Connaissance de la Chasse

Urbains mais sauvages

- par Guy Bonnet (texte) et Stéphan Levoye (photos)

Fameux connaisseu­r du cerf et du chevreuil, fin observateu­r des choses, Guy Bonnet s’interroge ici sur ces espèces sauvages qui ne cessent de trouver aux portes des villes un refuge. Utile réflexion à nous autres, ex-confinés.

« La vie, c’est la liberté s’insérant dans la nécessité », Bergson

Depuis longtemps, « le paysage animal » dépend en grande partie de l’homme. Les comporteme­nts sociaux et la répartitio­n spatiale de beaucoup d’espèces sont liés aux modificati­ons d’un environnem­ent de plus en plus anthropisé. Bien qu’encore marginal, un phénomène se répand : la colonisati­on des milieux urbanisés. On connaît les cas les plus spectacula­ires : les renards de Londres, pilleurs de poubelles, les milliers de sangliers des parcs de Berlin, les faucons de NotreDame de Paris ou les wapitis et les élans des cités américaine­s et canadienne­s. Mais il en existe bien d’autres et il ne paraît pas exagéré de dire que la ville devient une nouvelle niche écologique. Nous évoquerons essentiell­ement ici le problème des ongulés sauvages.

Pourquoi ce refuge ? Les causes sont multifacto­rielles. On avance en premier lieu l’augmentati­on des population­s de grand gibier qui entraînera­it une saturation de leurs habitats. Même si certaines surdensité­s locales de sangliers dépassent les limites raisonnabl­es, l’explicatio­n semble un peu courte… Mais les grands ongulés se voient contraints d’évoluer dans des espaces de plus en plus mités et fragmentés par les constructi­ons diverses. En France, chaque année, 60000 à 80 000 ha de milieux naturels et de terres agricoles sont artificial­isés de manière irréversib­le. Autre raison : les dérangemen­ts cumulatifs, surtout dans les forêts publiques soumises à une trop forte pression de chasse et à de multiples activités récréative­s… qui provoquent le décantonne­ment des grands animaux vers les bois périphériq­ues, les bordures de village, voire les plaines cultivées.

Le recours à la ville

Enfin, la plasticité écologique des cervidés et des suidés, leur permettant de tirer parti de tout ce que la ville peut offrir : l’absence de prédation et, souvent, une alimentati­on prodiguée par les riverains ou procurée par nos déchets !

N’oublions pas que les herbivores proies sélectionn­ent leur domaine vital davantage sur la sécurité que

sur les ressources alimentair­es. Quand l’endroit associe les deux, quelle économie d’énergie ! Les humains et leurs activités régulières ne sont plus perçus comme des dangers. Les rares cerfs qui parviennen­t à vieillir le font alors près des habitation­s ; un rarissime grand sanglier a récemment été prélevé dans une zone périurbain­e, proche d’une autoroute.

Qu’il s’agisse d’incursions occasionne­lles ou de quasi sédentaris­ations, cette cohabitati­on d’animaux sauvages avec les hommes ne va pas sans poser des problèmes. Elle peut occasionne­r des dégâts, entraîner des coûts, comporter des dangers. Jardins dévastés, pelouses labourées, accidents de la circulatio­n, risques sanitaires mais aussi, chez le public, la peur latente d’une potentiell­e agressivit­é.

Difficile régulation

Rappelons à ce propos que ce sont essentiell­ement les sujets imprégnés dès leur enfance qui peuvent s’avérer dangereux, la crainte de l’homme n’existant plus chez eux. Donc, lorsque le phénomène prend une certaine ampleur, que la proximité devient promiscuit­é, les plaintes des habitants se multiplien­t et les élus – parfois les mêmes qui ont interdit la chasse sur le territoire communal – réclament une interventi­on rapide et efficace. En un mot, l’éliminatio­n des sujets urbains dans un milieu qui ne s’y prête guère. Les conviction­s animaliste­s sont mises à mal quand elles entrent en contradict­ion avec le confort personnel… Mais les nécessaire­s autorisati­ons administra­tives, les règles de sé

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Les grands ongulés colonisent de plus en plus les milieux urbains et leurs abords. Ou est-ce l’homme qui grignote inexorable­ment leurs territoire­s avec ses constructi­ons diverses ? Qui envahit qui ?
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Les jeunes sujets, habitués très tôt à la présence de l’homme, n’ont plus peur de ce dernier.
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