Connaissance de la Chasse

Dans le cerveau de nos chiens

Grâce à J’éduque et je dresse mon chien, Max Carli, fameux éleveur et dresseur de chiens de chasse, nous offre un guide pratique des plus précieux, lequel vient de recevoir le prix de la Société centrale canine. Au fait, nos chiens sont-ils intelligen­ts ?

- par Max Carli (texte) et Serge Simon (photos)

Osons la question : le chien est-il intelligen­t ? Non, le chien n’est pas intelligen­t ! Pas comme nous l’entendons, si l’on se réfère au genre humain. Le chien ne raisonne pas, il agit soit par instinct, soit par associatio­n d’idées. De nos jours, on a parfois du mal à le laisser à sa place. Le moindre film ou reportage donne la parole à l’animal, lui prête de grands sentiments. Entendu dans un film animalier : « Oscar attend le retour de la gentille Pénélope. » On oublie que ces héros sont des ours et que le grand mâle a dévoré le joli ourson, afin de pouvoir courtiser la femelle. Grâce à cette disparitio­n, elle est en effet de nouveau en chaleur. Dure loi de la nature.

Moralité : même affublé d’un nom, l’animal demeure à quatre pattes, chien compris.

Ne prêtons pas au chien une finesse d’esprit qu’il n’a pas. Il suffit, pour bien comprendre sa façon de fonctionne­r, de se référer à des exemples dont certains sont vécus chaque jour par tous. Par exemple la promenade quotidienn­e. Le rituel est le même, nous prenons la laisse et sortons le chien. Au bout de quelques temps, il est joyeux lorsque nous saisissons la laisse. Son intelligen­ce se borne à ça : il enregistre les répétition­s de gestes. Il en est de même lorsque nous allons à la chasse. Nous prenons le fusil et nous emmenons notre compagnon. Après quelques sorties, il manifeste sa joie. Selon lui, fusil = plaisir. Le chien est loin d’avoir l’esprit qu’on lui prête, il fonctionne très simplement. Lorsque l’on a compris sa logique, il est possible d’aller très loin avec lui.

Associatio­ns de faits

Je vais vous citer deux histoires que j’ai vécues. La première met en scène ma chienne Inès. Chaque jour, je rentrais à 16 heures. Ma mère me guettait du balcon, avec Inès à ses pieds, et me disait : « Cette chienne est fantastiqu­e, elle comprend lorsque je lui dis que tu arrives. » Non, Inès ne comprenait pas que j’allais arriver. Elle ne répondait pas à la phrase de ma mère, elle avait simplement enregistré que sa maîtresse se dirigeait vers le balcon en prononçant les mêmes mots. À force d’habitude, Inès se dirigeait vers le balcon dès que ma mère amorçait sa marche dans la bonne direction. Elle semblait devancer l’action, mais en fait répondait toujours à cette associatio­n

« Lorsque l’on a compris sa logique, il est possible d’aller très loin avec lui. »

de faits, qui est le moteur de tous les chiens. La preuve en est qu’un dimanche où j’étais à la maison, je demandai à ma mère d’accomplir le même rituel à 16 heures. Elle s’exécute, fait un unique pas vers le balcon en disant : « Max va arriver ». Inès est déjà dehors, attendant. Un chien ne réfléchit pas. Il associe différents facteurs et agit en fonction de sa logique simpliste. Seconde histoire. Un jour, j’ai dû dresser un labrador pour un nonvoyant. Lui faire contourner les obstacles qui entravaien­t son passage fut facile, mais il n’en était pas de même pour ceux sous lesquels il pouvait passer – son intelligen­ce ne lui permettant pas de comprendre que ce qui est faisable pour lui ne l’est pas pour l’homme. Il fallait donc l’impliquer dans la démarche. En plus de l’instinct, des associatio­ns d’idées liées à la force de l’habitude, le chien fonctionne aux plaisirs et aux désagrémen­ts. Il ne recherche jamais ce qui peut attenter à son bien-être. Je confection­nai donc un semblant de portique avec trois morceaux de bois. Sitôt le chien engagé dessous, je faisais en sorte que mon échafaudag­e de fortune s’écroule sur son dos. Le résultat fut vite concluant. Le chien ne supporte plus d’exposer son échine à quoi que ce soit. Il n’a jamais cherché ni pourquoi, ni comment et aurait été le premier surpris s’il avait entendu les gens dire sur son passage : « Regarde, le chien comprend que son maître ne

peut le suivre sous la rampe, alors il la contourne. »

Plus malin qu’intelligen­t

De grâce, ne prêtons pas plus d’intelligen­ce au chien qu’il ne peut en avoir, même s’il est très malin. Sachons simplement que pour les chiens, il en est comme pour les humains, il existe différents degrés d’intelligen­ce. Pour ma part, je préfère de beaucoup le jeune chien qui fait des bêtises, celui qui vole les chaussures, ouvre la porte du placard, saute la haie pour aller explorer le quartier. Celui-là fait travailler ses neurones et pourra enregistre­r beaucoup de choses. Ce chien est malin et c’est pourtant de lui que l’on dit : « Il va me donner du mal, il est terrible ! » Certes, mais intelligen­t, et je sais qu’avec lui, j’irai loin. En revanche, le chien tranquille qui n’a jamais arraché une fleur, ni « volé un plaisir », donnera beaucoup de mal, car il est sans esprit. Il ne cherche pas, il vit dans son coin, sans fantaisie. Celui-là, je sais que j’aurai plus de mal à le dégourdir, alors que souvent son maître est persuadé d’avoir un bon chien, parce que justement il ne fait pas de bêtises. C’est un peu comme les enfants. Ils ne doivent être ni trop calmes, ni trop ordonnés…

« Pour les chiens, comme pour les humains, il existe différents degrés d’intelligen­ce. »

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 ??  ?? De ces deux jeunes Korthals de 2 mois, lequel sera le plus « intelligen­t » ? Le plus sage ou le plus téméraire ?
De ces deux jeunes Korthals de 2 mois, lequel sera le plus « intelligen­t » ? Le plus sage ou le plus téméraire ?
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Quelle que soit la définition de l’intelligen­ce que nous retenons, seuls une éducation et un dressage adaptés développer­ont les capacités respective­s de ces épagneuls de Münster.

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