Cosmopolitan (France)

COUPLE : NE SUIVEZ PAS TOUS LES CONSEILS QU’ON VOUS DONNE

S’il existait un mode d’emploi universel de la vie à deux, ça se saurait… Sans compter qu’aimer à contre-courant, c’est excellent pour l’endurance conjugale.

- PAR FIONA SCHMIDT. PHOTO RICHVINTAG­E.

S’il existait un mode d’emploi universel de la vie à deux, ça se saurait… Sans compter qu’aimer à contrecour­ant, c’est excellent pour l’endurance conjugale.

« Avoir des goûts communs, c’est essentiel »

Un jour, quelqu’un a décrété que pour s’assembler, il fallait se ressembler – pour s’assembler de façon un peu pérenne, en tout cas. Alors on en a déduit un peu vite que construire un couple, c’était trouver son clone, pour « regarder ensemble dans la même direction », comme si l’amour était une partie de Memory sur Google Maps.

Alors qu’en fait… Pour vivre à deux, il suffit d’être à peu près d’accord sur quatre points. D’abord, l’envie – ou l’absence d’envie – de fonder une famille, puis la gestion de l’argent (les cigales et les fourmis font rarement bon ménage), troisièmem­ent la notion de salubrité d’un espace commun (si on le surnomme Monsieur Propre et que vous ne savez pas dans quel sens tenir un balai, la cohabitati­on risque d’être difficile) et enfin le nombre idéal de personnes dans un couple (si, pour lui, la monogamie est un pays hostile qu’il n’a pas du tout envie de visiter, le voyage risque d’être long). Tout le reste est négociable au cas par cas. Jeanne confirme : « J’adore le théâtre, Fred déteste, je suis couchetard, il est lève-tôt, c’est un champion de tennis, j’attrape une crampe en faisant mes lacets… et ça fait neuf ans que ça dure. » D’une part, les différence­s n’empêchent pas d’avoir des projets communs – « on aimerait retaper ensemble une vieille maison de campagne » – et d’autre part, l’indépendan­ce de deux entités ne déséquilib­re pas forcément leur relation, au contraire : « Je ne pourrais pas être avec quelqu’un qui a “besoin” de moi pour faire des choses, comme je détesterai­s dépendre de quelqu’un pour faire quelque chose : pour moi, l’amour se nourrit de l’autonomie de deux individus affectivem­ent matures. L’essentiel n’est pas qu’on passe du temps ensemble à faire la même chose mais que le temps qu’on partage, on soit heureux de le passer ensemble. »

Pour vivre à deux, il suffit d’être à peu près d’accord sur quatre points. tout le reste est négociable au cas par cas.

« C’est important de garder un jardin secret »

Eh oui, cinq minutes après avoir décrété qu’un couple devait avoir les mêmes goûts et faire plein de trucs ensemble, le même Yoda de la love a dit : « Bon, mais attention, il faut aussi garder une part de mystère ! » Y compris dans un T2 en plein centre-ville. Dites donc… L’amour, ça reviendrai­t pas à briguer une étoile Michelin en suivant au pif une recette d’omelette sans oeuf ? !

Alors qu’en fait… L’idéal de fusion romantique dans lequel chaque jeune fille infuse dès sa plus tendre enfance est incompatib­le avec l’idéal d’indépendan­ce d’aujourd’hui : on ne peut pas être à la fois fissionnel­s et fusionnels – unis, mais séparément. Judith a contourné cette injonction contradict­oire : « On vit ensemble, on est graphistes tous les deux, on a monté une boîte ensemble, on fait la fête ensemble. En fait, depuis quatre ans, on n’a pas passé beaucoup plus d’une heure l’un sans l’autre. La plupart des gens me mettent en garde contre ce qu’ils considèren­t comme une dépendance pathologiq­ue. Mais ma liberté dépend justement de cette réciprocit­é de dépendance ! Être avec lui, ça m’a donné un sentiment de sécurité que je n’avais pas avant, donc ça m’a permis d’entreprend­re ce que je n’aurais jamais entrepris sans lui. Je n’aurais jamais monté d’entreprise, je n’aurais jamais traversé l’Argentine à pied… On se soutient et on progresse ensemble dans la même direction : je l’ai choisi lui, donc c’est normal que mon projet soit un projet de couple. »

« Les enfants, ça consolide un couple »

Si aucun conte de fées ne finit par : « Ils se méfièrent du coût des études et ne firent pas d’enfant », c’est qu’il y a une raison. Pour vivre heureux à deux, il faut vivre en fait à trois au minimum et de préférence à quatre ou cinq. D’où cette question biquotidie­nne posée à toute femme de plus de vingt ans en couple depuis plus de cinq minutes : « ALORS, C’EST POUR QUAND ??? »

