L’ALSACE des Grands Crus, la chance au riesling
L’argitis minor romain débarqué en Allemagne avec les légions de César a franchi le Rhin. L’ascète vit dans le dépouillement et préfère les grands terroirs pauvres.
Il eût été facile d’évoquer le pittoresque des villages d’Alsace ; c’eût été réducteur ! Il eût été logique d’évoquer la ligne vertigineuse des flèches de la cathédrale de Strasbourg, c’eût été pieux. Il eût été culturel de raconter
Le Retable d’Issenheim du musée Unterlinden de Colmar, c’eût été émouvant. Il eût été de circonstance d’évoquer la tarte flambée, le baeckeofe et le kouglof, c’eût été appétant… L’Alsace, c’est tout ça, mais encore… L’Alsace, c’est le plus exotique des vignobles. Planqué derrière la ligne des Vosges et coincé par le Rhin qui, du Sud vers le Nord, roule sa masse sombre vers ces pays du froid, son vignoble a 50 millions d’années.
MILLE NUANCES DE SOLS
Les Alpes surgissant du tréfonds des âges ont, dans un formidable chamboulement, dessiné les strates géologiques créant mille nuances de sols encore plus riches et variées qu’en Bourgogne : granitique, calcaire, gréseux, marnocalcaire, sablo-argileux, volcanique, schisteux... Vignoble identitaire mais sans image, bourlingué d’une culture germanique à une autre française par une histoire tourmentée, la population a conservé un particularisme évident dans son idiome et sousjacent dans sa culture. Le vin d’Alsace serait encore sur son piédestal comme il l’était au siècle s’il n’avait décliné sous le joug des conflits, la guerre de Trente Ans d’abord, puis les deux mondiales. Le retour en grâce prend du temps, la maturité laborieuse, les rendements pléthoriques et la chaptalisation ont eu raison d’une réputation qui se reconstruit. Le vignoble alsacien est jeune ! L’Altenberg de Bergheim, premier Grand Cru reconnu, ne le fut qu’en 1975, suivi progressivement de 50 autres. Les Grands Crus sont devenus la gloire du piémont vosgien, c’est grâce à eux que le vignoble se rachète une conduite. L’avenir s’ouvre à cette jeunesse qui – si l’Inao le veut bien -, anoblira d’autres lieux-dits pour en faire des Premiers Crus.
LES AS DE LA BIODYNAMIE
Sa conscience écologique est avantgardiste. 18 % de sa surface en biologie contre 9 % en moyenne en France : sa révolution est verte, silencieuse, bâtie sur l’héritage et la proximité de l’Autriche, patrie de Rudolf Steiner, guide de la première génération de vignerons biodynamistes – Frick, Kreydenweiss, Meyer… – qui font des émules. Ils peuvent compter sur un climat des plus aimables pour la vigne, 3 à 4 degrés de moins en hiver et une tendance inverse en été où la contrée accuse 3 ou 4 degrés de plus. La pluviométrie égale à celle de Béziers est agréable aux sept raisins alsaciens dont quatre ont été adoubés pour servir le génie des sols kaléidoscopes des Grands Crus avec le riesling en émissaire. Infinie pureté de l’Alsace moderne des grands terroirs, le raisin philtre sort du sol pour livrer un vin palpitant, sec ou pas, selon les vignerons. Ce sont eux qui en parlent le mieux…