Juridique : Télétravail, un cadre souple
Grèves, intempéries, épisodes de pollution... autant de situations ponctuelles où l’employeur peut trouver un intérêt au télétravail. Il peut aussi l’inclure dans son mode d’organisation. Cela étant, rien ne le contraint à mettre en place du télétravail.
Télétravail régulier ou occasionnel
Le télétravail est une forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux (ex. : au domicile du salarié ou dans des bureaux en coworking) en utilisant les technologies de l’information et de la communication (TIC) (c. trav. art. L. 1222-9). Il implique l’accord de l’employeur et du salarié, qui peuvent convenir de le mettre en place dès l’embauche ou ultérieurement et ce, de façon régulière ou occasionnelle.
Accord collectif ou charte unilatérale ?
Choix de l’employeur. Le télétravail régulier ou occasionnel peut être exécuté dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur (c. trav. art. L. 1222-9).
Négocier un accord avec ou sans délégué syn
dical. L’accord collectif d’entreprise organisant le télétravail est négocié selon les règles applicables à tout accord collectif : avec le (ou les) délégué syndical (DS) présent dans l’entreprise, ou en l’absence de DS, avec les représentants élus du personnel (mandatés ou non) ou avec un ou plusieurs salariés mandatés. Dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur peut directement soumettre au personnel un projet d’accord qu’il a lui-même élaboré.
Rôle des représentants du personnel en cas
d’accord collectif. Si l’employeur négocie un accord collectif avec le (ou les) DS, il n’a pas à en soumettre le projet au comité d’entreprise (CE) ou au comité social et économique (CSE), si celui-ci a déjà été élu (c. trav. art. L. 2323-2, pour le CE ; c. trav. art. L. 2312-14, pour le CSE ; voir le Diction
naire Social édité par le Groupe Revue Fiduciaire, “Comité social et économique”). À notre sens, il doit tout de même saisir le CE (ou le CSE) au titre de ses attributions générales en matière de conditions de travail en l’informant et le consultant avant de mettre en oeuvre le télétravail dans l’entreprise. S’il est encore présent dans l’entreprise, l’employeur consulte d’abord le CHSCT lorsque la mise en
place du télétravail constitue un aménagement important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail (c. trav. art. L. 2323-1, pour le CE et art. L. 4612-8-1, pour le CHSCT ; c. trav. art. L. 2312-8, pour le CSE).
Rôle des représentants du personnel en cas
de charte. Si l’employeur opte pour la charte unilatérale, il doit au préalable recueillir l’avis des représentants du personnel (RP), s’ils existent (c. trav. art. L. 1222-9). Ni l’absence de RP, ni leur avis négatif n’empêchent l’employeur d’adopter une charte.
Clauses obligatoires. L’accord collectif ou la charte unilatérale doit prévoir un certain nombre de mentions obligatoires : conditions de passage en télétravail, modalités de contrôle du temps de travail, etc. (c. trav. art. L. 1222-9 ; c. envir. art. L. 223-1 ; voir Dictionnaire Social, “Télétravail”). À l’avenir, le texte devrait préciser les modalités d’accès des travailleurs handicapés au télétravail (loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dans sa version définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 1er août 2018, art. 68). Clauses optionnelles. Il est recommandé de prévoir également des mentions relatives à l’éli- gibilité au télétravail, au(x) lieu(x) du télétravail et aux règles de sécurité qui y sont applicables, au nombre de jours télétravaillés, à une période d’adaptation, aux règles de protection des données, à la prise en charge des coûts, etc.
Accord avec le salarié en l’absence d’accord ou de charte
Formalisme très souple. En l’absence d’accord collectif ou de charte, le salarié et l’employeur peuvent aussi convenir de recourir au télétravail. Ils formalisent leur accord “par tout moyen” (c. trav. art. L. 1222-9) : contrat de travail, échanges d’e-mails ou de courriers papiers, etc.
Cas de recours. Il peut s’agir de télétravail régulier ou occasionnel, par exemple en cas de circonstances exceptionnelles (grèves, intempéries, etc.), de situations personnelles spécifiques (salariée enceinte, personne handicapée, etc.), ou encore de pure convenance.
