Cosmopolitan (France)

Y A-T-IL UNE VIE SANS TINDER ?

Ouiiii et depuis que je l’ai adoptée, je matche. Nos six bonnes raisons de passer à la vraie vie.

- Par Hélène Faure. Photo Michael Heinsen.

Ouiiii et depuis que je l’ai adoptée, je matche. Nos six bonnes raisons de passer à la vraie vie. Par Hélène Faure.

PPas plus bête qu’une autre, et plutôt à l’aise sur les réseaux, on s’est laissé bercer par le message ambiant : pour trouver l’amour, il suffit de se créer un profil. Toutes ces histoires de « Dès le premier message, j’ai su que c’était lui » et autres « Aujourd’hui ils ont deux enfants » nous ont encouragée. Simple. Alors, on s’est inscrite. Et il a fallu se rendre à l’évidence : c’était pas si simple. Nous, dès le premier message (« Un verre ce soir, sa te dit ? ») on a su que ce ne serait PAS lui. Pourtant, on s’est appliquée, on s’est accrochée, on s’est acharnée parfois. Même quand ce type qui nous plaisait a totalement, mais alors totalement, disparu du site après un premier verre. Ou quand l’autre nous a laissé comprendre que sa femme allait rentrer dans une semaine : prête pour l’amour à trois dans un king size ? À confondre quantité et qualité, en fait de coup de foudre, on s’est pris un sacré coup de mou. Vous vous reconnaiss­ez dans ce portrait ? Il est temps de passer à l’étape suivante : celle de la désinscrip­tion. Parce qu’il y a plein de bonnes raisons de revenir à la vraie vie.

ON ARRÊTE DE JONGLER

Florence, 33 ans, se souvient exactement de ce soir de ras-le-bol : « J’hésitais à accepter un date avec un mec qui avait l’air pas mal, mais qui avait avoué pendant notre conversati­on en ligne qu’il regardait les films en VF. J’ai demandé conseil à une amie : préférer le doublage, c’est chaud, non ? Elle m’a répondu en un mot lapidaire : “Next.” Je me suis rendu compte que ma vie s’était transformé­e en une farandole de “next”, de mecs éliminés pour un participe passé mal accordé ou un goût trop prononcé pour Michel Sardou… Ça m’a donné le tournis, cette valse de garçons virtuels ! La vie est une boîte de chocolats, d’accord, mais moi j’étais en train de croquer dans chacun en les remettant après dans la boîte. »

Retour à la vraie vie : « On prend un chocolat à la fois, et on le finit. »

Concrèteme­nt : cet ami d’ami, là, vous avez commencé à le fréquenter ? Si, si, ne niez pas : il y a eu plus d’un rendez-vous, c’est donc que vous avez voulu le revoir ? Qu’il y a un tout petit début de quelque chose ? Dans ce cas, interdicti­on formelle d’accepter un date avec quelqu’un d’autre « pour voir » – la comparaiso­n nuirait aux deux. À la place, vous prenez le temps de faire mieux connaissan­ce avec cet homme qui, certes, aime Sardou, bon. Mais quand vous repensez à lui en essayant de vous convaincre, avec force, passion et arguments fallacieux, ça vous fait sourire. Il est plutôt mignon, quand même.

ON PREND DE VRAIS RISQUES

Lucile décrit la situation absurde à laquelle elle a été confrontée : « Plutôt que d’oser aborder cet Anglais mignon de mon cours d’écriture, à cause de ma timidité maladive, je préférais parler à des inconnus sur des sites… Ce qui n’épuisait au demeurant qu’une partie du problème, puisque ces derniers ne rencontrai­ent pas la fille à l’aise, drôle, spirituell­e que je projette à l’écrit, mais sa version timide et balbutiant­e. En fait, j’utilisais les applis un peu comme un sas de confort illusoire qui m’évitait – un temps – de me confronter aux vraies gens, et à mes propres craintes. Jusqu’à ce que je réalise que je “vendais” sur Tinder une fausse image de moi. »

Retour à la vraie vie : « On arrête de se mentir… et surtout, on se lance. »

Concrèteme­nt : si vous êtes timide, demandez à une amie d’être votre partenaire de drague, de vous lancer des petits défis pour vous pousser à vous dépasser. Rassurez-vous : on ne vous demande pas d’aborder le garçon qui vous plaît comme ça, de but en blanc. Vous pouvez commencer par des objectifs simples, comme celui de croiser son regard au prochain cours de yoga où vous allez tous les deux. Et la prochaine fois qu’il lève les yeux, vous lui souriez. C’est peut-être difficile, vous vous sentirez à coup sûr l’air bête. Mais c’est aussi mille fois plus gratifiant qu’un « like » ou un « charme », et en plus vous progresser­ez sur vous-même.

