Cuisine et Vins de France - Hors-Série
La vigne en perdition
Sans une prise de conscience collective des pépiniéristes et des vignerons, sans la production de sélection massale à grande échelle, notre vignoble est menacé de disparition.
C’est un peu comme un enfant. Sans les gestes, sans les mots qui la dressent sur le chemin de la vie, la vigne dépérit. Elle a besoin de ces soins qui la font adulte triomphante et vieille sage, sinon au seuil de la plénitude elle meurt sans avoir donné le vin sensible qui fait une juste existence de liane civilisée. L’Alsacien Jean-Michel Deiss a depuis déjà longtemps sonné l’alarme sur les dangers d’un vignoble malmené, constitué de clones plus sensibles aux maladies du bois notamment et dont la vie dans la plupart des endroits donne des signes de faiblesse vingt ans après sa plantation. Thierry Germain, à Saumur-Champigny, se fait le chantre de vignes franches de pied. Robert et Bernard Plageoles à Gaillac défendent leurs cépages autochtones. André Ostertag, depuis ses débuts, protège les vieux pieds d’une vigne mère ; ils sont la mémoire et l’avenir de son vignoble. D’autres leur emboîtent le pas partout dans le vi-
gnoble en Savoie, en Bourgogne, en Languedoc, et prônent la plantation de sélections massales, « le choix dans la parcelle en production des greffons sur les ceps présentant le plus d’intérêt », précise François Bouchet dans son ouvrage
L’agriculture biodynamique. Elles sont garantes de la diversité végétale, de la polymorphie gustative des fruits, donc du goût du vin et de la longévité des vignes : on trouve dans le vignoble français des ceps qui passent allègrement le siècle, plantés après la crise phylloxérique apparue dans le Gard en 1869. Là aussi, comme dans les comportements agricoles (lire notre article sur le vignoble français p. 67-68), la famille se divise en deux : les partisans des clones qualitatifs ou de clones résistants aux maladies cryptogamiques issus, dans l’avenir, de la recherche de l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) et les militants de la sélection massale. Le dé-