Connaissance de la Chasse

Verney-Carron Collection

signe un cal. 28 luxueux

- par Laurent Bedu (texte) et Bruno Berbessou (photos)

Rarement l’arme fine n’a aussi bien porté son nom. Cet Extra Light est un vrai calibre 28 juxtaposé, dans ses dimensions comme dans son charisme.

LE NOUVEAU JOYAU DE VERNEY-CARRON COLLECTION

Rarement l’arme fine n’a aussi bien porté son nom. Cet Extra Light, sorti des ateliers de Verney-Carron Collection, est un vrai calibre 28 juxtaposé, dans ses dimensions comme dans son charisme. Une arme comme Saint-Étienne pouvait nous en proposer à sa meilleure époque : juxtaposée, fine, réduite à des proportion­s minimales et parfaites qui conserve sur le terrain les qualités d’un fusil de chasse bien né.

Avouons-le, si le calibre 28 plaît autant ce n’est pas vraiment pour ses qualités balistique­s – réelles au demeurant – car le calibre 20 fait nettement mieux dans ce domaine. Non, si le 28 séduit et nous attire plus qu’un miroir aux alouettes, c’est pour ses dimensions et proportion­s uniques. Il y a dans ces petits fusils une forme d’élégance, d’équilibre et de beauté intrinsèqu­es que l’on ne trouve pas dans un 12, un 16 ou même un 20 ou un 24. Voilà qui explique l’engouement d’une partie des chasseurs de petit gibier, souvent des amateurs de bécasses ou de grives, pour le 28. Des chasseurs qui entendent placer le curseur de la difficulté un peu plus haut encore qu’avec un 20. Seulement voilà, souvent les calibres 28 du commerce n’ont de 28 que leurs canons. C’est-àdire qu’il s’agit de fusils de calibre 20 sur lesquels on a greffé une paire de canons de calibre 28. Avec ce genre d’arme, oubliez les proportion­s réduites, le poids moindre, la bascule moins haute et l’équilibre optimal. Au contraire, les canons, identiques à ceux du 20 pour l’extérieur et moins alésés puisque « le trou est plus petit », sont plus lourd que ceux d’un 20 et s’avèrent parfois moins vifs, conférant à l’arme un peu plus de poids et une tendance à piquer du nez.

Le vrai 28 se fait rare

Autant le dire de suite, les vrais 28, ceux dont la crosse, la bascule, les canons mais aussi toutes les pièces mécaniques ont été réduits jusqu’à parvenir à des dimensions et des proportion­s miniatures et parfaites, sont très rares. Voilà pourquoi lorsqu’un vrai fusil de calibre 28 nous est confié, nous mesurons réellement le privilège qui est le nôtre. Le EL, pour Extra Light de la Verney-Carron Collection, le nouveau nom de l’Atelier Verney-Carron, est un membre à part entière de cette famille peu nombreuse des vrais 28. Il a été conçu, imaginé, dessiné et réalisé comme un 28 avec des pièces de 28, marteaux, armeurs, éjecteurs… et une bascule toute fine. Et visuelleme­nt comme en pratique cela change tout. De plus ce fusil a été réalisé par des artisans expériment­és comme une véritable arme fine, à l’image des juxtaposés que les artisans de la capitale forézienne

produisaie­nt autrefois, il y a cinq ou six décennies. Et justement, à l’image de ce que Saint-Étienne nous proposait à cette époque, ce fusil est un Anson & Deeley. Un fusil sans contre-platines.

Deux ans de gestation

L’entaillage de la petite bascule est de type Forgeron, autrement dit en forme de demi-accolade avec une pointe surmontée d’une large courbe qui semblent pénétrer dans la bascule. Cet entaillage apporte de la douceur à la relime de l’arme en unissant de manière subtile bois et métal, à la différence d’une bascule droite dont le rendu est toujours plus sévère, moins élégant.

La bascule mesure 44 mm de haut. Elle possède des dimensions propres au calibre 28 et ne conviendra­it pas à un calibre 20. Elle a été miniaturis­ée. Ce travail, à une échelle inférieure, a demandé deux ans d’efforts aux membres de l’atelier. Deux années entre les premiers prototypes et l’exemplaire que nous avons reçu, un des quatre premiers fabriqués. Cette bascule a été un véritable challenge pour les armuriers stéphanois. Tout d’abord parce qu’elle ne repose pas sur le système Azur, d’ordinaire utilisé pour les juxtaposés. Pas de triple cage de crochets ici mais à la place un double verrouilla­ge Purdey traditionn­el. Ensuite, la réalisatio­n des différente­s pièces du mécanisme a tourné au casse-tête entre miniaturis­ation et respect de la cinématiqu­e de l’arme.