À noter : En cas de circonstances exceptionnelles (ex. : menace d’épidémie) ou en cas de force majeure, le recours au télétravail peut être nécessaire à la continuité de l’activité de l’entreprise et à la protection des salariés (c. trav. art. L. 1222-11). L’employeur peut alors imposer le télétravail au(x) salarié(s) [c. civ. art. 1218 ; avis n° 214 (20112012) de Mme Catherine Procaccia, au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 20 décembre 2011 ; www.senat.fr].
Refuser le télétravail
Refus motivé de l’employeur. En l’absence d’accord collectif ou de charte unilatérale, l’employeur n’a pas, selon nous, à motiver son refus au salarié qui demande à télétravailler.
À noter : À l’avenir, l’employeur devrait motiver son refus lorsque le salarié est un travailleur handicapé bénéficiaire de l’obligation d’emploi (c. trav. art. L. 5212-13), ou un proche aidant d’une personne âgée (CASF art. L. 113-1-3) (loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dans sa version définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 1er août 2018, art. 68). En présence d’un accord ou d’une charte (c. trav. art. L. 1222-9) :
l’employeur n’a pas à motiver son refus quand le poste du salarié n’est pas éligible au télétravail au regard de l’accord ou de la charte ;
l’employeur doit motiver son refus quand le poste du salarié est éligible au télétravail suivant les modalités prévues par l’accord ou la charte. Dans le cas où l’employeur est tenu de motiver son
refus, il doit donner au salarié une raison objective en s’appuyant sur des considérations tenant à l’intérêt de l’entreprise et non discriminatoires (c. trav. art. L. 1222-1 et L. 1132-1).
Refus non fautif du salarié. Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail (c. trav. art. L. 1222-9).
Appliquer le statut du télétravailleur
Droits identiques. Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise (c. trav. art. L. 1222-9).
Obligations “de droit commun”. L’employeur a vis-à-vis des télétravailleurs les mêmes obligations “de droit commun” que celles qu’il a à l’égard de tout autre salarié (c. trav. art. L. 1222-10). Les règles relatives à la durée du travail, aux temps de repos et à la sécurité demandent une attention particulière pour les télétravailleurs qui, par définition, ne sont pas “sur place”.
À noter : L’accident qui survient sur le lieu et au temps du télétravail est présumé être un accident de travail (c. trav. art. L. 1222-9). Ainsi, le domicile ou le tiers lieu où s’exerce le télétravail est assimilé, de ce point de vue, aux locaux de l’entreprise. La présomption s’applique aussi bien au télétravail régulier qu’occasionnel. Comme pour tout accident dans les locaux de travail, l’employeur peut prouver que l’accident est étranger au travail.
Obligations spécifiques. L’employeur est tenu à l’égard du télétravailleur (c. trav. art. L. 1222-10) :
de l’informer des restrictions à l’usage des TIC et des sanctions applicables ;
de lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;
d’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.
Prendre les frais en charge
Insérer une clause dans l’accord ou la charte. Le code du travail n’impose plus expressément à l’employeur de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail. Toutefois, selon le rapport joint à l’ordonnance du 22 septembre 2017, en cas d’accord collectif ou de charte unilatérale, ceux-ci devraient définir les modalités de prise en charge des coûts liés au télétravail régulier et exercé à la demande de l’employeur (JO du 23 septembre, texte n° 32). En tout état de cause, il est recommandé de régler la question des coûts dans l’accord ou la charte (coûts des matériels, logiciels, abonnements téléphone et Internet, etc.).
Appliquer l’ANI du 19 juillet 2005. Pour le télétravail à domicile, les employeurs relevant de l’ANI du 19 juillet 2005, qui vise le télétravail régulier, doivent continuer à respecter ses dispositions, dont celles imposant la prise en charge de certains coûts (ANI étendu par arrêté du 30 mai 2006, JO du 9 juin).
À noter : L’ANI s’applique aux employeurs relevant d’un secteur professionnel représenté par le Medef, la CPME ou l’UPA.