Courrier Cadres

Ressources humaines: Jouer est-il former ?

- Par Marina Al Rubaee.

Serious Game, Escape Game… des notions qui renvoient à l’idée de jeu. Il s’agit d’un aspect de plus en plus pris en compte par les entreprise­s quand il est question de former leurs équipes. Une autre façon de les motiver et de les fédérer. Certes, c’est dans l’air du temps… mais est-ce bien sérieux ? Et quels sont les critères à prendre en compte ?

Quelle est l’utilité de former ses collaborat­eurs

par le jeu ? “C’est bien plus efficace que de rester assis derrière des tables dans une salle de réunion à voir défiler des ‘ slides’ dont on ne retient pas grandchose. Grâce au jeu, les salariés deviennent acteurs de leur propre a p p r e nt i s s a g e . I l s vivent l’expérience par leurs cinq sens et leurs émotions. Ils intègrent et se souviennen­t mieux des messages que souhaite transmettr­e leur entreprise”,

assure Martin Tissier, co-fondateur et “business developer” d’Urban Gaming, une start-up qui propose des jeux d’animation pour les entreprise­s - essentiell­ement issues du CAC 40 - dans le cadre de Team Building. Un constat partagé par Élisabeth Chaudière qui a inventé “l’Attrape sexisme”, un jeu qu’elle a fait tester auprès d’Accor Hotel, notamment et qu’elle va officielle­ment lancer au cours de l’automne. “La ‘gamificati­on’ permet d’aborder de manière plus ludique et pédagogiqu­e des sujets particu- lièrement sensibles tels que le sexisme ordinaire au travail. Dans ce cas, le présentiel est préférable au virtuel car il favorise les interactio­ns entre les participan­ts et met en lumière les témoignage­s. Il permet aussi à chacun de comprendre ses propres comporteme­nts et au groupe de définir un panel de réactions possibles face au sexisme ordinaire dans son environnem­ent de travail”, insiste notre interlocut­rice.

sans perte de temps ni d’argent ? Pour le co-fondateur d’Urban Gaming, il est essentiel de définir la problémati­que en jeu : est-ce pour favoriser la cohésion d’équipe, aborder la diversité dans l’entreprise, faire partager ses valeurs, permettre aux salariés de s’approprier le changement, avoir de meilleures connaissan­ces des offres et produits ?... “Le but est de vraiment cerner l’objectif à atteindre. Une étape nécessaire qui va amener à réfléchir sur le contenu du jeu lui-même”, explique-t-il. Selon lui, rien ne pourra se faire sans l’implicatio­n du comité de direction dans le processus : “La volonté doit venir de plus haut. Il faut que les dirigeants soient eux-mêmes à l’origine du projet, qu’ils l’aient testé et validé.” faut un jeu pertinent, efficace… et rapide ! Pour Martin Tissier, la formation doit se découper en demi-journées. Plus le jeu est décalé par rapport au sujet choisi, plus il sera efficace. En revanche, il doit absolument intégrer un aspect pédagogiqu­e et collaborat­if, et représente­r un challenge afin de susciter l’envie d’y participer. La tendance actuelle est aux jeux à énigmes sous forme d’Escape Game ou de circuit dans la ville. Martin Tissier donne un exemple en citant un parcours concocté pour les commerciau­x du groupe L’Oréal afin de les familiaris­er avec les produits destinés aux soins de la peau. “Pour les aider à se les approprier, nous avons conçu un jeu de piste qui se passe au musée du Louvre. Munis de tablettes qui retouchaie­nt virtuellem­ent les tableaux en ajoutant aux sujets représenté­s des problèmes de peau, les participan­ts devaient s’arrêter devant les oeuvres sélectionn­ées et deviner le produit à appliquer aux personnage­s”, explique-t-il. Quoi qu’il en soit, tout cela a bien sûr un coût. Au sein d’Urban Gaming, il faut compter de 8 000 à 10 000 euros par jeu, ce qui représente un coût moyen de 70 euros par personne. Le délai pour la mise en place ? Un mois entre le recueil des besoins, la conception et le test du jeu avant sa mise en applicatio­n réelle. Il faut également inclure un suivi à définir, afin de “peaufiner” et d’ancrer l’apprentiss­age à travers, cette fois, un système de e-learning ou de “chatterbox”. Et Martin Tissier de conclure : “Former ses collaborat­eurs par le jeu n’est en aucun cas une futilité. En matière d’apprentiss­age, c’est ce qu’il y a de meilleur, même si cela reste un outil parmi d’autres.”

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