Cuisine et Vins de France - Hors-Série
Vers le terroir viticole par la dégustation géo-sensorielle
L’Université des grands vins et l’université de Strasbourg s’allient pour lancer un nouveau diplôme universitaire.
Un verre noir, l’envers de la transparence, l’apparence bannie pour que l’aveugle voie. Jean-Michel Deiss, opiniâtre prophète, en a décidé ainsi pour que la vision s’abolisse au pro t de l’odorat et du toucher lors de la dégustation des vins de terroir. La noble cause des vins de lieu est un enjeu d’avenir et la dégustation géo-sensorielle le sert au mieux selon le vigneron et fondateur de l’Université des grands vins, créée en Alsace. En bonne logique, Jean-Michel Deiss qui prône la défense des lieux de naissance des vins plutôt que la prédominance des cépages, a imaginé la création d’un diplôme universitaire. Il s’est tourné vers Dominique Schwartz, professeur à la faculté de géographie et de l’aménagement de l’université de Strasbourg. Le géo-pédologue et le vigneron ont élaboré le diplôme, deux ans et demi durant, sous la houlette bienveillante de Michel Deneken, président de l’université, où le 28 mars dernier était lancé le diplôme « Vers le terroir viticole par la dégustation géo-sensorielle ». Jean-Michel Deiss en donne sa dé nition : « Unique en France, ce diplôme propose de revenir à la base de la dégustation en redécouvrant la signature tactile d’un lieu transmise au dégustateur sous la forme d’une salivation bienveillante : une signature énergétique portée par le fruit mûr. Il s’agit de comprendre comment est obtenue cette signature par l’ensemble des contraintes proposées à la plante par la viticulture de terroir. » Dominique Schwartz ajoute : « L’objectif est de favoriser la compréhension de l’empreinte du terroir dans la viticulture. Les spéci cités du sol et de l’environnement font [celle] du lieu, donc du vin. » Le programme compte des cours théoriques et des travaux pratiques intégrant les neurosciences, 227 heures dispensées par des enseignants-chercheurs et des professionnels du secteur, ponctuées d’un mémoire, un examen écrit et une dégustation pratique pour l’obtention du diplôme, dont les frais s’élèvent à 4 950 euros. C’est donc dans un verre noir contenant un vin mystère que commence la dégustation géo-sensorielle. Dix familles de perceptions sont interrogées : intensité et lieu de la salivation ; couleur mentale (du froid au chaud) ; géométrie de la salivation (verticale, horizontale, effusive) ; trois critères en correspondance avec trois grands types de terroirs (silice, sédimentaire, volcanique) ; puis l’examen de la consistance de la salivation (sa forme), la texture de la salivation (anguleux, rugueux...), sa viscosité (asséchant, rêche, tapissant...), sa dynamique (de vif à ample), ces neuf critères d’identication du terroir, divisé en dix catégories (du sable à l’andésite). Des sensations exprimables avec un champ lexical d’une cinquantaine de mots simples et universels. Il repère grâce à la dégustation géo-sensorielle l’identité du terroir résultat de la relation des hommes, d’un sol, d’un végétal, d’un climat qui engendrent les vins de lieux.