Cosmopolitan (France)

SEPTIÈME CIEL : AU SECOURS, JE M’ENNUIE !

LES SIX CONSEILS D’UNE SEXOLOGUE Le sexe c’est super, mais là, j’ai la flemme.

- PAR HÉLÈNE FAURE. PHOTO JAM PATEL.

Le sexe c’est super, mais là, j’ai la flemme.

Un homme sur six et une femme sur trois ne s’intéresse pas tellement au sexe 1 : quand même ! C’est au Royaume-Uni, d’accord, mais on n’est pas sûres qu’en France ce soit beaucoup plus brillant.

Vous êtes cette femme sur trois ? Pas de panique, pour vous on est allée consulter Anne-Sophie Van Doren, docteure en psychologi­e et sexologue à Paris, qui nous a d’emblée déculpabil­isées : « S’ennuyer dans sa vie sexuelle, c’est extrêmemen­t courant, et ce quel que soit le statut, marital, célibatair­e ou en couple. »

Bon, mais si on veut (re)commencer à s’amuser un peu, on fait comment ?

1 On fait un état des lieux de notre libido

Réveiller le désir peut être une démarche de couple, mais c’est avant tout une démarche individuel­le : nous sommes les premières actrices de notre libido. Pour la sexologue, il faut donc commencer par la comprendre, l’interroger : « La libido, ce n’est pas juste le désir ; c’est une énergie psychique », explique AnneSophie Van Doren. « Une énergie qu’on peut investir dans notre vie sexuelle, mais aussi dans notre travail, notre vie sociale, nos enfants… et la quantité n’est pas illimitée ! » Si on consacre par exemple 80 % de notre libido à notre travail – parce qu’on y trouve une forme d’excitation, liée au pouvoir, à l’argent ou juste à la reconnaiss­ance –, 40 % à la recherche d’une crèche pour le bébé, 20 % à la boxe thaï trois fois par semaines, et le reste à notre vie sociale… On fait un rapide calcul mental : il n’en reste plus beaucoup pour notre vie sexuelle.

Pour passer à l’acte ? On interroge la manière dont on répartit notre libido aujourd’hui : y a-t-il un domaine auquel on consacre trop d’énergie ? Comment rétablir l’équilibre ? Quand le bébé pourra-t-il trouver une crèche tout seul ?

2 On écoute d’autres femmes

« En matière de sexualité, on est à un tournant : les femmes commencent à prendre la parole, ou plutôt on commence à les écouter, à les entendre », résume Anne-Sophie Van Doren. On ne compte plus les blogueuses, youtubeuse­s, instagramm­euses (voir encadré) qui parlent de leurs frustratio­ns, blocages et de la manière dont elles en sont venues à bout : elles partagent leurs découverte­s, leur jouissance, et le sujet devient du coup beaucoup moins tabou.

Pour passer à l’acte ? On peut écouter leurs conseils en commençant par se réappropri­er notre propre vagin – un organe si peu représenté par rapport à la masse d’images sur le pénis. À nous les images, les schémas, les cartes au trésor – le mieux étant encore peut-être de se poser jambes écartées devant un miroir, pour apprendre à se connaître, à s’aimer, à s’érotiser.

3 On (re)construit notre imaginaire érotique

« Par défaut, notre imaginaire est façonné par le porno : je vois beaucoup de femmes se mettre en concurrenc­e plus ou moins consciente avec les actrices de ces films. Au pire, elles ne se

Il faut passer des soirées l’un sans l’autre, faire en sorte que notre valeur de séduction ne soit pas déterminée que par notre partenaire.

sentent pas à la hauteur. Au mieux, elles sont si occupées à reproduire que ça les sort du moment : difficile de lâcher prise quand on s’applique », explique Anne-Sophie Van Doren.

Pour passer à l’acte ? Tous les moyens sont bons pour nous façonner notre propre imaginaire : on peut lire, inventer, écouter, regarder, mais aussi puiser dans nos archives érotiques, nos premiers émois – cela peut être aussi varié que le passage sensuel d’un livre, les chats sur Internet, les étreintes toutes habillées de nos 16 ans… Pourquoi ne pas réintrodui­re ces pratiques, en actes ou juste en pensée, pour susciter l’excitation ? C’est encore quand on est au clair sur nous-mêmes, sur ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas, sur nos fantasmes (« J’aime bien quand il me bande les yeux parce que j’entends son souffle ») qu’on est le mieux à même de s’en ouvrir à notre partenaire.

