Mobilité : voyages d’affaires sous haute surveillance
Face aux menaces sécuritaires qui pèsent sur leurs collaborateurs en mission à l’étranger, les entreprises renforcent leur politique de voyages d’affaires. Pour répondre aux obligations légales, elles investissent dans des outils de localisation en temps
Attentats terroristes, catastrophes naturelles, troubles géopolitiques, etc. Ces évènements peuvent affecter les salariés en déplacement à l’autre bout du monde ou simplement à quelques centaines de kilomètres de leur bureau. Face à un climat sécuritaire international instable, la sûreté des collaborateurs en mission à l’étranger devient la préoccupation numéro 1 des entreprises. Une priorité qui devance même le fil rouge historique des voyages d’affaires ou encore la maîtrise des coûts. “Auparavant, seuls les voyages de longue durée vers des destinations hostiles, à l’image de l’Irak, étaient perçus comme dangereux. Avec les récents attentats, qui
ont frappé les capitales européennes, les entreprises ont pris conscience que tous leurs voyageurs pouvaient être exposés à des risques de sûreté,
même dans des villes occidentales”, constate Claude Lelièvre, vice-président de l’Association française des travels managers. Si les attaques terroristes, les kidnappings et les enlèvements marquent les esprits et suscitent l’inquiétude des salariés et de leurs managers, ces menaces ne doivent pas éclipser d’autres dangers certes moins médiatisés mais, beaucoup plus fréquents. Les accidents de la route, les vols et agressions, les problèmes d’accès aux soins figurent parmi les premières causes de rapatriement. Des infections digestives, soignées rapidement en France, peuvent entraîner de graves complications là où les infrastructures médicales sont défaillantes. “Les risques perçus ne sont pas fidèles aux statistiques. Lors des déplacements, la probabilité d’être la cible d’un attentat est plus faible que celle d’être victime d’un accident de la route. Prendre la voiture est perçu comme un geste banal. Pourtant, les risques sont décuplés dans les pays où les routes sont sinistrées et la conduite inadaptée”, rappelle Charline Gélin, responsable sûreté chez International SOS. Pour aider les services des ressources humaines à ajuster leurs politiques internes au contexte des pays dans lesquels les salariés sont amenés à se rendre, les agences spécialisées dans la sécurité des voyageurs leur proposent des cartographies des risques à travers le monde ainsi que des alertes sur l’actualité sécuritaire et sanitaire.
LA PRÉVENTION, PRINCIPALE CLÉ
“En temps réel, les responsables visualisent les menaces qui pèsent sur une zone géographique, et celles qui seront à venir. En anticipant les situations de crise, ils sont en capacité de décider de reporter une mission dans la région ou bien de la maintenir en édictant des consignes plus restrictives pour protéger leurs collaborateurs”, raconte Josselin Ravalec, directeur commercial à Anticip Travel. En matière de sûreté, la prévention et la sensibilisation sont les meilleurs remparts. E-learning, formation en présentielle, fiches pays sur l’intranet … Tous les leviers sont actionnés pour transmettre aux futurs voyageurs des informations pertinentes sur les risques encourus dans les régions où ils se déplaceront. Chez Véolia, les salariés ont l’obligation de suivre tous les deux ans une formation en ligne sur la sécurité avant de décrocher un certificat leur donnant le droit de voyager dans des pays dangereux. “Les salariés doivent être en capacité d’assurer leur propre sécurité. Nous les conseillons sur les comportements à adopter face à une menace et leur rappelons certaines règles de bon sens. Ne pas s’énerver lors
LAPROBABILITÉ D’ ÊTRE LA CIBLE D’ UN ATTENTATESTPLUS FAIBLEQUECELLE D’ ÊTRE VICTIME D’ UN ACCIDENTDE LAROUTE
d’un contrôle de police, ne pas monter dans n’importe quel véhicule, ne pas sortir dans des bars fréquentés uniquement par des occidentaux … Ces pratiques permettent de se prémunir de bien des
difficultés”, raconte Jean Fiamenghi, directeur de la sûreté de Véolia, chargé de donner le feu vert avant tout départ en mission dans des zones à haut risque, comme le Sahel. Face à la pression sécuritaire, les employeurs ont tendance à durcir leurs procédures voyages d’affaires, en prescrivant le choix des hôtels ou des modes de transport et en interdisant le “bleisure”, qui allie déplacement professionnel et tourisme. Si les entreprises sont autant précautionneuses, ce n’est pas seulement en raison des éventuels impacts d’une mauvaise gestion des risques sur leur santé financière et leur notoriété. C’est aussi que leur responsabilité légale peut être engagée en cas d’incident. En vertu du Code du travail, elles ont l’obligation de protéger la santé de leurs salariés, un devoir rendu plus impérieux quand ces derniers sont en mission loin de chez eux. “Depuis l’attentat de Karachi dans lequel ont péri onze cadres de la DCN, les réglementations sont plus contraignantes. L’entreprise doit mettre en place tous les moyens possibles pour assurer la sécurité de ses employés à l’étranger. En cas d’incident, si la justice estime qu’elle avait conscience d’un danger mais qu’elle n’a pas fait le nécessaire pour le prévenir, elle s’expose à de lourdes sanctions pénales et financières”, prévient Bernard Jacquemart, directeur information et analyse à Sécurité sans frontières. PORTER ASSISTANCE À TOUT MOMENT
En permanence, les employeurs doivent garder un oeil vigilant sur leurs collaborateurs. Pour cela, des outils de suivi des déplacements leur permettent de localiser en temps réel leurs voyageurs où qu’ils se trouvent sur la planète, de communiquer avec eux et de les assister en cas d’urgence. Les salariés en détresse peuvent quant à eux alerter en quelques clics les plateaux d’assistance des agences de sûreté ouverts 24 heures sur 24. Des experts leur prodiguent des conseils adaptés, un soutien psychologique et, si besoin, déploient des solutions opérationnelles pour les évacuer d’une zone isolée et les mettre en sécurité. “Dans les régions à haut risque, les responsables ne doivent pas laisser leurs employés livrés à eux-mêmes. En Libye, par exemple, ils sont accompagnés en permanence par des véhicules blindés et restent sous la protection rapprochée de gardes armés. Lors du coup d’État au Burkina Faso, nous avons aussi affrété des avions privés pour aider des salariés reclus
dans leur hôtel à fuir rapidement le pays”, indique Josselin Ravalec, d’Anticip, une société de sécurité et de défense créée en 2008 par d’anciens membres du GIGN et des forces spéciales. Des moyens logistiques exceptionnels mais devenus indispensables à l’heure où les entreprises sont toujours plus nombreuses à aller chercher de nouveaux marchés dans des régions dangereuses et difficiles d’accès. Malgré les efforts consentis sur le sujet, il reste encore beaucoup à faire notamment dans les PME et les ETI. Au-delà du coût des dispositifs, la faute revient aussi aux salariés qui n’ont pas envie d’être suivis à la trace par leurs employeurs et sont tentés de réserver leur séjour en dehors des clous. L’impératif de sûreté et le besoin de liberté semblent encore difficiles à concilier.
LESSALARIÉS DOIVENTÊTREEN CAPACITÉ D’ ASSURER LEURPROPRE SÉCURITÉ