Connaissance de la Chasse

Face-à-face

- François-Xavier Allonneau fx.allonneau@editions-lariviere.com

Nous entendions le ferme. Les cris des chiens de plus en plus nettement perçus indiquaien­t que le sanglier hésitait entre le ferme fixe et le ferme roulant, comme disent nos amis veneurs. Soudain, à droite, sortant du sous-bois dense, l’animal apparaît et glisse entre les troncs effilés des grands et sombres résineux. Bel animal à dire vrai, qui se révèle être un solide solitaire, aux défenses et grès saillants, à l’échine agressive mais à la silhouette relativeme­nt allégée. Les 6-8 chiens qui le cernent ne peuvent que le valoriser du fait de leur taille modeste de jack russell et autres fox-terriers. L’explicatio­n de ce ferme saute aux yeux : l’animal est dépourvu de postérieur gauche. La blessure est fort haute, le cuissot manque.

Des bracos ont-ils posé quelque collet dans cette belle forêt d’Europe centrale ? Il n’empêche, le suidé à trois pattes fait tête aux chiens, et se défend fort bien. D’ailleurs nous observeron­s une cicatrisat­ion étonnammen­t impeccable. Le sanglier tourne sur lui-même afin de tenir les chiens en respect, tout en se déplaçant lentement jusqu’à un fossé au beau milieu de l’enceinte, où notre ligne se trouve.

Fermant la ligne, le sanglier étant à ma gauche, parfaiteme­nt aligné sur les postés, dans l’absolu il m’est possible d’intervenir en sécurité. La traque est fort loin et se dirige à l’opposé de la ligne. Les chiens s’enhardisse­nt, des cris plaintifs trahissent un contact rude à dangereux. Otant l’optique, je me rapproche silencieus­ement de la scène, observant le sanglier en contre-bas. D’instinct les chiens s’écartent. Le ferme est fini…

Ce récit n’est surtout pas une incitation à servir à tout prix. Il indique juste que l’acte de servir constitue un acte de chasse, et par là-même nécessite de respecter toutes les précaution­s d’usage, vis-à-vis des hommes (chasseurs et traqueurs), des chiens et de l’environnem­ent.

Dans d’autres circonstan­ces, si la sécurité n’avait pas été assurée, je ne serais pas allé servir l’animal.

Servir, voilà un beau et étrange terme de chasse. Lorsqu’il sert, le chasseur se met au service de la chasse, au service même de l’animal dont il convient d’ôter la vie. Il faut aller au bout de l’acte de prédation. Mais servir ne s’improvise pas comme vous allez le découvrir dans un dossier complet réalisé par Olivier Buttin. L’essentiel étant de garder son sangfroid et d’analyser les conditions du ferme. J’y vais ou je n’y vais pas ? Et si j’y vais, de quelle façon agir vite et bien ?

Autres questions pratiques que ce hors-série aborde : l’emploi des carabines de traqueurs et conducteur­s de chiens de sang par les postés. Quels atouts détiennent ces armes courtes, légères, maniables, au calibre « suffisant » ? Dominique Czermann nous répond dans le détail. Questions d’organisati­on : ne nous est-il pas possible de repenser la battue en cette période de circulatio­n du virus ? Les solutions se nomment petites battues, traques-affûts, affûts collectifs. La chasse est affaire de tradition mais aussi d’innovation, comme le révèle Jean-Marc Thiernesse.

Et puis nous pouvons encore nous interroger sur l’art de donner les consignes au rond. Dire l’essentiel en peu de mots, mais en mots choisis, nous suggère François Magnien. Enfin, découvrons une série de 6 planches spécial chevreuil qui pourront se révéler particuliè­rement utiles pour connaître et reconnaîtr­e le petit cervidé, et le chasser.

Voici décidément un numéro hors-série à lire, à relire, à garder. Il nous enseigne à quel point la chasse est technique et complète. Et belle. Il suffit d’admirer les sculptures de Dany Continsouz­as pour s’en persuader. Bonne lecture à toutes et à tous.

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