Sécurité : elle réserve des surprises
David François, chef du réseau Sécurité à la chasse au sein de l’Ofb, nous livre les préconisations pour des battues plus sûres mais aussi… plus efficaces. À contre-courant de certaines idées reçues.
Comment évolue la sécurité ?
Dans le bon sens. Schématiquement, en vingt ans, le nombre d’accidents de chasse a été divisé par deux. Depuis plusieurs années, on note une stabilisation autour de 120 à 130 cas approximativement. Pour ce qui concerne les accidents mortels, la tendance suit le même mouvement baissier, mais peut être sujette à différentes interprétations. De 39 cas enregistrés en 1999, nous sommes passés à 7 en 2018-2019, puis 11 cette saison. S’il peut y avoir une variation sensible du nombre de cas mortels en termes de pourcentage, cette proportion reste confinée entre
10 et 15 cas annuels depuis 2012. Le risque zéro n’existant pas,
il est possible que nous soyons là arrivés à une sorte de seuil incompressible.
Ne peut-on plus améliorer la sécurité ?
Il faut dissocier le chiffre global du comportement de chaque chasseur. Nous savons que la grande majorité des accidents sont liés à des fautes et non à la fatalité de certains ricochets par exemple. Même si nous savons qu’une grosse proportion des 7 millions de balles tirées annuellement ricochent. Il semble que saint Hubert soit très actif.
Quelles sont les fautes les plus fréquentes ?
Sans surprise, c’est le sujet qui vous intéresse aujourd’hui. Plus de la moitié des accidents, 52 % précisément, sont liés à un mauvais angle de tir. Pour 40 %, il s’agit du non-respect de l’angle des 30°, cela concerne donc les postés. Et pour 12 %, il s’agit d’un tir dans la traque.
Proscrivez-vous tout tir dans l’enceinte ?
Non, mais il faut rentrer dans les détails. Prenons le cas des traqueurs armés. Statistiquement parlant, 23 % des accidents au grand gibier sont dus à des traqueurs. Compte tenu de leur représentation dans un groupe, que l’on estime entre 10 et 15 %, ils génèrent donc plus de cas. Mais ce n’est pas tant le profil de ces hommes qui fait douter, mais bien leur environnement. En effet, tout chasseur sait pertinemment qu’une ligne de traque n’est jamais en permanence parfaitement droite. Il y a des zones où l’on ne perçoit plus son voisin. Certains marquent une pause pour de multiples raisons (végétation dense, maîtrise des chiens…). Bref, l’immense majorité des traques en France ne permet pas d’assurer un tir des traqueurs qui
respecterait en permanence un angle de 30°. Mais ce paramètre n’est pas le seul, un autre d’importance vient s’additionner, c’est la précipitation. Notamment lors de ferme. Souvent, l’action est faite dans la précipitation et la broussaille est là comme un piège. Ce contexte explique d’ailleurs les 7 % d’accidents qui sont liés à la bretelle et les 31 % d’autoaccidents (chute avec une arme en main entre autres).
Préconisez-vous l’interdiction du tir dans la traque ?
Si nous savons que l’environnement fermé d’une enceinte de chasse cumulé à la précipitation constitue un contexte propice à un accident, nous avons malgré tout conscience que l’utilisation d’une arme, pour la protection des chiens notamment, se révèle importante aux yeux des traqueurs.
Pour cette raison, l’Ofb préconise le port de l’arme dans la traque sous conditions. Les utilisateurs doivent être formés (par la Fdc) et désignés par le responsable de la battue. Ils ne doivent charger l’arme que pour intervenir en cas de risque pour les chiens.
Je rappelle également que nombreux sont ceux qui utilisent une lame (dague ou épieu) dans la traque.
Nous les recommandons d’autant plus qu’achever un sanglier entouré de chiens avec une arme à feu n’est pas sans risque pour eux.
Que conseillez-vous aux postés ?
Je vais peut-être vous étonner, mais nous entendons la nécessité d’une meilleure régulation des sangliers qui s’impose aujourd’hui en France. À ce titre, le tir dans la traque réalisé par un posté est une option très importante quand on sait que nombreux sont ceux qui voient des sangliers défiler devant eux sans franchir la ligne.
