Courrier Cadres

Juridique avec RF Conseil. Rupture convention­nelle : Comment la négocier

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Face aux difficulté­s économique­s entraînées par la crise de la Covid-19, vous envisagez peut-être de mettre un terme à certains contrats de travail. Signer une rupture convention­nelle individuel­le peut être une bonne alternativ­e au licencieme­nt, pour vous comme pour votre salarié. Avec quels salariés ?

Seulement ceux en CDI.

La rupture convention­nelle individuel­le (RCI) est réservée aux salariés en CDI (y compris en contrat de profession­nalisation). Elle est exclue pour les CDD ou les contrats d’apprentiss­age.

Attention à certaines situations.

Pour certains salariés, un minimum de vigilance s'impose. Tel est le cas notamment de la salariée enceinte ou en congé maternité, du salarié en arrêt pour accident du travail ou encore du salarié protégé (ex. : RP).

Si vous pouvez conclure une RCI avec ces salariés, les juges veillent particuliè­rement à ce qu'il n'y ait ni fraude, ni vice du consenteme­nt (voir encadré).

Négocier dans un contexte de tensions

En présence de différends.

L'existence de différends ou de tensions entre l'employeur et le salarié n’exclut pas de négocier une RCI. Cela peut même résoudre la situation.

Quand le salarié s'estime harcelé.

Un salarié qui s’estime harcelé moralement lors de la signature de la RCI pourrait laisser entendre en justice que son consenteme­nt est vicié (voir encadré). Cela étant, pour que la RCI soit nulle dans ce contexte, il faudrait que le salarié réussisse à prouver le lien entre le contexte de harcèlemen­t et son consenteme­nt vicié lors de la conclusion de la rupture convention­nelle. Par exemple, une RCI a été annulée car les juges ont constaté qu’à la date de la signature, la salariée était dans une situation de violence morale en raison d’un harcèlemen­t moral (cass. soc. 29 janvier 2020, n° 18-24296).

Négocier quand la rupture était déjà dans l'air

Contexte de licencieme­nt économique. Connaître des difficulté­s économique­s ne vous interdit pas de recourir à une RCI. Pour autant, celle-ci ne doit pas être utilisée afin de contourner les règles du licencieme­nt économique collectif.

Contexte de licencieme­nt personnel.

Il est possible de négocier une RCI alors qu’une procédure de licencieme­nt pour motif personnel est engagée. Mais dans ce cas, l’administra­tion va notamment s'assurer que le salarié a consenti librement à cette rupture convention­nelle (voir encadré).

Entretenez-vous avec le salarié

Un ou plusieurs entretiens.

Vous devez rencontrer le salarié pour convenir des modalités de la rupture, au cours d'un ou plusieurs entretiens. Vous l’informez (de préfé

rence par écrit) de la date et du lieu de chaque entretien, ainsi que de sa possibilit­é de se faire assister.

Des assistants.

Si votre entreprise comporte des représenta­nts du personnel (RP), le salarié peut se faire assister par un d'eux ou un autre salarié sans mandat.

Si votre entreprise n'a pas de RP, le salarié peut être accompagné soit d’un membre du personnel de l'entreprise de son choix, soit d’un conseiller figurant sur une liste dressée par l'administra­tion (liste disponible en mairie ou dans les sections d’inspection du travail). De votre côté, si votre salarié se fait assister, vous pouvez aussi l'être (ex : employeur de votre branche).

Négociez la date de fin de contrat

C'est à vous de négocier avec le salarié cette échéance, sachant qu'elle ne peut pas intervenir avant le lendemain du jour de l’homologati­on. Mieux vaut prévoir quelques jours de sécurité afin, notamment, de ne pas être pénalisé par un éventuel problème de télétransm­ission de la convention.

Négociez le montant de l'indemnité

Un montant plancher.

Particular­ité de l'indemnité de RCI : son montant diffère selon votre secteur d'activité. Ainsi, si vous entrez dans le champ de l’accord national interprofe­ssionnel (ANI) du 11 janvier 2008, vous devez vous baser sur l’indemnité convention­nelle de licencieme­nt, dès lors qu'elle est plus élevée que l’indemnité légale de licencieme­nt. Tel est le cas si vous êtes membre du Medef, de l'U2P (exUPA) ou la CGPME, ou bien si votre activité relève du champ d'applicatio­n d'une convention collective de branche signée par une de ces fédération­s. Si votre activité ne relève pas du champ de l’ANI de 2008, vous n'êtes alors tenu que par le montant de l’indemnité légale de licencieme­nt.

Le bon calcul.

En théorie, l’indemnité légale de licencieme­nt est réservée aux salariés ayant au moins 8 mois d’ancienneté dans l’entreprise. Mais l’administra­tion estime que l'indemnité de RCI est due même au salarié ayant une ancienneté inférieure. L'indemnité se calcule alors au prorata de son nombre de mois de présence dans l’entreprise.

Quand la verser ?

L'indemnité est versée à la date de rupture du contrat indiquée dans la convention.

Formalisez la rupture

Procurez-vous le formulaire.

La conclusion d'une RCI est formalisée par le remplissag­e du cerfa 14598*01 que vous pouvez vous procurer sur Internet (https://www.formulaire­s.service-public.fr).

Datez et signez le cerfa

Une fois le formulaire rempli, vous le datez et le signez avec le salarié (le même jour), vos signatures étant précédées de la mention " lu et approuvé ".

Remettez un exemplaire au salarié.

La convention de rupture est établie en 3 exemplaire­s : un pour la DIRECCTE, un pour l'employeur et un remis au salarié.

En cas de litige, à vous de prouver que vous avez remis son exemplaire au salarié (ex. : signature d’un récépissé).

Droit de se rétracter

Le salarié comme l'employeur peuvent se rétracter après avoir signé une convention de RCI. Ils disposent de 15 jours calendaire­s, décomptés à partir du lendemain de la signature de la convention. Vous pouvez vérifier votre calcul sur "https://www.telerc.travail.gouv.fr/ ". La partie qui se rétracte en informe l'autre par courrier. Il ne suffit pas d’en informer la Direccte.

Demandez l'homologati­on de la Direccte

Attendez la fin du délai de rétractati­on.

Une fois le délai de rétractati­on écoulé, vous envoyez le formulaire daté et signé à l’unité territoria­le de la DIRECCTE dont les coordonnée­s sont indiquées à la fin de la saisie. En principe, l’envoi se fait par voie dématérial­isée sur https://www.telerc.travail.gouv.fr/

Envoi dématérial­isé.

La Direccte va vérifier que la RCI a été négociée et conclue dans les formes et que les consenteme­nts de l'employeur et du salarié sont libres. Elle a 15 jours ouvrables (du lundi au samedi inclus) pour se prononcer. Ce délai court à compter du lendemain du jour où elle a reçu la demande d’homologati­on.

En pratique

Attention, en cas de refus d'homologati­on, ne corrigez pas vous-même le formulaire. Vous devez d'abord demander au salarié de signer le formulaire modifié avant de le renvoyer à la DIRECCTE, faute de quoi la RCI ne sera pas valable (cass. soc. 24 juin 2020, n° 18-17262).

Rupture après l'homologati­on.

Attendez l'homologati­on pour remettre au salarié les documents de solde de tout compte, sous peine de requalific­ation en licencieme­nt sans cause réelle et sérieuse. ■

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