Cosmopolitan (France)

ÇA, C’EST MA FORCE

On a toutes un point fort. Reste à l’identifier pour bien s’en servir.

- Par Manon Pibouleau

On a toutes un point fort. Reste à l’identifier pour bien s’en servir. Par Manon Pibouleau.

Juste avant de se livrer à un combat d’anthologie, Dark Vador recadre son fiston : « La Force est avec toi jeune Skywalker. Mais tu n’es pas encore un Jedi. » Comme quoi, même les héros ont besoin de bosser avant d’atteindre l’épanouisse­ment. Pour nous, c’est pareil.

La force, on ne tombe pas dessus, un matin, en se disant « Bon sang, dix ans que je la cherche alors qu’elle était coincée entre les coussins du canapé ». La force est une source d’énergie qui se ressent et dans laquelle nous puisons au quotidien. C’est elle qui nous permet d’avancer, de surmonter les épreuves pour, finalement, atteindre nos objectifs. Attention, si on galère à la trouver, inutile de loucher sur le voisin. La force est personnell­e. C’est un mélange subtil entre son vécu, son caractère et ses besoins. On se lance !

On naît avec

Certains chanceux viennent au monde avec une force directemen­t imprimée dans l’ADN : au hasard, Kate Moss et ses chromosome­s canon ou Aretha Franklin et ses cordes vocales. Sauf que selon Jean-Paul Sauzède, auteur de « Trouver la force d’oser » : « S’il y a des enfants qui viennent au monde avec des facultés, ça ne veut pas dire qu’ils auront besoin de remplir des Zénith, ni de faire la couverture de “Vogue” pour qu’une force leur procure de l’énergie ». C’est le cas d’Hélène, 31 ans, qui est née avec un « don » : « Ma force, c’est ma passion : le chant. Si je ne chante pas, je ne suis pas heureuse, je ne me sens pas en vie. J’ai commencé enfant, avec ma grand-mère, on faisait des duos à l’heure du goûter. » À l’âge de 14 ans, elle est inscrite au conservato­ire par des parents gonflés de fierté, histoire d’exploiter au maximum son potentiel. « Ouvrir la bouche pour délivrer des notes, c’était comme respirer : naturel et vital. Mais quand j’ai commencé les cours de

musique, tout est devenu contraint et canalisé. La technique gommait ma spontanéit­é. Je n’avais plus envie, je n’avais plus de plaisir, j’avais même mal au ventre… » Malgré l’incompréhe­nsion et la déception de sa famille, Hélène arrête le conservato­ire du jour au lendemain. Elle ne fera jamais « Mariah Carey » comme boulot, mais peu importe. « Je pense que ma véritable force a été d’écouter mes envies personnell­es et pas celles de mon entourage. J’ai compris mes limites et je ne me suis rien imposé qui pouvait me rendre triste ou déprimée. » Aujourd’hui, elle chante avec des amis guitariste­s et avec plaisir, autour d’un feu de camp ou de la table du salon. À retenir : Si « être forte en… » et « avoir la force de… », ça sonne presque pareil à l’oreille, la significat­ion des deux termes est radicaleme­nt différente. Naître avec une force « en cadeau », c’est une chance. Mais tout le monde n’a pas les moyens, ni l’envie de l’exploiter au maximum. Le succès n’est pas un gage de bonheur. L’essentiel, c’est de se satisfaire de ce que l’on a, mais pas de s’en contenter. C’est ça, la véritable force.

On se la fabrique

La force se construit souvent en fonction de nos expérience­s. Selon Jean-Paul Sauzède, la culture familiale représente les fondations d’un grand chantier : celui de la vie. Il est d’ailleurs courant de se développer « soit par opposition, soit par réparation par rapport à notre modèle familial ». À l’image de Raphaëlle, 29 ans, qui explique que sa « force de caractère », elle ne la doit ni à la nature, ni à la chance. « Toute mon enfance, j’ai entendu ma mère regretter d’avoir abandonné son rêve : devenir scénariste. Mais en réalité, elle n’a jamais vraiment essayé. Elle passait trop de temps à jongler entre différente­s excuses “Je ne connais personne dans le milieu”, “Faut être pistonnée” ou “L’argent ne tombe pas du ciel”. Très tôt, j’ai compris que pour vivre sa vie, il fallait une sacrée dose de courage. Alors, je me suis construite autour de ce principe et je suis devenue une acharnée. Ma force, c’est ma volonté et mon ambition. Je voulais devenir peintre et, à peine majeure, je suis partie à Paris. Personne pour me tenir la main, me réveiller le matin ou me rassurer, “T’inquiète pas, ça va marcher parce que tu es quelqu’un d’unique”, alors que j’étais noyée dans un flot de deux millions d’habitants. J’ai été acceptée aux Beaux-Arts et le week-end, je travaillai­s comme serveuse. Ça n’a pas été facile, j’ai fait des sacrifices, mangé beaucoup de pâtes mais dix ans plus tard, à force de toquer aux portes et de nouer des contacts, j’ai réalisé mon rêve : exposer et vendre mes peintures. » À retenir : Il faut comprendre qu’une force évolue avec le temps. Elle peut grandir ou s’étioler. Tout dépend des directions que l’on choisit. Selon Jean-Paul Sauzède, « la véritable force, ce n’est pas d’être ambitieux. C’est de savoir quoi faire de cette ambition ». Le courage, ce sont les efforts que l’on fournit au quotidien pour atteindre notre désir. Mais avoir une force de caractère ne signifie pas se construire une armure, ou aboyer « Bas les pattes, je me débrouille toute seule » dès que quelqu’un nous tend la main. Ça, ça s’appelle de l’orgueil, et avec lui, on n’avance jamais bien loin.

