Des scientifiques engagées
Accompagner le changement climatique, développer l’énergie renouvelable et l’accès aux soins… la planète connaît d’importants challenges. Parmi les scientifiques qui les relèvent, les femmes sont encore une minorité, mais plus pour longtemps. On en a renc
« Je voudrais qu’on guérisse tous les cancers »
Lucie Jarrige, 26 ans, doctorante de l’université Paris-Saclay à l’Institut de Chimie des Substances Naturelles, pense les médicaments de demain. « À 15 ans, j’ai un cancer des os au niveau du genou. Tout ce temps à l’hôpital me donne envie de trouver des médicaments qui soignent. Très soutenue dans cette démarche par mon entourage, cette passion devient ma force. J’ai de la chance, il y a pas mal de femmes en chimie pendant les études. Mais les plus hauts postes restent en majorité occupés par des hommes, et je réalise comme c’est dur d’avoir la renommée qu’on mérite. Bien sûr, la longueur des études peut être un peu dissuasive si on veut fonder une famille tôt, mais tout est possible. Il y a un manque de communication sur les métiers scientifiques, et les fausses idées perdurent. Si la science vous intéresse, allez au labo, rencontrez des gens, n’hésitez pas un instant ! J’aimerais devenir directrice de recherches et connaître un monde où on peut guérir tous les cancers, peu importe le stade. En 2016, je suis devenue championne du monde handisport d’escalade, alors gravir des montagnes, c’est mon truc. »
« Je veux rendre les villes plus intelligentes »
Tahina Ralitera, 24 ans, doctorante au Laboratoire d’Informatique et de Mathématiques à l’université de la Réunion, veut améliorer la qualité de vie en ville et sur les îles. « Par chance, mes parents choisissent de me montrer des dessins animés scientifiques. Ça éveille ma curiosité, et les maths, je trouve ça chouette. Mais très vite, je me rends compte qu’il faut lutter contre les préjugés du type “la science n’est pas faite pour les femmes, l’informatique encore moins ”. Seule fille de ma classe, on remet en question mes capacités en permanence. Et malgré ça, je me sens à ma place . Quand les gens s’étonnent en me voyant parce qu’ils ne s’imaginent pas que “ça ressemble à ça une geek ”, ils s’attendent à quoi au juste ? À un cliché. Uniquement parce qu’il y a trop peu de femmes scientifiques célèbres. Pour que ça change, il faut faire évoluer les mentalités, et ça commence par l’éducation… En attendant, je rêve que mes recherches permettent de construire des villes où les technologies nous aident à vivre mieux, avec des transports 100 % éco-responsables. »
« Je ferai tout pour que la banquise reste de glace »
Zoé Koenig, 26 ans, étudie les océans pour mieux comprendre le phénomène. « Entre ma mère diététicienne et mon père ingénieur, les maths, ça a toujours été la récré pour moi. Dès la quatrième, je sais que je serai chercheuse. Mais de quoi ? En bonne famille bretonne, on passe nos vacances sur des voiliers… et l’océanographie s’impose comme une évidence. Arctique, Antarctique, Norvège, à moi les expéditions polaires de six semaines ! Je réalise mon rêve, mais sur ces bateaux presque entièrement masculins, je sens bien que ma voix pèse moins que celle des hommes, si on n’ignore pas froidement ce que je dis. Même si, sur le terrain, ils sont plutôt impressionnés, il m’est arrivé qu’on m’interdise de toucher la tarière, l’outil de base pour forer la glace. Galanterie ou manque de confiance ? En revanche, quand, en plein prélèvements de glace sur nos sites d’exploration, on reçoit l’alerte radio “ours blancs à l’approche”, on redevient tous égaux ! Au-delà de tout ça, j’aimerais vivre dans un monde qui prend conscience de ce qui se passe au niveau climatique. Et que tout le monde se le dise : trier ses déchets, c’est déjà un très bon début. »
« J’aimerais éradiquer les épidémies »
Juliette Fedry, 27 ans, doctorante à l’Institut Pasteur, contribue à la recherche de nouveaux vaccins, notamment contre le paludisme. « Dès l’école primaire, j’adore les expériences, et je bidouille pour faire des découvertes. Jeune adulte, j’hésite à me lancer dans des études scientifiques, mais un grand cousin me dit : “Mes enfants l’ont fait, je ne vois pas pourquoi tu ne réussirais pas.” À l’âge où on s’oriente, on a besoin d’être encouragée, on n’a pas de recul sur les réflexions des autres. Surtout quand on entend des trucs comme : “Les garçons sont intelligents alors que les filles apprennent juste par coeur, et ça ne suffit pas.” Des propos choquants, qui me donnent envie de prouver le contraire. Plus tard, ce sont mes deux directeurs de thèse – des hommes – qui m’ont donné la niaque. Le problème, c’est qu’on manque de modèles féminins, et pas seulement des prix Nobel. Partout dans les films, les BD, les dessins animés, les filles sont juste là en potiche. Alors comment s’identifier au chercheur ? Et pourtant, il faut foncer. Je rêve d’un monde en meilleure santé et personne ne pourra m’empêcher d’essayer. »