La question est donc de savoir si cet acte présente une dangerosité accrue. Nous estimons là encore qu’il peut être envisagé sous certaines conditions. La première consiste à se limiter à une faible distance, pas plus de 10 mètres. Le tir ne doit être autorisé que strictement devant le poste, jamais sur le côté même légèrement. La fenêtre de tir doit être très réduite dans cette situation. Enfin, et cela a son importance, il faut se limiter à une seule balle tirée, et uniquement au seul tir des sangliers. Cela ne peut se faire évidemment qu’en évaluant la progression et l’arrivée des traqueurs.
Pourquoi limiter le tir à une balle ?
Tout simplement parce que, dans le feu de l’action, certains postés auront tendance à suivre davantage l’animal qui pourrait sauter la ligne. Il y a ce qu’on appelle l’effet tunnel qui fait perdre au tireur toute notion d’environnement. Il ne voit plus que l’animal qu’il tire, encore plus avec les optiques de tir.
Dans les cas d’accidents, la première balle tirée dans la traque n’est pas forcément dangereuse, mais bien
la deuxième ou la troisième qui est réalisée sur un animal qui continue son déplacement et se retrouve à traverser la ligne des postés sans que le tireur s’en rende compte. Malgré tout, contrairement aux traqueurs, le posté bénéficie d’une meilleure maîtrise de son environnement.
Il est immobile et voit les animaux venir vers lui. Nous pensons qu’il faut sortir du dogme : « On ne tire qu’au rembûcher ». La sécurité est, entre autres, une affaire de cas par cas, de poste par poste. D’où l’intérêt d’avoir des chefs de ligne de qualité, bien formés, qui prennent le temps d’expliquer la spécificité de chaque poste – qui souffre d’ailleurs bien souvent d’un manque d’aménagements (fenêtre de tir dégagée, angles matérialisés…).
Comment assurer un tir dans un angle prédéfini ?
Votre précision est juste puisqu’il faut retenir que l’angle de 30° n’est pas à calculer à partir de son voisin posté, mais bien selon le dernier point à préserver (voiture garée, maison, posté décalé…). Il faut également trouver un repère derrière l’animal imaginaire qui va passer. Ce qui est important, c’est ce qu’il y a derrière. Tant qu’il n’a pas dépassé mon repère, je n’épaule pas. Enfin, si l’angle est un paramètre
sécuritaire, la distance de tir en est un autre. En battue, nous considérons que les tirs devraient être limités à 30 mètres maximum. Encore trop peu de sociétés de chasse donnent des limites de tir sur la distance, c’est un tort. Se vanter d’avoir tiré et tué un animal à plus de 100 mètres, en battue, n’est sûrement pas un « beau coup de carabine », mais un acte à bannir.
Quel est l’impact de tir trop lointain ?
En matière d’accident corporel, il est faible puisque nous avons ce que j’appelle la règle des 80 : 80 % des accidents de chasse ont lieu à moins de 80 mètres (toutes armes confondues). Mais il ne faut pas oublier qu’un tir peut être létal à 2 kilomètres. J’ai en mémoire un chasseur qui tire à 73 mètres depuis un mirador, sa balle touche le sol, ricoche et 400 mètres plus loin va casser une vitre d’habitation, sans faire de victime. Et cette année, un posté a été tué par un tir direct à 800 mètres. À ma connaissance, l’impact le plus long fut à plus de 1300 mètres. Mais dans ce dernier cas cité, on ne parle pas d’accident de chasse, mais d’incident de chasse. Si, par définition, ils n’occasionnent pas de blessures corporelles, leurs conséquences dramatiques doivent être prises très au sérieux.
Pourquoi un tir qui ne blesse pas peut-il être dramatique ?
Pour qu’il y ait accident de chasse, il faut une blessure corporelle qui soit liée à un tir d’arme de chasse. L’incident est qualifié dès lors qu’il y a un tir qui occasionne des dégâts matériels. La plupart des incidents concernent des non-chasseurs. Imaginez ce que peut ressentir une personne lorsqu’elle se rend compte qu’une balle a traversé son véhicule. Les conséquences sur l’image de la chasse ou des chasseurs sont irréparables ! Et les incidents nous inquiètent particulièrement puisque si les accidents baissent, les incidents, eux, augmentent. Nous en avons recensé 74 l’année dernière (37 véhicules touchés) contre 42 l’année précédente.
Entre autres causes, citons les sangliers qui se rapprochent des maisons et des territoires de plus en plus morcelés. Les balles qui traversent les autoroutes ne sont pas décomptées, seules celles qui percutent des véhicules le sont. Qui ne connaît pas de chasseurs qui a déjà avoué avoir « entendu une balle siffler » ?