... les haters
Il y a plusieurs sortes de nuisibles : les cafards, les pigeons, les rats et les haters.
SSur les réseaux sociaux, je suis comme un député à l’assemblée : souvent absente. Je ne dévoile pas ma fesse droite en photo, ni mon menu du jour en story, je ne géolocalise pas non plus le bar du soir. Et si je tiens vraiment à m’exprimer, je tourne sept fois le tweet sous mon pouce avant de le poster. Bref, je me fais rare. À ça, une bonne raison : la présence des haters, ces fantômes virtuels qui hantent les réseaux sociaux. Là, derrière des milliers de leds, infiltrée dans les circuits électriques, une cour de récré numérique dans laquelle une poignée de caïds persécutent les utilisateurs. Et cette violence gratuite, distribuée au pif, avec générosité, ça me fait flipper sévère. Résultat, je fais profil bas et je rase les murs de Facebook. Le problème, c’est qu’en plus de me coller les miquettes, ils me sapent le moral. Je ne peux pas m’abrutir tranquille sans tomber sur des injures postées sous la photo d’un people, ou des méchancetés en commentaires d’un article. Heureusement, il me reste la TV pour perdre mon temps. Sans elle, je serais obligée de réfléchir, d’avoir des idées de génie, d’être nobélisée, connue du grand public – et donc, en toute logique, critiquée, harcelée et déprimée par les haters.
Pourquoi font-ils ça ?
N’empêche, je me demande ce qui les motive à poster des pouces en bas, des menaces ou des injures. Perso, pour me défouler, je fais un footing, je cherche des poux à mon conjoint ou je boulotte une tablette de chocolat dans mon coin. Les haters, eux, évacuent leur frustration en frappant sur des claviers et en vomissant leur haine sur un profil relié à une vraie personne, animée par un vrai coeur. Reconnues comme des délits, leurs « agressions verbales » entraînent des hématomes invisibles mais marquants. Le pire dans cette histoire, c’est que j’en croise sûrement chaque jour. Cousin, collègue, boulangère… Impossible de les identifier, ils ont tous une tête d’écran plat. Bien sûr, il y a toujours eu des gens pour faire ou dire du mal. Seulement, il n’existait pas de terrain d’expression aussi vaste qu’internet. Leur champ d’action se réduisait à deux possibilités : soit ils insultaient en face – rare, étant donné que le hater s’accompagne d’un manque cruel de courage. Soit ils médisaient dans le dos. Mais les messes basses n’avaient pas suffisamment de portée pour être tout à fait satisfaisantes.
Comment leur répondre?
En général, quand je tombe sur une vacherie, je commente dans ma tête « Dingue d’être aussi con », et c’est tout. Ensuite, je scrolle des kilomètres dans l’espoir de tomber sur une vidéo de chaton drôle et mignonne pour me changer les idées. Dans la vraie vie, c’est différent. Je me suis juré de ne pas tourner la tête si j’assistais à un acte d’incivilité ou à une agression. Alors bon sang, pourquoi je ne défends pas les victimes en PLS de l’autre côté de l’écran ? ! Même si le chaton en train de se vautrer dans une poubelle est rigolo, je fais Pause et je réfléchis. D’accord, je ne peux pas coller de pichenettes, ni distribuer des baffes sur internet (point positif : je n’en reçois pas non plus), mais bien sûr que je peux agir. Après tout, j’ai les mêmes armes que les haters : le haut débit, un compte sur toutes les plateformes et un pseudo. En compulsant les pages du web, je découvre l’existence d’une ligue des justiciers. Un collectif a créé un groupe Facebook pour lutter contre la cyber violence. À la place du silence, ils agissent, répondent, commentent à l’aide du #jesuislà. Une initiative lancée par Mina Dennert, journaliste suédoise, et reprise en France. Le but ? Les membres signalent des propos haineux, et ceux qui le souhaitent soutiennent les victimes et répandent la bienveillance. N’importe qui peut participer ! Et moi, m’imaginer en superwoman masquée, la cape au vent, dotée du pouvoir de la gentillesse, ça me botte. Et clic, « rejoindre le groupe ».