Le temps suspendu
Croyez-moi bien, il n’est pas aisé d’écrire un éditorial en cette période très étrange – voire dramatique pour certains – de guerre sanitaire. Le ton doit-il être léger ou grave ? Ou – plus délicat – les deux à la fois ? Dans la tempête, il nous faut nous préoccuper, nous occuper, des nôtres, des proches et des voisins. Ceci fait, attardons-nous sur nous. Et si nous faisions ce que nous ne prenons jamais le temps de faire ? Et si nous mettions à profit ce temps suspendu pour prolonger l’acte de chasse ? Petit précis du chasseur confiné.
Lire. Chaque page de Connaissance de la Chasse, je lirai. Quitte à me plonger dans des anciens numéros pour m’y délecter d’articles que j’avais lus trop vite ou zappés.
Lire bis. Dans les ouvrages des bons maîtres, je me plongerai. Romans, traités de chasse, livres techniques, la littérature cynégétique est l’une des plus abondantes qui soient. La lecture permet le plus beau des voyages : le voyage intérieur.
Regarder. Un film de Jean-Paul Grossin je visonnerai. Quand le cerf perd la tête, Cerf moi fort, Le Trombinocerf,
L’Étang aux biches, etc. Ces petits chefs-d’oeuvre de l’ami regretté – qui ne sont pas si petits, et qui est si regretté – chantent la nature, la poésie et l’humour.
Écrire. Mes émotions et souvenirs sur le papier je coucherai. Pourquoi ne signerais-je pas un récit de chasse, un poème, que je partagerai avec les miens d’un clic, via un courriel ?
Trier. Mes photos je trierai et classerai. Tirage papier ou photos numériques, clichés de chasse ou d’animaux, voilà l’instant rêvé pour que revivent ces scènes.
Cuisiner. La venaison j’honorerai. En cherchant bien, et sans trop chercher d’ailleurs, je vais découvrir quelques pièces de gibier dans mon congélateur. Bonne occasion de cuisiner pour les miens et les voisins. Partager la cuisine du gibier est un acte militant.
Ranger. Mes affaires de chasse je rangerai. Elles sont partout et nulle part, elles envahissent le placard, l’appenti, le garage. Dépareillées, poussiéreuses, crottées, il me faut les affronter. Courage, rangeons !
Équipement. Mes armes je nettoierai. Cela fait combien de temps que je ne m’y suis pas employé ? Fusils, carabines, couteaux, dagues et mêmes optiques, sont de bons amis de chasse. L’amitié, cela se prouve.
Trophées. Mes trophées je dépoussiérerai. Reconnaissons-le, ces souvenirs de chasse sont des pièges… à poussière.
Sur le crâne ou sur un carton, à l’encre de Chine de préférence, j’écris quelques informations sur les circonstances de la prise. Pour que le souvenir ressurgisse, et perdure.
Trophées bis. Mes trophées je préparerai. Le congélateur est décidément généreux, peut-être s’y glisse-t-il quelques têtes de brocard entre autre ? Ingrédients de préparation : huile de coude et temps. Nous avons ça en boutique !
Trompe. Mon instrument j’astiquerai. J’aime à penser qu’une trompe de vènerie qui brille de mille feux sonne mieux.
Trompe bis. Sonner je continuerai ou recommencerai. Dans le jardin ou le garage, chaque jour je sonne quelques fanfares. Et chaque soir, à 20 h, je sonne (ou pibole) pour honorer le personnel médical et pour distraire le voisinage. À l’instar de l’ami Philippe Convert, dans son village de l’Oise, trompe historique de 90 printemps. Fanfares d’espoir.
Remercier. Le facteur et le kiosquier je remercierai. Je n’oublie pas qu’ils me fournissent ma revue préférée. Respecter. Confiné et masqué je demeurerai.
Aussi longtemps que nécessaire, je respecte strictement les règles de sécurité sanitaire. Façon d’épargner les plus faibles et de soulager le corps médical.
Je vous laisse, nous avons tant de choses à faire… Bonne lecture à toutes et à tous. Et merci pour votre fidélité.