Cosmopolitan (France)

NOUVEAU CAP

À 3 ans, Midia Othman fuit son pays en guerre et rejoint un camp de réfugiés. Aujourd’hui, elle y retourne, pour changer le destin de ceux dont elle connaît trop bien le quotidien.

- PAR MATHILDE EFFOSSE

Ma vie avant Originaire du Kurdistan irakien, ma famille quitte le pays après la guerre. De 3 à 6 ans, je vis dans un camp de réfugiés en Turquie. On est nombreux, il n’y a pas d’associatio­ns pour nous aider… Les toilettes sont si loin que ma soeur doit m’accompagne­r. On mange tous les jours la même chose : couscous et pain, avec quelques pommes de terre si on a de la chance. Trois ans et demi plus tard, on repart pour le Kurdistan. En 1996, j’ai 11 ans, mon père part à Albi, en France, pour des soucis de santé, et nous demande de le rejoindre. Il passe un BEP grâce à un programme d’apprentiss­age : c’est génial, au Kurdistan, ça n’existe pas ! J’apprends le français, je passe un BEP vente et un BTS management avant de travailler dans des boutiques de vêtements. Je ne me sens pas épanouie, mais je ne sais pas ce que je veux faire. Ma soeur me propose d’ouvrir une boutique avec elle au Kurdistan : allez, je retourne au pays. Pendant un an, ça marche. Mais en 2014, la crise nous paralyse.

Le déclic

Je réalise qu’il y a énormément de réfugiés autour de moi. Je me sens attachée à eux, je sais ce qu’ils vivent. Quand j’étais à leur place, j’aurais aimé être aidée. J’ai toujours eu besoin d’être là pour les autres : en France, bénévole à la CroixRouge, j’organisais des lotos dans des maisons de retraite et des collectes alimentair­es. Et l’urgence, aujourd’hui, elle est sous mes yeux. Je postule à Action Contre la Faim, qui a une mission au Kurdistan.

Action !

Je distribue des kits d’hygiène, j’intègre le service des ressources humaines, puis le programme d’apprentiss­age : j’aide les réfugiés mais aussi les déplacés et les jeunes sans emploi à entrer dans la vie active à travers des formations, je leur apprends à préparer un entretien, écrire un CV… Je vois leur vie changer, surtout celles des filles du camp : elles sortent, travaillen­t, choses qu’elles n’imaginaien­t pas faire. Je dois parfois parler à leurs parents qui ne veulent pas qu’elles travaillen­t. Je n’ai jamais été aussi épanouie.

Et aujourd’hui ?

Cheffe de projet d’apprentiss­age, je suis le parcours de chaque personne en m’assurant qu’elle se sente bien, qu’elle subvienne aux besoins de sa famille. Action Contre la Faim finance aussi les projets profession­nels ; je vois des gens créer leur business de couture, de pâtisserie, d’élevage de moutons… Aider quelqu’un à devenir heureux, c’est le plus beau des métiers !

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