Cosmopolitan (France)

COMMENT BIEN PERDRE SON CALME ?

S’énerver de temps en temps, c’est normal. Mais si on s’enflamme plus vite et souvent que Trump sur Twitter ou si, au contraire, on laisse tout passer sans piper mot, on risque de morfler.

- PAR MATHILDE EFFOSSE. PHOTO GEOF KERN.

TEMPÉRATUR­E: ENTRE 0 °C ET 100 °C

Félicitati­ons, vous n’êtes ni trop vénère ni trop tranquille. Les autres, suivez le guide…

TEMPÉRATUR­E : + DE 100 °C

De notre plat qui n’arrive pas en même temps que les autres au resto au mec qui écoute sa musique trop fort dans le train… Tout a le don de nous mettre en rogne. Sur le moment, c’est plus fort que nous : le sang nous monte aux tempes, on voit rouge et on pète un câble. C’est comme un fou rire qui nous prend sans qu’on n’y puisse rien, sauf que là, c’est des crises de nerfs. On ne fait pas des scènes à chaque fois : souvent, on bouillonne et on siffle intérieure­ment sans ouvrir la cocotte-minute, mais au final, ça revient au même pour nous : on est nerveuse, saoulée, et notre humeur en prend une claque.

C’est quoi, notre problème ? « Une émotion, c’est une situation qui déstabilis­e l’organisati­on intérieure », explique Catherine Périssol, psychothér­apeute et auteure d’Émotions : quand c’est plus fort que moi et de

Ma Bible des émotions. Parfois, on s’en veut après l’orage : franchemen­t, avoir râlé et gâché tout notre aprèm au parc à cause d’un groupe qui mettait la musique trop fort, c’est un peu abusé. Et pourtant… on ne s’énerve jamais vraiment pour rien. « Cela sert à réveiller quelque chose en soi : le désir d’exister dans une situation dans laquelle on se sent impuissant­e, et à laquelle on ne sait pas comment répondre. »

Le risque : S’énerver, ça coûte cher, autant sur le plan physique que psychologi­que. « Ça demande beaucoup d’énergie, continue Catherine Périssol, ce n’est pas très écologique ! Et ce n’est pas bon non plus pour notre organisme : il a été prouvé que la nervosité cause hypertensi­on, problèmes d’estomac… » Nos coups de sang affectent aussi notre entourage : « On renvoie une image pas très agréable de nous… »

Comment mettre la clim ? Mauvaise nouvelle : s’énerver, c’est automatiqu­e, inconscien­t. Mais bonne nouvelle : ce n’est pas parce que la moutarde nous monte au nez qu’on ne peut pas le boucher. « Au moment où ça commence à chauffer, on prend le temps d’éprouver cette sensation, on se concentre sur ce qu’on ressent : on a le coeur qui bat vite ? On a chaud ? On se sent oppressée ? Si on traverse la sensation, qu’on écoute les signes corporels et sensoriels, elle durera deux minutes. Si on peut voir ce qui nous agace (un bébé qui hurle, une tache sur notre chemise…), on s’en détache : plus on portera notre attention sur cette chose, plus on sera exaspérée. On se concentre sur ce qui se passe à l’intérieur de nous », conseille Catherine Périssol. Alors plutôt que d’essayer de penser à autre chose, qui risque de ne pas marcher, on se connecte à cette sensation, en fermant les yeux si besoin. « Ensuite, on se demande comment mieux exister dans cette situation qui nous excède : si c’est un enfant dissipé qui nous crispe, on pourrait aller voir sa mère, aller jouer avec lui… » La psychothér­apeute a un très bon exemple d’un soir où elle a réussi à exister dans une situation énervante : « Jour de grève, métro plein à craquer, je rentre d’une journée méditation avec une amie. Elle me demande, amusée : “Tu crois que c’est le moment de méditer ? Allez, je commence à animer une session de méditation à haute voix.” Résultat : tout le wagon commence à rire, et hop ! les tensions se sont évaporées. » À noter : on télécharge une appli de méditation pour la prochaine grève.

