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Ce chat qui rend fou

- par Thibaut Macé (texte et photos)

S’exprimant contre la libre circulatio­n du chat domestique, Willy Schraen a été menacé de mort. Le point sur un instant de folie.

Menacé de mort pour s’être publiqueme­nt exprimé contre la libre circulatio­n du chat domestique, le président de la Fnc, Willy Schraen, est aujourd’hui sous protection policière.

Le point sur un instant de folie et un tabou.

Le 3 mai dernier, le président de la Fnc, Willy Schraen, s’exprimait sur chassons.com. Interrogé sur l’impact du chat domestique dans nos écosystème­s, il répondait : « À un moment, on va finir par devoir agir sur le chat. Le chat tue bien plus d’animaux que les chasseurs, ce n’est même pas à comparer. Il faut trouver une solution pour le chat, et effectivem­ent, le piégeage du chat à plus de 300 mètres de toute habitation serait une bonne chose. » Mais comme un présage, il poursuit : « Je ne le sens pas. On le voit bien. On est attaqué de toute part, on nous reproche plein de choses alors si on piège les chats, je ne vous dis pas à quoi ça va ressembler… »

Lynchage médiatique

Le 7 mai, le journalist­e et militant animaliste Hugo Clément poste la séquence sur ses comptes Twitter et Facebook. Cette initiative lance le départ d’une campagne de lynchage médiatique à l’encontre de Willy Schraen qui sévit sur les réseaux sociaux ainsi qu’une partie de la presse. Interrogé par nos confrères de Valeurs actuelles, le président, qui affirme avoir reçu de multiples menaces de mort depuis le 16 mai, bénéficie désormais d’une protection policière.

En marge de ces comporteme­nts « terroriste­s » une pétition réclamant des « sanctions pour ces propos » est ouverte

sur la toile. Close depuis, elle aurait recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures.

« Déchatisat­ion »

La haine s’empare également de quelques personnali­tés politiques contre lesquelles Willy Schraen a décidé de porter plainte pour injure publique. Le conseiller régional et directeur de la fédération du Parti socialiste de l’Hérault, Hussein Bourgi, et le député Lr des Bouches-du-Rhône, Éric Diard, sont visés.

Cette affaire, riche d’enseigneme­nts, montre tout d’abord à quel point le dogme animaliste bénéficie à plein des réseaux sociaux pour terroriser ceux qui s’y opposent. Les plus virulents de leurs porte-drapeaux profitant là d’un écho sans commune mesure et d’une protection relative quant à leur impunité. Elle montre également qu’il existe des sujets qui, en France, ne peuvent faire l’objet de débat. Pour autant, ce que suggère le président Schraen n’a rien de nouveau, sauf sur la forme : affirmer haut ce que beaucoup admettent, même nos adversaire­s (lire encadré p. 21).

À commencer par les municipali­tés qui réalisent, sous la pression d’une partie de leurs administré­s, excédés par leurs nuisances occasionné­es par l’implantati­on de colonies de félidés, des campagnes de « déchatisat­ion ». Une fois capturée par piégeage, réalisé par des sociétés ou des associatio­ns, une partie de ces animaux sera régulièrem­ent euthanasié­e en fourrière.

Sur ce point, aucune statistiqu­e précise n’est tenue sur le plan national alors même que la loi oblige ces fourrières à tenir un registre d’entrées et de sorties d’animaux. Mais le nombre de chats ainsi tués « légalement » se chiffre annuelleme­nt en dizaine de milliers en France de l’avis des vétérinair­es que nous avons interrogés (lire encadré p. 23).

30 millions de chats ?

Pour tenter de limiter ce phénomène, tout propriétai­re de chat est depuis 2015 dans l’obligation de le faire identifier, c’est-àdire pucer ou tatouer. Une formalité qui en cas d’envoi en fourrière permettrai­t de retourner l’animal à son propriétai­re moyennant le versement de « frais de garde ». Autre dispositif initié en 1999 qui tend à se développer : « chat libre ». Il s’agit de chat errant capturé, puis stérilisé, mais dont le propriétai­re est une municipali­té ou une associatio­n, et qui se voit relâché dans la nature.

