Un homme de l’arbre

« En excursion dans la région, il n’avait qu’une hâte : quitter le paysage plat et dénudé pour entrer tout de suite dans une forêt ou dans un bois. Il ne se sentait bien qu’au milieu de la solitude peuplée des arbres et se désolait de les voir tomber sous l’effet de la tempête ou couper abusivement par mes hommes. Un jour je l’ai entendu murmurer cette pensée de Chateaubriand : “Les forêts précèdent les civilisations et les déserts les suivent.” Parfois, il disait également qu’il enviait la solitude des trappistes. » Plus souvent, le Général se tait. Assis sur un tronc, il songe. « […] il allongeait ses jambes decune vant lui sur la mousse et il demeurait ainsi bouche close pendant au moins dix minutes, admirant la frondaison ou le regard perdu dans le vague, en communion complète avec la nature. »

Sa sensibilité étant ce qu’elle est, le général de Gaulle était probablement davantage un homme de l’arbre, de la forêt qu’un homme de la capture, de la chasse. S’immerger dans la nature pour se ressourcer, réfléchir, prier peut-être. Après-guerre, alors que sa propriété a été dévastée et pour partie détruite par les troupes allemandes, il entreprend la construction d’une tour d’angle, dont la pièce du rezde-chaussée fera office de bureau. Un bureau qui, grâce à trois grandes fenêtres, est ouvert sur la vaste forêt. À sa table de travail, le Général achève l’écriture du tome 3 de ses Mémoires de guerre. « De la pièce d’angle où je passe les plupart des heures du jour, je découvre les lointains dans la direction du couchant. Au long de quinze kilomètres, au