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L’ENTREPRISE D’À PEU PRÈS...

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Radio Classique Journalist­e à

Il collabore à et Canal Plus.

Il a été directeur divers magazine. humaines des ressources la vie. Il a fondé dans une autre des Travailleu­rs Ligue Canine présence des qui promeut la lieu de travail. chiens sur le haque fois que je me suis projeté dans 'l’entreprise d’après', j’ai dessiné dans ma tête des bureaux, tel un enfant en maternel qui gribouille une maison. J’ai dessiné bien sûr ceux qui y travaillai­ent, des personnage­s aux dents blanches tous réunis devant un ordinateur entouré de baies vitrées lumineuses et d’étagères bien rangées. Je me suis surtout projeté moi, effectuant, dans ce décor d’opérette, des figures plus ou moins profession­nelles comme un débutant dans une patinoire. Cette façon de fantasmer l’entreprise d’après, m’a chaque fois servi l’occasion de me tromper sur l’avenir. L’entreprise d’après devenait l’entreprise d’à peu près.

CBRINDILLE ÉCONOMIQUE

En vieillissa­nt, j’ai lu, j’ai visité et j’ai écouté devins, consultant­s et journalist­es annoncer l’entreprise d’après au doigt mouillé. Eux aussi dessinaien­t la boite (du Petit Prince) et traçaient les contours d’une compagnie idéale. Ces dernières années, l’entreprise d’après a eu des bureaux paysagers, des espaces verts, des oeuvres d’arts, des lieux de relaxation, des postes de travail mobiles et même des potagers. À ce nouveau décor ont été associés de nouvelles façons de faire : moins de silos, moins de process, plus d’agilité, plus de communicat­ions rapides et une immense envie de comprendre et de manager la génération d’après. Comme les îles entourées d’eau turquoise en photo sur les sites de voyages, il existe une entreprise d’après où tout est mieux que l’entreprise d’avant.

Et puis un jour, les hasards de la vie profession­nelle m’ont conduit à travailler en dehors de l’entreprise, en tous cas à m’y trouver moins souvent. L’entreprise d’après n’était plus celle qui m’embauchait. L’entreprise d’après devint la mienne. Une petite structure, une brindille économique. J’ai commencé à regarder l’après autrement. J’avais vieilli. J’ai eu moins de fantasmes et je croyais moins à ceux des autres. J’envisageai­s la suite autrement. Au jour le jour. L’entreprise d’après c’est la mienne et elle ressemble au client d’après, à la facture d’après, au boulot de la veille pour le lendemain qui n’attendra pas la semaine prochaine.

Cette petite entreprise qui se confond avec son fondateur aura toujours du mal à répondre à cette question de recruteur en mal d’inspiratio­n " Vous vous voyez où dans 5 ans ? ". J’ai déjà du mal à faire un business plan, alors dessiner l’entreprise d’après, ça ne peut être qu’un dessin d’enfant. Un à peu près. Je pense que nous sommes nombreux à scruter l’avenir ainsi, à le voir de loin, et à nous dire que l’après ressemble à un risque, à un équilibre instable, à un à peu près dans lequel nous recherchon­s la liberté.

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