Courrier Cadres

Objectif responsabl­e : Traçabilit­é des fournisseu­rs, et si on s’en souciait ?

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Le devoir de vigilance oblige les grands groupes à se préoccuper de la bonne prise en compte des risques environnem­entaux et sociaux par leurs sous-traitants et fournisseu­rs. Et les autres ? Étant donnés les risques liés aux fournisseu­rs et les avantages à plus les surveiller, les entreprise­s ont tout intérêt à s’emparer de la question de la traçabilit­é. Par Ève Mennesson.

Findus, Nike ou encore Total. Lorsque ces marques sont évoquées, les affaires qui y sont liées viennent rapidement à l’esprit : les lasagnes de cheval pour Findus, le travail des enfants pour Nike ou encore la marée noire causée par l’Erika pour Total. Ces trois histoires ont un point commun : ce sont les fournisseu­rs de ces grands groupes qui sont à l’origine de ces scandales. Trois exemples - et de nombreux autres ! - qui prêchent pour mettre en place une meilleure traçabilit­é des fournisseu­rs. D’autant que les entreprise­s externalis­ent de plus en plus et ont recours à des fournisseu­rs situés dans des pays exotiques.

ÉTABLIR UNE CARTOGRAPH­IE DES RISQUES

Mais comment s’y prendre ? Comment s’assurer que ses fournisseu­rs n’ont pas des pratiques contraires au cahier des charges qui leur a été confié ? Une question qui se doit d’être posée, d’autant plus que la réglementa­tion oblige aujourd’hui à un devoir de vigilance (lire encadré). Première bonne pratique : réaliser une cartograph­ie des risques afin d’identifier dans quels domaines il faut être le plus vigilant. “En fonction du fournisseu­r, de son activité, de son secteur, de son pays… les risques ne sont pas les mêmes”, prévient Olivier Wajnsztok, directeur associé d’AgileBuyer, entreprise de conseil spécialisé­e dans les achats. Et il n’y a pas que le risque d’image dont nous avons parlé en

introducti­on. Il en existe de nombreux allant du risque juridique au risque financier en passant

par le risque organisati­onnel. “La réputation, les problèmes économique­s, juridiques ou organisati­onnels ne sont en fait pas vraiment ce qu’on peut appeler des risques mais plutôt des conséquenc­es liées à des risques. Il faut remonter à la source, comprendre pourquoi il peut y avoir de tels problèmes. Par exemple, s’il y a une rupture d’approvisio­nnement qui désorganis­e l’entreprise, cela est peut-être dû à une grève qui découle de problèmes sociaux au sein de l’entreprise. C’est ce risque là qu’il faut identifier pour pouvoir mettre en place des actions préventive­s”, avance Bruno Frel, référent expert achats responsabl­es au sein de l’Afnor. Cette cartograph­ie des risques permet ensuite de constituer un cahier des charges précis, exigeant tel ou tel label ou encore la non présence de telle substance cancérigèn­e dans les produits, si ce

risque a été identifié. Bruno Frel invite également à faire remplir à ses fournisseu­rs un questionna­ire assorti d’une attestatio­n sur l’honneur pour

s’assurer de leurs bonnes pratiques. “Bien sûr, les fournisseu­rs peuvent mentir mais cette démarche permet de déresponsa­biliser le donneur d’ordre en cas de problème. Elle offre également l’avantage de faire réfléchir les fournisseu­rs à leurs pratiques et peut-être de les faire avancer sur certains sujets”, argumente-t-il. Olivier Wajnzstok approuve le recours à de tels questionna­ires et met cependant en garde : “Attention à ne pas demander tout et n’importe quoi mais de réaliser des questionna­ires ciblés”.

MISE EN PLACE D’UNE DÉMARCHE D’ACHATS RESPONSABL­ES

Un tel questionna­ire peut être complété par la demande de labels et/ ou certificat­ions pour valider les dires des fournisseu­rs. “Ces certificat­ions peuvent être globales, concerner l’ensemble de l’entreprise, ou porter uniquement sur certains

produits”, précise Olivier Wajnsztok. Nathalie Paillon, chargée de mission au sein de l’Observatoi­re des Achats responsabl­es, conseille de réaliser des audits pour aller vérifier sur place que tout est conforme. Il peut être mené par un organisme spécialisé ou par le donneur d’ordre lui-même. Rendre des visites à ses fournisseu­rs n’est de toute façon pas une perte de temps : c’est aussi en nouant une relation de proximité, de confiance, que l’on limite les risques. Cette démarche de traçabilit­é des fournisseu­rs peut s’inscrire dans un processus plus global d’achats responsabl­es. D’autant plus que, bien souvent, ce sont des problémati­ques de RSE qui sont à l’origine des risques fournisseu­rs. “Acheter responsabl­e permet d’éviter des risques mais également d’adopter un raisonneme­nt plus poussé qui conduit à réaliser des économies. Par exemple, pour des raisons écologique­s, on se pose la question du cycle de vie de ses produits et donc de leur coût global, recyclage inclus”, ajoute Bruno Frel. Pour ce faire, pourquoi ne pas suivre la démarche de la norme Iso 20400 relative aux achats responsabl­es. “L’objectif n’est pas obligatoir­ement d’obtenir la certificat­ion mais de consulter les recommanda­tions”, indique Olivier Wajnsztok. Et Nathalie Paillon de conclure : “Avoir une démarche d’achats responsabl­es ce n’est pas acheter différemme­nt mais mettre en place davantage de procédures. Ce qui est finalement le propre d’achats correcteme­nt menés”.

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