Paroles de guide : Nicolas Dubich, secrétaire général de l’Association des guides de grande chasse (Aggc)
Secrétaire général de l’Association des guides de grande chasse (Aggc), Nicolas Dubich intervient depuis 25 années en Tanzanie, en Zambie et au Cameroun notamment. Guide réputé, il fait le point sur son parcours, son métier, la chasse, le safari. Un regard lucide et passionné.
La chasse, chez vous, c’est une histoire de famille… Tout à fait, mes grands-oncles, mon grand-père, mon père chassaient chaque week-end, en Alsace. Surtout le petit gibier après-guerre, ensuite avec le développement du grand gibier dans les années soixante-dix, ils s’y sont naturellement intéressés. C’est également à la fin de cette décennie que mon père et son frère ont découvert l’Afrique et la Rca.
Ils y sont retournés régulièrement jusqu’à il y a quelques années.
Quand faites-vous le grand saut ?
J’ai un parcours assez particulier. En dehors du fait que je rêvais à l’écoute des récits des chasseurs professionnels qui venaient rendre visite à mon père, je n’avais jamais imaginé une carrière dans la profession.
En fait, dès mon plus jeune âge j’avais intégré le milieu de la compétition en ski alpin, ce qui m’a conduit au niveau international. Malheureusement à ce niveau, la compétition est particulièrement rude et à 22 ans, bien que travailleur je me suis retrouvé en fin de carrière. Difficile à cet âge de vivre ce genre de déception.
Je décide alors de voyager pour m’éloigner du milieu sportif. Je pars dans un premier temps au Burkina Faso puis aux États-Unis.
Cela va-t-il décider de votre nouvelle carrière ?
Non, mais après avoir raccroché les skis, j’avais envoyé à plusieurs reprises mon CV à Éric Pasanisi sans vraiment y croire… Or, un jour, il a décroché son téléphone, m’a appelé et m’a dit que j’avais un billet d’avion 8 jours plus tard si je le souhaitais mais qu’il voulait une réponse immédiate. Ce jour-là, ma vie a basculé. Je ne savais pas que j’allais guider 22 ans au sein de la même entreprise familiale.
Vous voilà en Tanzanie…
Tout le monde connaissait et connaît encore la société TanganyikaWildlife-Safari dite Tawisa. Pour un jeune comme moi, sans référence, c’était la chance d’une vie. Éric m’a formé, je suis passé par l’ouverture des pistes, la construction des camps… La première année, en 1996, j’ai passé 9 mois en brousse. C’est là que j’ai réellement fait le grand saut et que j’ai pris conscience que ma nouvelle vie était peut-être dans cette profession.
La Tanzanie était-elle autant un must en matière de safari ? Tout à fait, et Tawisa était « la » compagnie mondialement reconnue qui opérait dans le pays. J’ai connu des années magnifiques, celles des grands troupeaux de buffles et de la chasse à l’éléphant dans le Selous, mais aussi celles de la recherche de toutes les espèces du Nord de la Tanzanie au pays Masaï. Imaginez un peu, nous avions 5 millions d’hectares entre le Selous et le Nord.
Qui plus est, vous côtoyez des guides de renom…
J’ai effectivement eu cette chance mais en dehors du fait d’avoir rencontré et travaillé au côté de chasseurs professionnels prestigieux comme Jean-Louis Masson, Franck Maes, Pedro de Sa E Mello ou Pierre Caravati, il faut bien comprendre que nous formions une famille au sein de Tawisa. Ce fut un privilège d’intégrer une telle société. Je dois beaucoup à tous ces guides et je leur serai reconnaissant la vie entière.
Quelles espèces affectionnezvous alors ?
Au début je me suis passionné pour la chasse des félins, jusqu’à ce que je découvre la chasse de l’éléphant. Nous avions un territoire fantastique pour les grands porteurs.
Malheureusement, tout a une fin…
Oui, l’aventure s’est arrêtée en 2017 après cinquante années d’activité. Le braconnage, l’interdiction en 2012 d’exportation de l’ivoire et des trophées de lions aux Usa nous ont fait perdre la majorité de nos clients américains. Ce qui a mis la société particulièrement en difficulté et a obligé Éric, après quelques années, à dire : stop.
Une page qui s’est définitivement tournée en août 2020 lorsque Gérard Pasanisi, fondateur de la compagnie et père d’Éric, nous a quitté.
Où guidez-vous alors ?
À partir de 2017 j’ai continué de guider en Tanzanie mais en freelance. J’ai quitté le Selous pour chasser dans l’Ouest du pays sur la rivière Ugalla, Moyowosi.
J’ai également effectué des séjours en Zambie pour les gros léopards.
Où pouvons-nous vous suivre d’aujourd’hui ?
Je continue ponctuellement de guider en Afrique de l’Est, prochainement sur la rivière Rungwa, mais ma principale activité est désormais en savane camerounaise où je gère la zone 15 pour le compte de l’agence Travel and Expeditions de Cyrus Khodaï. J’y retrouve les émotions et, sous une certaine forme, la difficulté de la chasse à l’éléphant en chassant l’éland de Derby dans une zone très montagneuse au bord du Faro.
Je dois dire à ce propos que c’est probablement l’une des plus belles chasses que j’ai pratiquées.
Pas d’expérience en forêt ?
Ça fait partie des choses qui me tiennent à coeur et j’espère y remédier très vite puisqu’après cette interview je rejoins le Congo Brazzaville pour mettre en place un campement et développer une zone de forêt pour bongos, sitatungas et buffles, entre autres. Une zone où il y a tout à faire. Un magnifique challenge comme je les aime.
Après vingt-cinq ans de terrain, quel regard portez-vous sur le safari actuel ?
La profession de guide de chasse est bien évidemment en train de changer, outre les pressions antichasse que nous subissons, il y a un vieillissement certain de la clientèle et pas de renouvellement, alors qu’il reste encore de très beaux endroits à parcourir et à chasser.
En outre, nous devons nous battre quotidiennement pour protéger nos territoires face à la croissance démographique, au braconnage…
Il y a un vrai travail en profondeur sur l’intérêt de la grande chasse au point de vue de la conservation. Encore plus qu’avant ! Aujourd’hui
« 80 % de notre activité est consacrée à la protection et aux aménagements. »
la chasse représente seulement 20 % de notre travail. 80 % de notre activité est consacrée à la protection et aux aménagements.
Quant à l’avenir ?
Nous subissons les attaques des anti-chasse dans des médias, les forums, etc. Mais les chasseurs professionnels que nous sommes se battront, comme cela a toujours été le cas, pour défendre nos valeurs et nos actions qui sont déterminantes dans la conservation de la faune sauvage. Je pense à ce sujet à un détail – trop souvent oublié – qui me fait dire que j’ai la certitude que les chasseurs amateurs ou professionnels sont bien plus passionnés de faune sauvage que la plupart de tout un chacun. Et que nous nous investissons tous les jours dans le sens de la conservation, aussi bien en temps passé qu’en valeur pécuniaire, n’en déplaise à nos détracteurs.
Retournons en France, quelles sont vos passions ?
Ma famille avant tout, même si je reste un passionné du ski de haut niveau et que j’entretiens toujours des contacts avec ce milieu. D’ailleurs, mon frère est entraîneur au Comité Mont-Blanc. J’aime aussi le sport mécanique, que j’ai pratiqué en amateur jusqu’à ces dernières années. Enfin, je chasse beaucoup à l’arc en Alsace et en Sologne. Ce n’est pas le besoin d’être forcément en action de chasse qui m’anime, mais simplement le plaisir de me retrouver en forêt.