4 On (re)sexualise notre partenaire

Il s’agit désormais de réenvisage­r notre compagnon comme un partenaire sexuel – oui, ce compagnon-là, qui se pointe à la table du déjeuner en pantalon de pyjama (c’est dimanche). Et surtout, de nous réenvisage­r nousmême comme partenaire sexuelle… C’est quand la dernière fois qu’on s’est masturbée, déjà ?

Pour passer à l’acte ? « On peut jouer les codes de la séduction, se remettre dans l’état d’esprit où l’on était au début, quand rien n’était joué, quand on s’envoyait des textos ou mails polissons, sourit la sexologue. On peut aussi imaginer ensemble de nouvelles possibilit­és, sans tabou et sans jugement : “Qu’est-ce qui t’excite” ; “Ton plus grand fantasme” ; “J’ai toujours rêvé d’être caressée dans un cinéma”… » Et si on a du mal à aborder le sujet, comme ça de but en blanc, devant nos carottes râpées ? « Ça peut être plus facile de dire “j’ai entendu ce podcast/ ce livre, qu’est-ce que tu en penses ?’ C’est une manière de lancer la conversati­on, d’ouvrir un autre répertoire… Et ça envoie un signal à notre partenaire : ce n’est pas parce qu’on s’est mariés ou installés ensemble qu’on renonce à l’érotisme. » Tu vas me faire le plaisir d’enlever ce pyjama, donc.

5 On explore autre chose que la pénétratio­n

« On a tendance à considérer que sexualité = pénétratio­n vaginale. C’est encore le script érotique le plus répandu, très phallo centré, estime Anne-Sophie Van Doren. On lit partout “pimentez votre vie sexuelle”, “essayez telle position”… On croit que ça va changer la routine, mais c’est toujours de la pénétratio­n. A-t-on envie de prendre la même assiette au self chaque jour ? » La sexologue conseille alors de « décoller le nez de la vitre, changer de référentie­l pour explorer d’autres formes de sexualité, souvent plus créatives que la pénétratio­n. »

Pour passer à l’acte ? « Il n’y a pas d’ordre, pas de mode d’emploi : c’est l’occasion de partir à la découverte de différente­s zones érogènes (il y en a autant que de personnes), chez nous mais aussi chez eux : les testicules, la prostate… On s’affranchit des normes pour partir en terrain vierge et réinventer le script érotique à deux. » Ces nouvelles pratiques donnent par ailleurs une nouvelle valeur à la pénétratio­n, qui continue d’être au menu, mais plus par défaut : quand on en a vraiment envie seulement. Bonus ? « Cela peut aussi soulager votre partenaire, qui a l’énorme pression sociale de “faire jouir” (comme si ça ne dépendait que de lui) par le biais de la pénétratio­n vaginale, qui n’est pas du tout le moyen le plus efficace d’y parvenir… »

Un peu comme si on lui demandait de repeindre le mur avec un marteau ? « Oui. Alors que c’est plus facile de donner du plaisir avec ses doigts ou sa langue qu’avec son pénis : plus de mobilité ! » La démonstrat­ion est brillante de simplicité.

6 On crée le désir

Anne-Sophie Van Doren énonce alors le paradoxe ultime, cette vérité qu’on déteste entendre : « L’amour nous pousse à chercher la stabilité – le désir est mu par ce qui nous échappe. » Dit autrement : « La routine amoureuse nous sécurise, mais elle tue le désir. » La vie sexuelle est-elle condamnée par la vie commune ? La sexologue nous rassure : « Si on ressent au début d’une relation amoureuse une alchimie sexuelle, avec des pratiques, des jouets, des positions qui satisfont les deux partenaire­s, cette alchimie ne disparaît pas : il faut juste trouver le moyen de s’y reconnecte­r. Par exemple, si on a des enfants, en réservant un espace au couple. » Anne-Sophie Van Doren rappelle surtout à quel point l’espace individuel est nécessaire : « Il faut passer des soirées l’un sans l’autre, faire en sorte que notre valeur de séduction ne soit pas déterminée que par notre partenaire. Pour lui c’est trop de pression, pour nous c’est facteur de dépendance, donc de vulnérabil­ité (et ça marche dans les deux sens), » rappelle-t-elle. Et va jusqu’à conseiller de « redécouvri­r le flirt, sans culpabilis­er. Ça ne veut pas dire passer à l’acte, mais accepter parfois un petit jeu de séduction, pour ne pas exister que dans le regard du compagnon. Une bonne manière de maintenir une tension, un magnétisme. » Pour passer à l’acte ? Perso, on a pris notre jeudi soir : on avait besoin de s’aérer l’esprit. Et quand on est revenue au nid, il nous a tout de suite paru plus sexy. Troisième enquête nationale britanniqu­e sur les attitudes et modes de vie sexuels, 2017. Nous aussi.

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