Cosmopolitan (France)

COMMENT SORTIR LA TÊTE HAUTE D’UNE ENGUEULADE ?

Pour avoir raison même quand j’ai tort, il suffit de suivre ces quelques conseils.

- PAR MANON PIBOULEAU. PHOTO MATTHIAS HEITMANN.

Pour avoir raison même quand j’ai tort, il suffit de suivre ces quelques conseils.

ROUND 1: Je quitte la pièce

De retour à la maison après une journée éreintante, j’entends Bichon dans la cuisine. Il vient de casser un verre et son humeur me parvient en écho. Il grommelle : « Combien de fois je lui ai répété de ne pas empiler la vaisselle à côté de l’évier, hein ? Cent fois. CENT FOIS ! » Dans notre couple, explose parfois une dispute unilatéral­e. Même si je ne suis pas là (en tout cas, pas dans son champ de vision), j’en prends pour mon grade. Pour sortir d’un conflit le chignon fièrement dressé, mieux vaut l’éviter. Si la tempête gronde dans la cuisine, je profite d’une éclaircie au salon. Et s’il n’y a pas suffisamme­nt d’espace pour passer inaperçue, je claque la porte et je vais acheter du pain, le temps que l’orage passe. Surtout, je gagne du temps en choisissan­t une baguette, pas trop cuite, avec trois grains de sésame dessus, non pas celle-là, l’autre, et si vous pouviez graver mes initiales sur la croûte… Mieux vaut énerver le boulanger. Après tout, je n’habite pas avec.

ROUND 2: Je reste fair-play Parfois je ne suis pas assez rapide pour éviter la confrontat­ion. Surtout pas de panique, pas de geste brusque. La dispute est un sport qui se joue dans le respect des règles. Sinon, ma victoire ne comptera pas. Tout d’abord, je ne simule pas en me roulant au sol, la main sur le coeur : « À croire que tu ne m’aimes pas. Au fond, m’as-tu déjà aimée ? » Cette attitude revient à le culpabilis­er et à adopter une posture de victime. Pas de quoi en tirer fierté. Au moment de la joute verbale, je respecte aussi des mesures de sécurité : pas de coups bas. Je ne tacle pas l’adversaire à la jugulaire, je ne mélange pas d’autres sujets de discordes avec celui qui est en cours. Et je ne suis pas blessante. À éviter : «T’es bien comme ton père, dégarni et fainéant », « Y a des jours où je regrette mon ex et croismoi, faut le faire ». Enfin, dernier point, aucune insulte ne doit être proférée. Sous aucun prétexte.

ROUND 3: Je garde mon calme Le problème, avec les disputes, c’est que les adversaire­s ne s’écoutent pas. Les cris rebondisse­nt dans l’appartemen­t et bousillent tout sur leur passage : les portes claquent, les verres se brisent et le couple s’épuise. Tout ça pour quoi ? Rien, nada, même pas de vainqueur. J’ai compris la leçon. Cette fois, je ne hausse pas la voix, je ne m’arrache pas les cheveux, j’économise mes larmes. Une personne qui garde son calme maîtrise son discours. Elle ne se laisse pas submerger par ses émotions, elle ne perd pas de vue son objectif et ce comporteme­nt désarçonne le concurrent. En face, Bichon est énervé que je ne monte pas sur mes grands chevaux. Il prend ma réaction pour de l’indifféren­ce. Pire, pour de la provocatio­n : « Arrête de me parler comme à un débile !!! » Résultat, il est frustré, tout rouge, agité et il bredouille. Incompréhe­nsible. Je lui colle deux petites tapes compatissa­ntes dans le dos en lui promettant de revenir le voir quand il sera calmé.

ROUND 4: Je reconnais mes erreurs

Assumer mes torts est une preuve flagrante de maturité. Ô sagesse de ne pas me chercher d’excuse, de ne pas me planquer derrière un vilain mensonge ou une louche de mauvaise foi. D’ailleurs, Bichon aussi est étonné de la tournure des événements, il a l’impression d’avoir calé pendant un démarrage en côte. Dans certaines circonstan­ces, s’excuser n’est pas une défaite. Au contraire,

c’est faire preuve de courage, d’humilité, bref, dans un sens, c’est

moi qui gagne. Même si je m’excuse, j’ai le dernier mot. Bichon est coincé. Il ne peut pas me contredire, ni surenchéri­r sous peine d’avoir l’air con. Et quand ce sera à son tour d’avoir tort, ce serait formidable qu’il prenne exemple sur une fille géniale de son entourage.

ROUND 5 : Je reprends la dispute

Après une nuit de sommeil et de réconcilia­tion, j’ai comme la désagréabl­e impression de m’être fait avoir. En soufflant sur mon café, je passe le replay de notre soirée et un détail du film me saute aux yeux : j’ai raison depuis le début. J’ai cédé pour avoir la paix/parce que je me remets (trop) facilement en question/parce que je l’aime cette andouille, et quand on aime une andouille, on lui pardonne. Oui, mais hors de question de reconnaîtr­e des torts injustifié­s. Ah

ça non ! Alors la journée, je prépare l’engueulade du soir. Une main calée sur la hanche, le pied qui tapote le parquet, je l’accueille avec l’avantage de la surprise : « Tu sais, j’ai repensé à notre dernière conversati­on… » À cet instant, je ne laisse aucun temps mort, j’enchaîne mon raisonneme­nt et lui démontre par A + B que j’ai raison sur toute la ligne. Il est tard, Bichon est assiégé, fatigué, affamé. Ma victoire, elle, est imminente.

ROUND 6: Je fais la paix

Maintenant que l’abcès est crevé, que l’on est tous les deux crevés, il s’agirait de faire la paix. Le moment du rabibochag­e, c’est l’épilogue de la dispute. Je suis intelligen­te et consciente qu’un couple est composé de deux cerveaux divergents qui, parfois, se frictionne­nt. Mais aussi de deux coeurs qui s’aiment beaucoup. Suffisamme­nt pour se supporter. Après nous être soigneusem­ent évités, nous nous croisons dans la cuisine. On n’échange aucun mot. Pourtant, nos présences pèsent

une tonne. Sous son regard en coin, je lave une assiette, et je la pose sur un autre plat, dans un équilibre dangereux. De la provoc, de l’humour, un premier contact pour jauger l’ambiance. Il affiche un sourire pincé, alors je saisis l’opportunit­é. Je lui lance un torchon et j’en prends un aussi. On essuie, on range la vaisselle et on s’écrase sur le canapé. J’ose poser une tête sur son épaule. Il répond avec une main sur mon genou. Nos muscles se détendent. J’ai réussi mon coup.

ROUND 7: Je laisse faire le temps

J’aime l’idée d’une paix durable dans le couple et encore plus celle d’une justice céleste. Le retour de karma, la roue qui tourne, l’arroseur arrosé…

Je n’ai pas besoin de vociférer pour lui prouver que j’ai raison.

Avec du temps et de la patience, la vie s’en chargera et au moment voulu, je pourrai enfin prononcer cette phrase : « Tu vois, j’avais raison. Fallait acheter un lave-vaisselle. »

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