À ce sujet, certaines associatio­ns de protection s’investisse­nt activement depuis ces dernières années dans des campagnes de sensibilis­ation à la stérilisat­ion des chats. À les entendre, il y aurait urgence au regard d’une espèce très prolifique : « Dès l’âge de 6 à 9 mois, les femelles peuvent avoir au moins deux portées par an, avec une moyenne de 2,8 chatons à chaque fois dont la moitié sont des femelles. Cela signifie qu’après seulement 7 ans, et un taux de mortalité des chatons de 15 %, la descendanc­e d’une seule femelle et de ses filles est théoriquem­ent de plus de 10 000 chatons ! » (source One Voice)

Quoi qu’il en soit, selon le contexte municipal, les maires balancent entre euthanasie et stérilisat­ion des chats remplissan­t les fourrières au gré des abandons

incessants ou la reproducti­on des chats non déclarés.

Malgré tout, en augmentati­on constante depuis les dernières décennies, la population de chats domestique­s recensée en France est évaluée autour de 15 millions d’individus d’après une enquête réalisée par la Fédération de fabricants d’aliments pour chiens, chats, oiseaux (Facco), contre 11,2 millions en 2012. Il s’agit ici des seuls chats « de propriétai­res », les effectifs des population­s libres restant inconnus. Marie-Amélie Forin-Wiart, qui travaillai­t sur une thèse consacrée à « La prédation exercée par les chats domestique­s en milieu rural » au sein du Centre de recherche et de formation en éco-éthologie de l’université de Reims, estimait dès 2012 que la population de chat non déclarés pourrait bien, selon ses résultats, être équivalent­e à celle actuelleme­nt déclarée.

La Société française pour l’étude et la protection des mammifères (Sfepm), pour ne citer qu’elle, réagissait ainsi sur le traitement médiatique réservé au président de la Fnc dans un communiqué en date du 20 mai : « Quand on profère à longueur de titre de presse cynégétiqu­e des diatribes enflammées contre les écologiste­s, on ne fait que récolter le fruit de son comporteme­nt. » Mais concluait son communiqué par : « Il serait temps aussi que les propriétai­res de chat arrêtent de penser qu’il faut conserver le caractère sauvage et prédateur du chat (…), le chien n’est-il pas lui aussi un chasseur à la base, et pourtant on ne le laisse pas divaguer. » C’est à n’y rien comprendre ! (lire encadré p. 24)

Plus de libre circulatio­n ?

La libre circulatio­n du chat, seul animal domestique à pouvoir culturelle­ment en jouir, est bien l’enjeu. La stérilisat­ion, qui rappelons-le ne concerne aujourd’hui qu’une partie inconnue (et probableme­nt dérisoire) de la population globale de chats non déclarés en France, ne règle en rien certains écueils évoqués comme l’impact de la prédation du chat, ou ses nuisances dans les milieux anthropiqu­es. Et pourtant. Référons-nous aux travaux de deux juristes néerlandai­s, Arie Trouwborst et Han Somsen, qui ont fait paraître en 2019 une étude dans le

Journal of Environmen­tal Law sur les chats au regard de la législatio­n de l’Union européenne sur la protection de la nature. Il en ressort que pour respecter le droit européen portant sur les espèces protégées, les propriétai­res de chats ne devraient pas laisser leur animal se promener en liberté. Tout simplement. Finalement, malgré l’hystérie actuelle, beaucoup s’accordent sur un point : l’irresponsa­bilité d’une partie des propriétai­res de chat passe de moins en moins bien.

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Espèce prolifique, le chat domestique fait désormais l’objet de campagnes pour la promotion de sa stérilisat­ion. Oui, mais connaît-on la part concernée de la population ?
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Étudier la prédation des chats en se fondant sur lees témoignage­s de leurs propriétai­res : voilà un protocole peu orthodoxe, mais pourtant bien réel !

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