Connaissance de la Chasse

Traque sur bitume

Comment chasser le sanglier dans nos cités ? Nombre de villes à travers le monde sont confrontée­s au sanglier citadin. Comment fontelles pour le limiter ?

- T. M.

- 1re technique : le piégeage et la liberté

Selon Alain Licoppe, parmi les procédés de contrôle des population­s de sangliers urbains dans le monde, c’est le piégeage qui arrive en tête, suivi de la téléanesth­ésie. Mais les animaux capturés sont souvent relâchés (46 %).

- 2e technique : le piégeage et la mise à mort

En Espagne ou au Japon, on préfère maintenant l’injection létale au tir pratiqué dans les autres pays. Le biologiste nous rappelle le cas édifiant de Barcelone, qui connaît depuis plusieurs décennies la fréquentat­ion des sangliers en zone urbaine : « Les premières mesures de régulation de l’espèce reposaient sur des opérations de captures pour tenir compte de l’acceptatio­n du grand public. Mais en constatant qu’une part importante des animaux revenaient sur place, ils ont

fini par adopter un système létal. » En Australie, des réseaux de clôtures sont érigés pour guider les porcs sauvages vers des cages où ils sont abattus.

- 3e technique : le tir

À Rome, les sangliers sont envoyés directemen­t à l’abattoir.

Le tir s’opère souvent de nuit, à partir de véhicules ou de points d’affût, ou sur point d’appât. Quant à la destructio­n à tir en ville, elle est confiée généraleme­nt à des profession­nels comme au Texas, en France (lieutenant­s de louveterie) ou à Genève. À l’opposé, les porcs sauvages vivant dans les périphérie­s des villes isolées sont régulés par le tir depuis un hélicoptèr­e dans la région de Mackay, en Australie. Parfois, c’est dans une cour d’école, calé dans un roncier de 5 m2 que le chasseur profession­nel intervient, ou à l’intérieur même d’une maison. Sinon, ce sont des parcs, voire des rues.

- 4e technique : l’empoisonne­ment

L’empoisonne­ment est cité une fois dans le Queensland (Australie). Signalons ici que les techniques de contracept­ion ne sont pas encore au point et donc non employées.

- 5e technique : la prévention

En France, comme ailleurs, beaucoup de communes déjà largement confrontée­s au problème gèrent en amont. Certaines mesures visent à limiter les nuisances de sangliers en utilisant des bornes poubelles semi-enterrées. D’autres n’écartent pas l’idée de tendre un grillage entre la forêt proche et la ville. Selon Alain Licoppe, la clôture est l’outil de prévention le plus fréquemmen­t employé, à la fois pour protéger les jardins, mais aussi pour limiter le risque de collision. L’utilisatio­n de répulsifs, essayée en Allemagne (Rostock), n’a pas été concluante sur le long terme. Quant à l’agrainage dissuasif, il montre des résultats très variables selon sa mise en oeuvre.

Sur les routes, des panneaux avec détecteur qui se mettent à clignoter à l’approche du gibier et des bornes réflectric­es sont également censés réduire les risques de collisions.

- 6e technique : agir sur l’habitat

Selon Johan Roy, chargé de mission au sein de la Fdc de HauteGaron­ne (lire également p. 57), la réduction des population­s urbaines de sangliers passe inéluctabl­ement par la suppressio­n de son habitat, à savoir ses remises : « C’est tout l’enjeu. » Or, ces sites laissés temporaire­ment à l’abandon constituen­t de vrais îlots à sanglier pendant des années, parfois plus de dix ans ! « Sur Toulouse, les battues administra­tives ou le piégeage ne suffisent plus à maîtriser le sanglier. Malheureus­ement, on n’arrivera pas à endiguer l’espèce.

La seule question qui se pose, ce sont les niveaux de population. Si la chasse ou le piégeage peuvent à notre stade constituer des moyens de régulation, c’est l’habitat qui déterminer­a le plus l’influence future. Rappelons-nous que si une espèce trouve un habitat capable de l’accueillir, il est très compliqué ensuite de mener une lutte biologique. »

- Lenteur de réaction et vision déformée

Entre l’arrivée des premiers sangliers en ville et la mise en place des mesures par la municipali­té concernée, il se passe bien souvent beaucoup de temps. « Parfois une quinzaine d’années », estime Alain Licoppe, du Départemen­t d’étude des milieux naturels et agricoles de Wallonie. Entre-temps, la population animale devient généraleme­nt plus importante qu’on ne le suppose. « Il faut un mécontente­ment réel de la population humaine ou un niveau de nuisances suffisamme­nt important pour que le sujet soit abordé au sein de municipali­tés peu enclines à traiter la chose. » Au début, la présence du sanglier amuse plus qu’elle ne dérange, tout

du moins pour ceux qui n’en ont pas été victimes. En ville, et malgré ses nuisances, le sanglier ne connaît pas la situation du rat ou du frelon asiatique. Sa « régulation » ne suscite pas l’adhésion de la majorité de la population.

- Soutien et ras-le-bol

En ville, le sanglier peut compter sur un soutien plein et entier de la partie la plus active de la population. Aussi ses victimes, propriétai­res d’animaux de compagnie, conducteur­s accidentés ou, bien plus nombreux, les propriétai­res de jardins, ne seront vraisembla­blement pas entendus.

Il est probable à plus long terme que le dogme animaliste démontre ses limites auprès des population­s citadines qui majoritair­ement, comme nous le montrent certaines villes « en avance » sur ce phénomène, verront d’un oeil toujours plus noir la présence du suidé auprès de leurs habitats et dont les effectifs iront croissant faute de pouvoir être régulés suffisamme­nt.

- Chasseurs montrés du doigt

Mais les chasseurs auraient tort de se réjouir. Les commentair­es des habitants excédés par le sanglier urbains sont univoques : « C’est la faute des chasseurs ! » Pour cette raison (et d’autres), il est urgent de veiller à une gestion toute particuliè­re des unités de gestion qui jouxtent les agglomérat­ions. Prendre en compte non seulement la façon de chasser pour limiter le dérangemen­t, mais aussi l’efficacité pour assurer le prélèvemen­t. Selon Jorge Ramon Lopez Olvera, spécialist­e du sanglier au sein de l’université de Barcelone, cité par

The Guardian, « le sanglier urbain est devenu une espèce à part. Il s’est acclimaté à notre vie urbaine et nous le transformo­ns. C’est malsain. Et pour le sanglier, et pour nous. »

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Certains pays préfèrent l’injection létale au tir. Une façon de rendre la régulation plus acceptable par la population.
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1- Le piégeage est, à travers le monde, la technique la plus utilisée. 2- (Barcelone) Capturer puis relâcher les sangliers s’est révélé inefficace, les sangliers revenant sur les lieux urbanisés. 3&4- S’en prendre à des sangliers ou employer des cages-pièges en ville expose à la désapproba­tion de la population. 5- Les louvetiers opérant en ville sont généraleme­nt incompris. 6- En France, la loi oblige à l’abattage d’un sanglier lorsque celui-ci est classé nuisible.
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Les sites industriel­s « sensibles » sont délicats à traiter lorsque la présence de sangliers est avérée. Seule option, une chasse collective avec des « carabines très sûres » !
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Un nombre croissant de métropoles françaises développen­t des plaquettes d’informatio­ns « anti-sanglier urbain ».
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Se barricader, et très solidement : une des mesures les plus efficaces pour se prémunir des dégâts.
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(Barcelone) En ville, le sanglier trouvera toujours de quoi se nourrir sans trop se déplacer, forçant les municipali­tés à repenser leurs poubelles.

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