Cosmopolitan (France)

… les masques

Mes oreilles portent actuelleme­nt des boucles d’oreilles, des lunettes de soleil, des écouteurs et un masque. De vrais petits portemante­aux.

- PAR MATHILDE EFFOSSE

J

J’apprends à vivre avec

Avant, quand je voyais quelqu’un avec un masque dans la rue, je me marrais – quel hypocondri­aque. Jamais je n’aurais pensé que ça deviendrai­t le nouveau « normal ». Alors OK, il est nécessaire. OK, il sauve des vies. Mais il tue mon rouge à lèvres qui coûte un bras. Je me maquille comment, le matin ? Juste la moitié du visage ? Parce que quand j’enlève mon masque, il ressemble à un coton à démaquille­r. Bon, je me la joue superstar : je ne me maquille pas et je mets des lunettes de soleil. Une heure plus tard, je maudis ce choix, le regard perdu sous deux carreaux de buée. Sur mon vélo, je continue à pester : je souffle comme un boeuf dans une montée, mon masque se carapate dans ma bouche à chaque inspiratio­n. J’étouffe, là-dessous ! Petit coup d’oeil à mon reflet au feu rouge : je suis rouge écarlate et mes oreilles font l’avion. On dirait Yoda après un marathon.

Mais franchemen­t, c’est dur

La question qui me taraude, c’est : j’éternue comment ? En freestyle, dans le coude ? Poc ! Zut, j’ai fait tomber un truc. Chercher quelque chose par terre avec un masque, c’est une épreuve : il faut baisser la tête trois fois plus, on ressemble à une poule qui cherche sa graine. Un mec se baisse et ramasse mon briquet – nouveau dilemme. Mignon, pas mignon ? Draguera, draguera pas ? Même la reconnaiss­ance faciale de mon portable ne me reconnaît plus là-dessous, alors parier sur un visage ces temps-ci… D’ailleurs, parlons-en, des autres. Entre ceux qui jettent leurs masques par terre et ceux qui ne savent pas les porter, je craque. Combien de personnes j’ai croisées, le nez qui sort du masque comme une couille d’un slip trop petit, ou qui le mettent en bandana, ou en crop-top de visage, entre l’extrémité de leur nez et la limite de leur lèvre inférieure… Le pire, c’est ceux qui le tiennent à la main dans la rue. Ils ont cru que c’était une pochette ?

C’est pas mal, finalement

Après quelques semaines, ma relation avec mon masque s’est vachement améliorée : grâce à lui, je me sens un peu plus libre, en fait. Libre d’avoir un bouton sur la joue et de m’en foutre. Libre de bâiller au nez de mon boss en pleine réunion. Libre de faire comme si je n’avais pas reconnu mon collègue dans la rue, d’aller faire les courses en jogging sans me faire cramer par un voisin. Même le monde de la mode a décidé d’y mettre son nez : entre les masques à motifs stylés, à dessins rigolos, à logos tout simples, il y en a pour tous les goûts. Quitte à les acheter, autant s’en offrir des lavables avec un truc en plus. Et puis, l’enlever, c’est quand même le kif – encore plus que d’ôter son soutif en fin de journée. Je souris incognito en sortant de la boulangeri­e, fière de mon couvre-nez. Je l’aime, finalement, je l’ad… Aïe ! Ah oui, dernier inconvénie­nt : on peut pas croquer le croûton en rentrant avec une baguette.

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