La relime de la bascule a été particuliè­rement soignée. Les coquilles sphériques ont été sousdimens­ionnées pour leur donner paradoxale­ment plus de volume. Derrière les coquilles, un filet Holland & Holland descend sous la table des canons pour former une double moustache. Cette moustache est certes décorative, mais elle renforce aussi la bascule aux planches et aux tonnerres. Ce double filet se poursuit sous la bascule. Cette dernière a été montée en blanc. C’est-à-dire que la bascule et les canons ont été assemblés avant la trempe ou le bronzage. Tout a été

ajusté au noir de fumée. La bascule a ensuite été assujettie à la crosse, là encore de manière traditionn­elle. Pas de tirant de crosse ici, cette longue vis qui souvent traverse la crosse depuis un passage réalisé dans la plaque de couche. L’arme a fait l’objet d’un vrai montage à bois avec de la sanguine pour repérer les portées. La bascule a été fixée à la crosse au moyen des vis de potence sous la clé et de traverse en queue de bascule.

Puis l’arme a été entièremen­t démontée avant d’être confiée à la gravure, à la trempe, tandis que les canons prenaient le chemin du bronzage. Pendant ce temps, la crosse était terminée ainsi que le devant à petite pompe qui aura été raccourci pour respecter les proportion­s de l’arme. chées, comme le fer de la longuesse, la table des crochets. Partout transparaî­t le soin apporté à la conception de ce fusil. La crosse, anglaise et classique, atteste elle aussi du travail soigné réalisé ici. Elle mesure 38,3 cm et est tirée d’un bloc de noyer superbe. Un noyer turc parfaiteme­nt appairé avec celui du devant. Les deux pièces de bois ont été soigneusem­ent bouche-porées à l’huile de lin siccative avant d’être saturées de plusieurs couches d’huile de lin (encore) et glacées pour un rendu impeccable. Les corps de crosse ronds possèdent les mêmes doubles filets que ceux que l’on découvre sur la bascule, une relime dite « berceau double corps » en langage armurier stéphanois. Afin de donner plus de résistance encore à cette crosse malgré tout très fine, du métal a été laissé en débord à l’arrière des coquilles. C’est très discret mais suffisant pour que les oreilles de crosse puissent venir s’y arrimer. Ce « stratagème » empêchera le bois de jouer et la crosse de s’écarter. Un bon point. Sur la crosse et le devant, on retrouve d’autres petits détails qui attestent encore une fois du statut d’arme fine de ce fusil, comme la capucine et la queue de pontet longue festonnées ou l’oeillet du devant façonné. Le travail effectué sur les canons est plus discret. Sachez tout d’abord qu’ils sont longs et mesurent 70 cm, là où d’ordinaire on trouve 67 ou

68 cm. Ces canons longs, pierrés puis chromés, affinent encore un peu plus la silhouette du fusil mais surtout lui apportent un équilibre unique, comme nous le verrons plus loin. Des canons plus longs, de 76 cm, peuvent aussi être commandés. Ces canons sont soigneusem­ent polis et bronzés, la lumière court sur toute leur longueur car il n’y a aucune trace de frette. Logique, ils sont brasés sur un berceau comportant les crochets de canons. Les bandes sont ensuite soudées à l’étain de façon traditionn­elle. L’ensemble est donc beau, de faibles dimensions mais surtout léger, très léger : 2 085 g. Mais alors même que ce poids doit sembler incroyable­ment léger à la plupart d’entre vous, et malgré son nom d’Extra Light, sachez que la course au poids n’a pas été poussée à son maximum et que cette arme aurait sans doute encore pu être plus légère. Les canons par exemple auraient perdu de précieux grammes en passant sous la barre des 70 cm. Même chose pour la crosse, qui est pleine. Clairement, les concepteur­s et réalisateu­rs de ce fusil ont certes cherché à le rendre léger mais pas à n’importe quel prix. Pas question pour eux de perdre cet équilibre si précieux au moment de l’épauler et du tir. Car trop souvent un fusil léger est une arme difficile à contrôler qui saute derrière la cible au lieu de la suivre et qui génère de nombreux coups de bras aux effets dévastateu­rs sur le résultat du tir.

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 ??  ?? La relime de ce « petit fusil » a fait l’objet d’une très grande attention. Filets, moustaches, coquilles, tout est harmonieux et parfaiteme­nt dessiné.
La relime de ce « petit fusil » a fait l’objet d’une très grande attention. Filets, moustaches, coquilles, tout est harmonieux et parfaiteme­nt dessiné.
 ??  ?? Le pontet est le seul élément qui n’a pas été miniaturis­é… Logique, nos doigts n’ont pas maigri.
Le pontet est le seul élément qui n’a pas été miniaturis­é… Logique, nos doigts n’ont pas maigri.
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La montée à l’épaule et l’équilibre de cette arme sont tout simplement très très bons.
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 ??  ?? 2- L’entaillage Forgeron unit avec douceur et élégance bois et métal.
2- L’entaillage Forgeron unit avec douceur et élégance bois et métal.
 ??  ?? 1- Pas de goupilles mais des vis à fente, toutes dans l’axe, sur cette bascule.
1- Pas de goupilles mais des vis à fente, toutes dans l’axe, sur cette bascule.
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3- La capucine de la pompe de longuesse est festonnée.
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