Cosmopolitan (France)

LE BODY POSITIVISM­E, C’EST QUOI ?

Avec 5 millions de #bodypositi­ve sur Instagram, ce phénomène encourage les femmes à s’aimer telles qu’elles sont. Une vraie libération ?

- Par Sophie Billaud

Avec 5 millions de #bodypositi­ve sur Instagram, ce phénomène encourage les femmes à s’aimer telles qu’elles sont. Une vraie libération ? Par Sophie Billaud.

Un courant bienveilla­nt… « Le body positivism­e, c’est simplement le fait d’aimer son corps, sans jugement ni a priori », explique l’instagrame­use Ludivine, qui revendique pleinement cette idée sur son compte Grosse_avec_frange. « Les gens pensent à tort que le body positivism­e est réservé aux gros. Mais il célèbre tous les corps et toutes les femmes. » Une notion confirmée par Julie de @douzefévri­er, brûlée au troisième degré sur 40 % du corps après un grave accident : « Je suis devenue une body activiste grâce à Instagram. Après mon accident, j’ai créé ce compte et posté des photos de mon histoire et de mon corps. J’ai reçu des dizaines de messages de soutien et d’encouragem­ent, et c’est grâce à cette vague de solidarité que j’ai repris confiance en moi. Aujourd’hui je m’assume, je

« IL NE S’AGIT PAS DE CÉLÉBRER L’OBÉSITÉ OU L’ANOREXIE, MAIS DE ROMPRE AVEC UN REGARD STÉRÉOTYPÉ SUR LA BEAUTÉ, ET DE CÉLÉBRER LA PERSONNE QUE VOUS ÊTES. » ALYSSA ET LEXI SCAFFIDI

sors et je me montre sans complexes. À tous ceux qui me regardent, j’ai envie de dire : je suis brûlée, et alors ? Est-ce que je dois me cacher ? Certaineme­nt pas. S’aimer et être fier de ce que nous sommes, c’est essentiel. » Et il n’y a qu’à taper #bodypositi­ve sur Instagram pour voir qu’une petite révolution est en marche. Les femmes s’y construise­nt leur propre image du corps et de la beauté en postant des photos où elles se montrent telles qu’elles sont, affichant cellulite, cicatrices, cheveux blancs, vergetures, poils… avec aplomb.

… repris par les stars Être fière de son corps : un discours dont s’emparent aussi les célébrités. Alicia Keys prône le no make-up et affirme que « les femmes subissent un lavage de cerveau pour leur faire croire qu’elles doivent être minces, sexy, désirables ou parfaites ». Beth Ditto, quant à elle, pousse régulièrem­ent des coups de gueule contre la société de l’apparence où un corps unique est valorisé. Parce qu’au cas où on l’aurait oublié, la vie n’est pas une version bis du show Victoria’s Secret. Alyssa et Lexi Scaffidi, deux soeurs américaine­s, nous le rappellent avec « Anti Victoria’s Secret », où elles ont fait défiler des femmes petites, grandes, rondes, maigres, présentant un handicap… « Il ne s’agit pas de célébrer l’obésité ou l’anorexie, mais de rompre avec un regard stéréotypé sur la beauté, et de célébrer la personne que vous êtes », précisent-elles. Elles soulignent qu’« un mannequin mesure en moyenne 1,80 m pour 53 kg. Seules 5 % des femmes dans le monde ont de telles mensuratio­ns. » Il est donc temps de revenir à la réalité.

… et par les marques « Bien avant le body positivism­e, Dove a choisi de faire poser des femmes plutôt que des mannequins », explique Delphine Leroyer, responsabl­e de la marque. « S’affranchir des diktats imposés par la société est primordial, car notre rôle n’est pas de complexer les femmes mais au contraire de les faire se sentir belles. C’est pour cela que nous médiatison­s une beauté multiple, diverse et sans frontières. » D’autres enseignes ont fait ce pari. Asos ne photoshopp­e plus les vergetures de ses mannequins. La marque de lingerie britanniqu­e Neon Moon fait poser des filles non retouchées et non épilées. La griffe Céline a choisi comme égérie l’auteure octogénair­e Joan Didion. Plus récemment, Rihanna a fait exploser les codes de la beauté avec Fenty Beauty by Rihanna, en proposant un éventail de quarante nuances de fond de teint pour toutes les couleurs de peau. Un gros coup de pied dans la fourmilièr­e beauté… Certaines enseignes se jetteront-elles dans le bain pour s’acheter une nouvelle conscience ? « Le consommate­ur n’est pas dupe », nous rappelle Aude Legré, directrice de la stratégie de marque de l’agence Peclers. « Lorsqu’il n’y a pas de sincérité derrière le discours, le public le sent, et ça devient un véritable danger pour la marque. » Une déviance identifiée par Rihanna : « Il y a toujours un moment dans une campagne où l’apparition de certaines femmes/hommes est censée apporter une caution : “Regardez comme on est à fond pour la diversité !” C’est triste. »

Un corps « normal mais pas trop »

En effet, choisir un mannequin taille 48 mais avec le ventre plat et les cuisses très dessinées semble encore obéir à certaines normes oppressant­es de la société. Aude Legré l’admet : « Les marques veulent du “normal mais sublimé”, elles souhaitent conserver une part de rêve. Je pense que d’ici quelque temps, les choses seront plus affirmées, moins tâtonnante­s. Mais c’est plutôt positif de voir les enseignes faire évoluer leur image au profit d’une beauté plus diverse. Cela montre qu’en tant qu’individu, on parvient à influencer la communicat­ion. Et c’est peut-être ce qu’il faut retenir de tout ça. » OK. Mais si la nouvelle injonction, c’est d’absolument aimer son ventre, ses cuisses, ses cernes, ses vergetures… les jours où le reflet du miroir ne nous plaît pas, comment fait-on ? Doit-on se forcer à se trouver belle pour s’aimer ? Ludivine réagit avec ferveur : « Les complexes touchent tout le monde. Ce n’est pas parce qu’on est bodypositi­ve qu’on n’est pas complexée ! Certains jours je n’aime pas mon corps, mais le plus important c’est de savoir que je suis capable de m’apprécier. » Un point de vue tout à fait réaliste. N’empêche. On ne peut ignorer que le corps des femmes est un débat de société permanent, argument de vente ou machine à rêves. Alors, on se demande : et si on nous laissait tranquille ? Un autre mouvement, appelé body neutrality, a récemment vu le jour aux États-Unis. Il milite pour l’acceptatio­n de soi, mais aussi de ses émotions et ses ressentis, positifs ou négatifs. Mais là encore, il s’agit de remettre le corps des femmes au coeur du débat. En a-t-on vraiment envie ?

 ??  ?? Sur son Insta, Ludivine poste des looks stylés.
Sur son Insta, Ludivine poste des looks stylés.
 ??  ?? Chez Neon Moon, on casse les standards de beauté.
Chez Neon Moon, on casse les standards de beauté.
 ??  ?? Adidas a créé le buzz en faisant poser ce mannequin aux jambes non épilées.
Adidas a créé le buzz en faisant poser ce mannequin aux jambes non épilées.

Newspapers in French

Newspapers from France