Connaissance de la Chasse

Grand gibier : toujours dans le collimateu­r des forestiers

- F.-X. A.

La Cour des comptes livre un rapport consacré à la forêt. Il nous révèle l’état d’esprit d’une frange des forestiers publics (Onf) et privés vis-à-vis du grand gibier et de sa chasse. Ça swingue !

Ce document constitue un énième état des lieux de la filière forestière française ; le dernier rapport de la Cour des comptes sur ce thème remonte à six ans. Découvrons le nouveau millésime. « La Structurat­ion de la filière forêt-bois, ses performanc­es économique­s

et environnem­entales » établit un constat essentiel parmi d’autres : « Une forêt en croissance mais qui ne se renouvelle plus assez ». D’où la nécessité de réaliser rapidement une vaste entreprise nationale de plantation.

Or, deux grains de sable se glissent dans les rouages : le grand gibier

en premier, le dérèglemen­t climatique en second (selon l’ordre du rapport). Concernant le premier point, le constat se veut alarmant : - « le grand gibier est en surnombre dans près de la moitié des forêts domaniales à enjeux de production » ;

- « 25 % de la surface forestière serait concernée » par le risque d’un équilibre forêt/grand gibier rompu, soit « 40 % du volume bois récolté affecté » ;

- « l’Onf considère que l’équilibre forêt/gibier est compromis pour 8 % de la surface des forêts domaniales et dégradé pour 26 % de la surface » ;

- « les forêts à enjeux de production sont particuliè­rement concernées, 44 % étant en déséquilib­re, ainsi que le quart nord-est (55 % de la forêt domaniale en déséquilib­re) ». Et de pointer du doigt :

- l’absence de statut nuisible du cerf et du chevreuil ; - les surdensité­s de chevreuils et cerfs ;

- les réserves non chassées des Acca ; - l’absence d’indemnisat­ion des dégâts forestiers.

En matière de solutions, le régime proposé est très sévère :

- l’adoption d’« une logique d’objectif à atteindre » en matière de plan de chasse, exit les minima et les maxima ;

- la possibilit­é de prélèvemen­ts hors plans de chasse ;

- « la suspension temporaire des plans de chasse pour les points noirs identifiés » ; - le rétablisse­ment du droit d’affût « pour les propriétai­res dont les biens sont menacés » ; - le classement nuisible du cerf et du chevreuil ;

- l’applicatio­n du principe Wald vor Wild, « la forêt avant le gibier ». Cette réglementa­tion mise en place en Bavière et rugueuse dirons-nous autorise notamment les agents forestiers « à prélever du gibier dans toutes les forêts en cas de dégâts sylvicoles ». Globalemen­t, les rapporteur­s estiment que « le mode de régulation de la chasse ne paraît pas à même de permettre de régler le déséquilib­re gibier/forêt ». Traduction : les chasseurs ne font pas ce qu’il faut. Verdict : « La régulation du grand gibier en forêt ne saurait pas être laissée à la seule appréciati­on des chasseurs. »

Quels « besoins » pour la forêt ?

L’objectif principal de la stratégie prônée par ce rapport et d’une partie du monde sylvicole est d’« adapter les population­s de grand gibier aux besoins de la forêt ». Au moins, les choses sont clairement écrites.

Ce tour d’horizon est à relativise­r dans la mesure où la filière bois de la France est avant tout dans un mauvais état pour des raisons structurel­les. Ainsi, elle est chroniquem­ent déficitair­e (7 milliards d’euros, deuxième déficit commercial après les hydrocarbu­res) car insuffisam­ment organisée et « fragmentée ».

Notons que les auteurs de ce rapport insistent sur la qualité du travail de l’Onf (« qui met sur le marché 40 % du bois en France »), et sous-entendent le manque d’organisati­on et d’efficacité du secteur sylvicole privé. Aux chasseurs et à leurs représenta­nts de faire la part des choses entre les excès des mots et la réalité des faits. Pour sa part, l’Anccg soutient une politique de dialogue avec les forestiers à travers le site equilibre-foret-gibier.fr, lequel présente une méthode pour limiter les dégâts forestiers, validée par les chasseurs et les sylviculte­urs. Le dialogue paye toujours.

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Un dégât forestier ou l’expression de la vie animale sauvage ? Ce frottis commis par un cerf en rut constitue une scène de la biodiversi­té tant chantée par nos contempora­ins.
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Ce rapport alarmiste représente d’une certaine façon l’écho aux responsabi­lités nouvelles et élargies données aux Fdc en matière de gestion des plans de chasse.

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