ON SE RETROUVE FACE À SOI-MÊME

Mia, 27 ans, admet qu’elle a vécu, à cause de Tinder, « des matins bien tristes dans les bras d’un inconnu. Quand je me suis séparée de mon ex – comprendre : quand il m’a quittée pour la troisième fois – j’avais envie de passer rapidement dans les bras d’un autre. Pour oublier, pour me venger, pour me rassurer. J’ai rencontré beaucoup d’hommes, sans jamais m’attacher. Jusqu’au jour où je me suis aperçue – grâce à ma psy, que je remercie – qu’en réalité je ne cherchais pas tant quelqu’un à aimer mais plutôt des gens qui m’aimeraient. J’avais besoin de flatter mon ego mais je n’étais pas du tout prête à donner. »

Retour à la vraie vie : « Après une rupture, il y a le temps incompress­ible du deuil. »

Concrèteme­nt : c’est l’occasion de profiter des choses simples de la vie. Traîner en pyjama jusqu’à midi sans personne qui vous juge, recontacte­r vos amis que vous ne voyiez plus, manger du chocolat avec une boule de glace devant un film (en pleurant), ouvrir WhatsApp quinze fois pour voir si votre ex s’est connecté. Et puis, petit à petit, vous allez vous retrouver, recommence­r

à écouter vos envies profondes. Et là vous pourrez faire de nouvelles rencontres. Si, si, vous verrez.

ON LAISSE LEUR CHANCE AUX GENS QU’ON CONNAÎT Lila, 29 ans, raconte : « J’enchaînais les dates de sites de rencontres simplement parce que j’avais été déçue. J’avais rencontré François à l’anniversai­re d’un ami commun. On s’était très bien entendu, je m’attendais à ce qu’il me recontacte, mais rien n’est venu. Alors au lieu de penser à une stratégie d’attaque, d’essayer de le revoir, de comprendre son silence, je suis très vite passée à autre chose. Soit Tinder en boucle. Histoire de connaître le même coup de coeur, qui n’est jamais venu. Je suis allée de déception en déception. » Retour à la vraie vie : « On assure le suivi de la rencontre. » Concrèteme­nt : l’homme de votre vie est dans le répertoire de votre téléphone, dans vos contacts Facebook ou à la cantine de votre entreprise. Attention : on n’est pas en train de dire qu’il faut accepter la (troisième) propositio­n de verre de Gégé, votre voisin ultra collant, qu’il faut d’une manière ou d’une autre se résigner. Ce qu’on dit, c’est que parmi tous ces hommes rencontrés en soirée, au boulot ou en vacances, celui avec qui il y a eu une étincelle de cinq secondes ou d’une nuit, celui dont votre copine Anne vous a passé le numéro parce qu’il devait récupérer une table chez vous (il y a cinq ans), il y a forcément une perle. Alors, on fait le tour de ses contacts, idéalement avec une amie qui vous empêche d’éliminer trop vite, et on récolte trois ou quatre dates sans effort.

ON ÉCOUTE SON INTUITION Quand Louise, 28 ans, s’est retrouvée à faire des tableaux comparatif­s, façon Excel, des profils qu’elle retenait, elle s’est dit que c’était grave : « Avec les sites et les applis, on a l’impression que même les rencontres amoureuses peuvent être rationalis­ées : c’est imparable, il y a des algorithme­s ! En fait, pour quelqu’un qui comme moi met du temps à prendre des décisions, ça se transforme très vite en catastroph­e : on passe des heures à comparer les profils sans arriver à se décider – on continue à parler à des garçons qui ne nous convainque­nt pas vraiment – et quand on finit par en éliminer un, on culpabilis­e. » Retour à la vraie vie : « L’élu n’est pas unique, il est partout. » Faites confiance à votre intuition et voyez où ça vous mène. Concrèteme­nt : il y a bien votre collègue, celui qui vous fait perdre tous vos moyens quand il vous demande comment votre week-end s’est passé. Alors c’est vrai que c’est toujours plus facile de chercher un homme parfait que de tenter quelque chose avec ce collègue qui a cinq ans de moins que vous et qui sort juste d’une relation. Mais bon. Une fois que vous avez dit ça… une fois que vous avez tout bien rationalis­é… c’est quand même votre collègue qui vous fait perdre vos moyens. Alors après tout, puisque vous ne pouvez pas lutter, autant vous laisser porter !

ON SORT DE CHEZ SOI Marie, 23 ans, après le bureau, se posait dans un espace de co-working pour passer en revue les mecs dans le coin : « Je pensais rencontrer plein de monde, élargir mon cercle d’amis… Je ne sortais pas d’un écran. Un an à faire défiler un tourniquet de mecs, pour quatre rencontres, et même pas sympas. Ces types n’auraient même pas pu devenir de bons copains. Ils ne me proposaien­t rien, pas une expo, pas une activité, pas même de me présenter à leur bande de potes. C’est comme s’il y avait Tinder, et il y avait leur vie. Mais de mon côté, j’ai réalisé très vite que c’était pareil : je ne les aurais jamais fait entrer dans mon cercle rapproché. » Retour à la vraie vie : « L’amour a besoin de vécu commun et de temps – deux ingrédient­s que les sites de rencontres ne peuvent pas fournir. » Concrèteme­nt : on le crée, ce vécu commun ! Les soirées entre amis sont d’excellents incubateur­s ; elles restent des lieux privilégié­s pour les rencontres amoureuses. Connaissez­vous aussi les Meetups, ces communauté­s qui se réunissent un peu partout autour d’intérêts et d’objectifs communs (pratiquer une langue, faire de la randonnée, apprendre à coder…) ? Il y a forcément quelque chose, quelqu’un, qui vous tend les bras dans votre ville, près de chez vous. L’homme de sa vie peut se rencontrer partout, même en descendant la poubelle. Vous avez un vide-ordures ? Ce n’est pas une raison pour retourner sur Tinder.

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