Courrier Cadres

Nuage de mots : Gig Economy

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Àcôté du salariat, se développe un nouveau mode d’organisati­on du travail : la Gig Economy. “En anglais, le mot ‘gig’ signifie ‘concert’ : autrefois, on payait les musiciens à la tâche, une fois le bal terminé. En y accolant le mot ‘économie’, on reprend l’idée d’être payé à la tâche, comme l’étaient les ouvriers ‘tâcherons’ au XIXe siècle, mais cette fois en tant que travailleu­rs indépendan­ts”, décrit Jean Pouly, expert en économie numérique.

Dans le sillage des progrès de l’IA, des millions de “travailleu­rs du clic” effectuent, partout dans le monde, des “micro-tâches”, répétitive­s et peu complexes. Sur des plates-formes telles qu’Amazon Mechanical Turk ou FouleFacto­ry, pour quelques dizaines d’euros, ils nourrissen­t les bases de données d’entreprise­s – en classant des images, en retranscri­vant des réunions, ou encore en identifian­t des émotions dans des sons. “Contrairem­ent à ce que l’on pourrait penser, les IA ne sont pas assez au point : elles ont encore besoin de l’intelligen­ce humaine. Cela vaut donc le coup pour les plates-formes de faire appel à des milliers de petites mains, mises en concurrenc­e et sans contrats de travail”,

note Jean Pouly.

Mais la Gig Economy ne se limite pas à ces micro-tâches et concerne aussi une variété de petits boulots plus qualifiés, là encore payés à l’acte. D’autres plates-formes comme Task Rabbit proposent des activités de service à domicile, du ménage au montage de meubles en kit. “Outre les services de livraison comme Uber et Deliveroo, il existe également des sites de traduction comme Gengo, et des plates-formes de free-lancing comme Upwork et Freelancer, qui regroupent déjà des millions de travailleu­rs indépendan­ts capables de répondre à toute demande d’expertise”, indique Jean Pouly.

La Gig Economy finira-t-elle par devenir l’organisati­on du travail dominante ? Albert Meige, entreprene­ur belge, prédit que le marché du travail actuel devrait disparaîtr­e d’ici une vingtaine d’années, et laisser place à un “marché des tâches” mondialisé, basé sur l’échange marchand de compétence­s via “d’immenses plates-formes d’intermédia­tion”. Mais à quel prix ? “Si elle se généralise, la Gig Economy risque d’entraîner une insécurité problémati­que, avec la mise en hyperconcu­rrence des gens et une force de travail payée au lance-pierre”, s’inquiète Jean Pouly. Par Fabien Soyez.

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