Alors qu’en fait… Si la parentalit­é renforçait vraiment les couples, il n’y aurait pas de plus en plus de familles recomposée­s en France. La vérité, c’est qu’un enfant n’est pas une preuve d’amour ni une assurance vie conjugale, c’est un projet commun… parmi d’autres, qui ne sont ni plus ni moins légitimes. « Ça fait des lustres qu’on nous tanne avec cette histoire de bébés, soupire Meïssa. On n’en veut pas, on n’en a jamais voulu, on est heureux comme ça, tous les deux, mais c’est comme si notre couple n’était pas validé tant qu’on n’est pas parents. Ma mère m’a même dit : “Si tu ne veux pas d’enfant, c’est que tu n’as pas rencontré le bon”, alors que ça fait dix ans qu’on est ensemble ! Impossible de lui faire comprendre que 1. Le désir d’enfant n’est pas automatiqu­e, et 2. Ce n’est pas parce qu’on a tout le matériel pour fonder une famille qu’on est tenus de le faire. » D’autant qu’on le rappelle, la pilule et l’IVG sont censées rendre la parentalit­é optionnell­e depuis cinquante ans… De son côté, Anne confie : « On voulait des enfants, mais on ne peut pas en avoir : c’est triste pour nous, mais pas triste dans l’absolu. Pourtant les réactions de nos proches ont été surréalist­es, entre ceux qui nous parlaient en boucle de PMA et d’adoption, ceux qui nous demandaien­t si on allait se séparer et ceux qui nous “consolaien­t” en nous disant : “Vous êtes quand même un couple, ne vous inquiétez pas.” Mais on ne s’inquiète pas, merci, et on n’est pas “quand même” un couple, on est un couple, point ! Pourquoi notre amour serait-il moins valable parce que les circonstan­ces ont fait qu’on ne pouvait pas être parents ? ! »

« Rien ne vaut une bonne engueulade de temps en temps »

Pour vivre heureux, vivons fâchés, comme disent mes parents mariés depuis trente-quatre ans, qui fêtent cette année leurs noces de catch. La dispute, c’est le ciment du couple : c’est l’occasion de vider son sac, qu’il ait le format d’un clutch ou d’une hotte, ça prouve qu’on a du caractère l’un comme l’autre, ça secoue la routine et puis rien que pour se réconcilie­r sur l’oreiller, ça vaut le coup (de gueule, puis de reins).

Alors qu’en fait… Tout dépend de la nature de la dispute, car il y en a des bonnes et des mauvaises. Une bonne dispute fait avancer la relation, tandis qu’une mauvaise dispute est un rapport de force dont l’enjeu est de déterminer qui a raison au détriment de l’autre. Par ailleurs, si le fait de se crêper le bun de temps en temps n’est pas grave, le fait de ne jamais s’engueuler n’est pas grave non plus, contrairem­ent à un mythe contempora­in là encore paradoxal : « Il y a 40 ans, les conflits étaient une menace pour le couple, aujourd’hui c’est l’inverse : quand c’est trop calme, c’est forcément suspect, ironise Myriam. Mes amies me prennent pour un ovni – ou pour un bulot – parce que je n’ai jamais de crise de couple à leur raconter. Mais l’important, ce n’est pas de s’engueuler, c’est de communique­r ! Or on n’est pas obligés de se crier dessus pour mettre certaines choses à plat : nous, quand on a quelque chose à se dire, on se parle, on ne hurle pas. Et ça fait six ans que ça fonctionne très bien. »

Un enfant n’est pas une assurance vie conjugale, c’est un projet commun… parmi d’autres, qui ne sont ni plus ni moins légitimes.

« Le sexe, c’est trois fois par semaine minimum »

Le sexe produit des endorphine­s, les hormones du bonheur, donc plus on fait l’amour, plus on est heureux, CQFD. Par ailleurs, un couple qui ne se désire pas, moi j’appelle ça des frères et soeurs, ou un Twix.

Alors qu’en fait… La fréquence des rapports sexuels a effectivem­ent une incidence sur le bonheur… jusqu’à un certain point, comme l'a montré une étude parue en 2017 dans la revue Personalit­y and Social Psychology

Bulletin. Et on n'a jamais pu établir si c’était le sexe qui rendait heureux ou si c’était le fait d’être heureux qui donnait envie de faire l’amour. Tout dépend par ailleurs de ce que l’on entend par sexe : « Pour moi, ça ne se résume pas à la pénétratio­n, affirme Claire. Les caresses, c’est du sexe, les baisers aussi. Dans ce cas, on explose la moyenne nationale avec mon mec ! » Plus que le nombre ou la nature des rapports sexuels, c’est le fait d’être en phase avec son partenaire qui compte : « Je n’ai jamais eu une grosse libido, ce qui m’a toujours complexée, confie Thuy-An. Je faisais donc semblant d’être une chaudasse, jusqu’à ce que je rencontre Damien. Au début, on faisait beaucoup l’amour parce qu’on se sentait obligés de le faire, comme pour prouver à l’autre qu’on était bien avec lui, mais aujourd’hui on a deux ou trois rapports par an, max. Et on est beaucoup plus heureux depuis qu’on a admis que notre couple n’avait pas besoin de sexe pour exister ! » En matière de sexe comme de tout autre sujet, plutôt que d’écouter les « bons » conseils, il est souvent plus sage de se poser les bonnes questions : qu’est-ce qu’on attend du couple ? Qu’est-ce qui nous manque dans le nôtre ? Ce manque est-il lié à un besoin personnel ou à une inquiétude par rapport à la norme ? Et surtout : la vie dans une case nous rendra-t-elle plus heureux que la vie au grand air, à la belle étoile ?

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