Urbains mais sauvages
Fameux connaisseur du cerf et du chevreuil, fin observateur des choses, Guy Bonnet s’interroge ici sur ces espèces sauvages qui ne cessent de trouver aux portes des villes un refuge. Utile réflexion à nous autres, ex-confinés.
« La vie, c’est la liberté s’insérant dans la nécessité », Bergson
Depuis longtemps, « le paysage animal » dépend en grande partie de l’homme. Les comportements sociaux et la répartition spatiale de beaucoup d’espèces sont liés aux modifications d’un environnement de plus en plus anthropisé. Bien qu’encore marginal, un phénomène se répand : la colonisation des milieux urbanisés. On connaît les cas les plus spectaculaires : les renards de Londres, pilleurs de poubelles, les milliers de sangliers des parcs de Berlin, les faucons de NotreDame de Paris ou les wapitis et les élans des cités américaines et canadiennes. Mais il en existe bien d’autres et il ne paraît pas exagéré de dire que la ville devient une nouvelle niche écologique. Nous évoquerons essentiellement ici le problème des ongulés sauvages.
Pourquoi ce refuge ? Les causes sont multifactorielles. On avance en premier lieu l’augmentation des populations de grand gibier qui entraînerait une saturation de leurs habitats. Même si certaines surdensités locales de sangliers dépassent les limites raisonnables, l’explication semble un peu courte… Mais les grands ongulés se voient contraints d’évoluer dans des espaces de plus en plus mités et fragmentés par les constructions diverses. En France, chaque année, 60000 à 80 000 ha de milieux naturels et de terres agricoles sont artificialisés de manière irréversible. Autre raison : les dérangements cumulatifs, surtout dans les forêts publiques soumises à une trop forte pression de chasse et à de multiples activités récréatives… qui provoquent le décantonnement des grands animaux vers les bois périphériques, les bordures de village, voire les plaines cultivées.
Le recours à la ville
Enfin, la plasticité écologique des cervidés et des suidés, leur permettant de tirer parti de tout ce que la ville peut offrir : l’absence de prédation et, souvent, une alimentation prodiguée par les riverains ou procurée par nos déchets !
N’oublions pas que les herbivores proies sélectionnent leur domaine vital davantage sur la sécurité que
sur les ressources alimentaires. Quand l’endroit associe les deux, quelle économie d’énergie ! Les humains et leurs activités régulières ne sont plus perçus comme des dangers. Les rares cerfs qui parviennent à vieillir le font alors près des habitations ; un rarissime grand sanglier a récemment été prélevé dans une zone périurbaine, proche d’une autoroute.
Qu’il s’agisse d’incursions occasionnelles ou de quasi sédentarisations, cette cohabitation d’animaux sauvages avec les hommes ne va pas sans poser des problèmes. Elle peut occasionner des dégâts, entraîner des coûts, comporter des dangers. Jardins dévastés, pelouses labourées, accidents de la circulation, risques sanitaires mais aussi, chez le public, la peur latente d’une potentielle agressivité.
Difficile régulation
Rappelons à ce propos que ce sont essentiellement les sujets imprégnés dès leur enfance qui peuvent s’avérer dangereux, la crainte de l’homme n’existant plus chez eux. Donc, lorsque le phénomène prend une certaine ampleur, que la proximité devient promiscuité, les plaintes des habitants se multiplient et les élus – parfois les mêmes qui ont interdit la chasse sur le territoire communal – réclament une intervention rapide et efficace. En un mot, l’élimination des sujets urbains dans un milieu qui ne s’y prête guère. Les convictions animalistes sont mises à mal quand elles entrent en contradiction avec le confort personnel… Mais les nécessaires autorisations administratives, les règles de sé