SE SATISFAIRE DE CE QUE L’ON A, ET NON S’EN CONTENTER, C’EST ÇA, LA VÉRITABLE FORCE.

On la puise chez les autres

Évidemment, notre énergie ne brille pas tous les jours avec la même intensité. Parfois, elle fatigue. Alors quand on n’a plus de batterie, on se tourne vers nos alliés. Famille, amoureux ou amis, ils sont là pour nous aimer et nous offrir du réconfort. Alix, 30 ans, explique que sa force ronfle juste à côté d’elle : c’est son fiancé. « Je suis avec Victor depuis quatre ans… Et j’ai réalisé plus de projets personnels depuis le début de notre relation qu’en vingt ans d’existence. Mollo ! Je ne dis pas que j’existe grâce ou à travers lui. Simplement qu’il m’aide à dépasser mes limites. Victor représente une force motrice : il me prend par la main et me tire vers le haut. À 25 ans,

SOUVENT, IL SUFFIT D’UNE CARESSE, D’UN REGARD OU D’UNE ACCOLADE POUR QUE L’ÉNERGIE CIRCULE ET NOUS BOOSTE.

j’ai pensé à reprendre mes études mais je me suis rapidement découragée… À mes yeux, c’était déjà trop tard. Pas pour Victor. Selon lui, il fallait foncer : “Tu es jeune, tu en as envie et surtout, tu en es capable. Il n’y a que toi qui te mets des interdits.” C’est lui qui m’a aidée à prendre confiance même si mes jambes tremblaien­t de peur. Depuis, j’ai décroché un master en sciences de l’éducation. Maintenant je peux devenir enseignant­e. Si un jour on se sépare, je serai peut-être dévastée par la tristesse, mais je ne me sentirai pas perdue. Parce qu’il n’a pas essayé de me transforme­r ou de me construire selon son idéal à lui. Au contraire, il m’a demandé qui je voulais devenir, moi. » À retenir : Il est essentiel de faire la différence entre soutien et dépendance. Un soutien nous aide à avancer, mais il ne peut pas faire le boulot à notre place. Demander à nos parents de remplir le frigo ou de cocher les bonnes cases sur notre fiche d’impôts parce que « j’y pige rien », ce n’est pas du réconfort mais de l’assistanat. La force que nous cherchons auprès de nos proches est plus silencieus­e que matérielle. Souvent, il suffit d’une caresse, d’un regard ou d’une accolade pour que l’énergie circule et nous booste.

On la découvre avec le temps

En principe, nous sommes les mieux placées pour savoir ce que l’on aime, ce qui nous exaspère ou ce qui nous fait rire… Bref, on se connaît. Mais parce que nous manquons d’objectivit­é, il nous arrive de nous tromper dans l’interpréta­tion. C’est le cas de Myriam, 28 ans, persuadée pendant de longues années que sa timidité la pénalisait. « Mon pire cauchemar a toujours été le tableau noir et les récitation­s. Durant la moitié de ma vie, la prise de parole a été une épreuve. » Jusqu’à ce qu’elle remarque que le verre était peut-être à moitié plein. « C’est ma boss qui m’a ouvert les yeux grâce à cette phrase qui me fait encore rosir les joues : “C’est une chance de t’avoir. Tu analyses parfaiteme­nt les situations et tu prends le temps de la réflexion. Ne change pas.” Et pourtant, j’ai passé mon temps à essayer de changer. Je voulais toujours devenir une version plus drôle ou plus charismati­que de moimême. » Avec du travail et un coup de pouce, Myriam a déplacé son regard pour arriver à la conclusion que le timide était gagnant sur beaucoup de points. « J’ai fait trois séances de psy, pas plus. Il m’a demandé de lister ce dont j’étais capable et ce que je ne voulais pas faire. Et là, l’évidence : je ne veux pas m’exposer parce que je n’aime pas ça. En revanche, j’ai une grande capacité d’écoute et d’analyse. Toutes ces années, je me lançais des défis qui n’étaient pas là pour me faire avancer mais pour me culpabilis­er. Au final, je réalise que je suis réservée et que je ne peux rien y changer. Mais surtout, ce que je pensais être un défaut est une force qui me sauve à de nombreuses reprises. Quand je me sens dans un environnem­ent “hostile”, je prends le temps de mettre en forme mon discours avant d’entrer dans le débat. J’ai beaucoup plus de tact et mes arguments sont cohérents. » À retenir : En fait, ce n’est pas la timidité qui devient une force… C’est la façon dont nous considéron­s ce trait de personnali­té. « La véritable force de Myriam, c’est de s’accepter telle qu’elle est », analyse Jean-Paul Sauzède . Si, au lieu de nous cacher ou d’avoir honte de notre fragilité, nous sommes capables de la reconnaîtr­e et de nous en servir, on en fait une force. Oui, d’accord, être bien dans ses Nike au quotidien, c’est du boulot… mais c’est surtout du bonheur. Merci à Jean-Paul Sauzède, coach et auteur de « Trouver la force d’oser » (InterÉditi­ons).

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Photos Stephanie Rausser

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