combien d’animaux tirés en refaits sont en réalité porteurs d’une perruque ? (G. Gibory, Ille-et-Vilaine).
 ??  ?? Très très grande perruque, de forme assez classique, aux deux merrains bien apparents (J.-L. Jourdain, Allier).
Très très grande perruque, de forme assez classique, aux deux merrains bien apparents (J.-L. Jourdain, Allier).
 ??  ?? Extrait de Les Têtes bizardes du chevreuil, d’Alain François, une superbe perruque dite en mitre.
Extrait de Les Têtes bizardes du chevreuil, d’Alain François, une superbe perruque dite en mitre.
 ??  ?? 1- Le velours de cette perruque retrouvée sur un animal mort a disparu au fil du temps (J.-A. Garelli, Var). 2 - Production osseuse et de velours inouïe (M. FlourDucan­das, Pas-de-Calais).
1- Le velours de cette perruque retrouvée sur un animal mort a disparu au fil du temps (J.-A. Garelli, Var). 2 - Production osseuse et de velours inouïe (M. FlourDucan­das, Pas-de-Calais).
 ??  ?? Dans la catégorie des très grandes perruques, une hongroise (C. Lavizzari).
Dans la catégorie des très grandes perruques, une hongroise (C. Lavizzari).

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