À ne pas faire : « Une très mauvaise idée pour tenter de se calmer, c’est de rationalis­er. La raison peut donner du sens mais elle ne peut pas calmer une émotion. » Alors surtout, on ne se juge pas et on reste connectée à nos sensations.

TEMPÉRATUR­E : - DE 0 °C

Depuis toujours, quand on parle de nous, les mêmes mots reviennent : « Elle, elle est cool. » Parce qu’on ne s’énerve jamais. Notre mec annule notre date parce qu’il bosse tard, on nous refuse la priorité sur la route ? C’est pas grave. On est cool. Si c’est réellement le cas la plupart du temps,

c’est aussi parce qu’on déteste le conflit. On préfère fermer les yeux et laisser passer que de risquer de se brouiller avec qui que ce soit, inconnu ou proche… En plus, on est nulle en engueulade. On finit par partir en fou rire ou en crise de larmes. Notre mec qui a oublié de poser ses vacances et qui finit avec deux semaines en octobre alors qu’on a pris septembre, on préfère laisser couler.

C’est quoi, notre problème ? « Si on ne s’énerve jamais, c’est qu’on a été inconsciem­ment construite sur un modèle qui nous a appris que la colère – la lutte – est vouée à l’échec », explique Catherine Périssol. Une enfance à entendre ses parents se déchirer, une relation houleuse qui nous a marquée… « Alors on développe d’autres voix, plus silencieus­es et tolérantes. À travers cette absence d’énervement, on maintient une forme approximat­ive, extérieure, de calme… Mais à l’intérieur de nous, c’est loin d’être le cas. »

Le risque : Ne pas perdre son sang froid pour des broutilles, c’est tout à notre honneur. Mais quand le sujet est important, rester silencieus­e peut s’avérer dangereux sur le long terme : à force de ne jamais taper du poing sur la table, on ne fixe pas nos limites et on ne pose pas nos priorités. « On finit souvent par subir quand on ne s’oppose jamais. Être tolérante, OK, mais il faut penser à la qualité de notre existence en se positionna­nt. Un excès de tolérance, de compromis… ça devient des sacrifices, et une forme de soumission. » Que ce soit au boulot, dans notre couple ou notre famille, si on n’a jamais défendu ce qui était important pour nous, on finira par accepter des choses qui ne collent pas avec nos valeurs.

Comment monter le chauffage ? Bonne nouvelle : pas besoin de s’énerver pour s’affirmer. « Il ne faut pas avoir peur de la confrontat­ion, parce que si on n’accuse personne, on n’est pas dans le conflit, explique Catherine Périssol. Ce qui ne nous convient pas, ce n’est pas l’autre, c’est une situation, un comporteme­nt. » Si on est frustrée parce que notre mec veut encore partir en vacances à la montagne alors qu’on rêve de voir la mer, pas besoin de lui dire « tu es chiant » ou « tu ne m’écoutes jamais », mais « ces vacances, elles ne me conviennen­t pas”. Dans la grande famille des sujets qui méritent qu’on les défende, il y a l’amour, l’amitié, nos projets, nos rêves. « Il faut considérer comme un diamant tout ce qui touche à notre élan vital, tout ce qui nous donne le sentiment d’exister et qui éveille en nous de l’émerveille­ment, de la curiosité, de la joie. » On se le doit bien.

À LIRE

Ma Bible des émotions, de Catherine Périssol, éditions Leduc.s.

POUR ÇA, PERMIS DE PÉTER UN CÂBLE

« Quand on est victime d’un propos qui remet en cause ou insulte notre potentiel, notre personne, notre richesse. Si on nous attaque sur notre physique, nos capacités, là, il faut se redresser et s’insurger… grave ! », affirme Catherine Périssol.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France