Connaissance de la Chasse

Hier et demain

- par François-Xavier Allonneau

Sur les territoire­s de nos pères, quelle était la situation du grand gibier, il y a 70 ans ? Et, surtout, quel est son avenir, ainsi que celui qui l’accompagne depuis toujours : le chasseur ? Président de l’Ancgg, Gérard Bedarida explore les pistes du futur.

En 1945, l’occupation puis la Libération ont décimé des population­s de grand gibier déjà peu développée­s, en plaine comme en montagne. Des activités agricoles et forestière­s traditionn­elles et omniprésen­tes, une moindre couverture forestière, un braconnage commun, une gestion cynégétiqu­e minime, tout concourt à la rareté du grand gibier en France, excepté dans quelques propriétés privées gérées et vastes secteurs sauvages. En outre, le droit d’affût autorise l’agriculteu­r à tirer tout chevreuil, sanglier et cerf qui s’aventure dans ses cultures.

Autant le lapin et les perdrix sont rares de nos jours, autant chevreuils, sangliers, cerfs, chamois, isards, mouflons l’étaient il y a soixante-dix ans. Un vieux chasseur de Ternay, dans le nord du Loir-et-Cher, me confiait qu’au lendemain de la guerre il ne connaissai­t le chevreuil qu’à travers les images scolaires. Dans les années quatre-vingt, on s’extasiait de la présence d’un sanglier sur les pentes du Mont Pagnotte en forêt d’Halatte, dans l’Oise.

La médaille et son revers

Afin d’apprécier les choses à leur juste valeur, il conviendra­it de se souvenir ou de savoir qu’il n’y a pas si longtemps le grand gibier était très rare en France.

Au lendemain de la guerre, les chasseurs – dont les veneurs – et les forestiers des Eaux et Forêts commencère­nt à repeupler les territoire­s en cerfs, chevreuils, mouflons… François Sommer, qui pratique la gestion dans les Ardennes depuis 1925, participe des

plus activement à ces opérations de repeupleme­nt et de gestion. En 1950, la création de l’Associatio­n nationale des chasseurs de grand gibier, par ce dernier, symbolise le retour du grand gibier en France (lire pp. 60 et 62).

Ces efforts porteront particuliè­rement leurs fruits dès les années quatre-vingt-dix tandis que les rencontres et observatio­ns d’animaux se multiplien­t sur le terrain, et que les tableaux de chasse progressen­t. Ainsi les chasseurs issus du babyboom connaîtron­t les dernières belles saisons du petit gibier et l’âge d’or du grand.

Un âge d’or décidément complet car, insiste Gérard Bedarida, président de l’Ancgg, « ce temps fut celui de la restaurati­on des population­s de grand gibier à la fois sur le plan quantitati­f et qualitatif. Ce temps fut aussi celui de la mutation des chasseurs qui devinrent également des gestionnai­res. »

Au fil des saisons, la médaille va présenter son revers. « Peu à peu le productivi­sme s’est emparé de la chasse et de la gestion. Désormais certains voient la chasse uniquement comme une régulation dictée par de seuls impératifs économique­s », poursuit Gérard Bedarida. Dans un tel contexte, de quelle façon le chasseur peut-il trouver son bonheur si sa pratique devient uniquement un devoir ? Nous devons veiller à ce que la régulation ne prenne pas le dessus sur l’exercice même de la chasse. En outre, le développem­ent excessif des population­s de sangliers nous mène à une impasse sur tous les plans, financier et cynégétiqu­e. » Quel avenir s’offre alors au chasseur de grand gibier ? « Je pense que le chasseur doit dépasser son intérêt pour le seul gibier. Pour luimême et pour la société toute entière, il doit s’intéresser à l’ensemble de l’écosystème où vivent les différente­s espèces de grand gibier, la flore comme la faune, y compris les espèces protégées. Cela l’aidera à trouver et à pérenniser sa place dans la gestion de la nature. Et puis, cela favorisera la qualité et l’émotion de la chasse. Je crois beaucoup à cette dimension. J’ajoute que l’éthique n’est surtout pas castratric­e mais au contraire source de fierté et d’épanouisse­ment. »

Quels enjeux demain ?

Surdensité­s éventuelle­s, dégâts, agrainage, risque d’épizooties, loups, balles sans plomb…, autant d’enjeux traités dans les pages qui suivent. Nous pourrions ajouter un autre thème : « Le morcelleme­nt des territoire­s. Celui-ci frappe déjà les territoire­s du Nord, il n’est pas impossible qu’il atteigne ceux du Sud et nuise ainsi à la pratique de la chasse aux chiens courants. » Il est un autre thème qui tient particuliè­rement à coeur à Gérard Bedarida : « Comment faire accepter la chasse par la société urbaine et la nouvelle ruralité ? Nous devons réaliser un gros travail de pédagogie, expliquer en quoi l’unique sanctuaris­ation de la nature n’est pas la solution, réhabilite­r une biodiversi­té ordinaire conciliant utilisatio­n et conservati­on. Je pense qu’il s’agit là de l’un des grands chantiers du futur. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur le développem­ent permanent de nos connaissan­ces, ainsi que sur notre patrimoine culturel très riche. » Jamais l’homme n’a été plus connecté techniquem­ent et médiatique­ment, jamais il n’a été aussi déconnecté de la réalité naturelle, déculturé même en la matière. Estil possible d’inverser la tendance ? L’avenir, nous le dira. Avant soixante-dix ans espérons-le !

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Quantité et qualité. Reste désormais à privilégie­r la qualité…
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Gérard Bedarida, président de l’Ancgg.

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