Balade gourmande Direction le sud de la Bretagne, en Cornouaille
De Quimper à Pont-Aven, de Douarnenez à Concarneau, ce Finistère fait battre le coeur de la Bretagne et révèle un bel appétit pour les produits du terroir.
Quimper, capitale de la Cornouaille, les façades en granit perdent leur mélancolie quand le soleil les éclaire. Au Comptoir du théâtre, sur le bord de l’Odet, Xavier Hamon cuisine la joie de vivre par tous les temps. Dans l’assiette, les produits du terroir de la Cornouaille défilent. Mais ils déjouent la tradition par la mise en scène de leurs saveurs, comme le biniou dans un concert de rock celtique. Le chef balise notre balade gourmande jalonnée par le réveil des produits oubliés. À Quéménéven, chez Ronan Le Palud, les vaches sont de vraies bretonnes. Elles sont noires et blanches et pas plus hautes que trois pommes. Elles broutent l’herbe naturelle des bocages alentour et ne donnent du lait qu’avec parcimonie, à peine 2000 litres par an. “Cette bretonne pie noir était la race locale, explique le jeune éleveur. On l’a abandonnée parce qu’elle n’était pas assez productive.” Son lait est pourtant un précipité du terroir que l’on goûte dans les fromages de
Ronan Le Palud.
LE GOÛT DU TERROIR
Un peu plus au nord, chez Claude et Michel Kéranguéven, le son de cloche est le même. Dans le pré, avec la rade de Brest en panorama, les armoricaines, à la robe brune, tiennent compagnie aux froment-du-léon, des vaches au poil clair et d’une douceur attachante. Ces deux races ressuscitées meuglent en breton. Les secondes produisent un lait si riche en carotène que le beurre qui en découle est jaune comme les boutons d’or. Sur la table de la cuisine, la motte fraîchement barattée en témoigne. Claude et Michel Kéranguéven fabriquent aussi du gros lait, une recette ancestrale de la Cornouaille, une sorte de yaourt fermier, le fruit d’une fermentation sauvage, d’une onctuosité et d’une finesse surprenantes. La graisse salée chamboule aussi les papilles. “Autrefois, c’était le beurre du pauvre, explique Michel Kéranguéven. On le fabrique avec le gras dorsal de nos cochons en y mettant du sel, de l’ail et du poivre.”C’est un délice, tartiné sur une crêpe au sarrasin.
ENTRE TERRE ET MER
Jonas Le Gall ne nous démentira pas. Le jeune meunier est un militant du blé noir breton, l’autre nom pour le sarrasin. Comme la pie poire et la froment du léon, la plante s’était presque évanouie des landes bretonnes, mais fleurit à nouveau. Sa graine réduite en farine entre les meules en pierre est sans comparaison, par la force de son goût rustique, avec le sarrasin importé de Chine. À Pont-Aven, le pâtissier Éric Jubin en est convaincu. Il utilise de la farine de blé noir local pour pétrir ses kouign-amann et sa pâte feuilletée. Son exceptionnel mille-feuille a détrôné les galettes de Pont-Aven.
Il est temps de rejoindre l’océan. Sur la route de Loctudy, par le bord de mer, pour aller à la rencontre des demoiselles, ces énormes langoustines bretonnes, on croise Béatrice Le Meur et Fabien Laupies. Leurs viviers de Penfoulic sont nichés au fond de la baie de La Forêt-Fouesnant où ils élèvent des coques et des palourdes ramassées à la main. Dans les bassins, on découvre les huîtres creuses naturelles de Jean-Noël Yvon, les praires, les palourdes roses et les vernis pêchés dans l’archipel des Glénan. Les sept îlots qui le composent sont presque face à nous, au large de la Cornouaille, trop loin pour les deviner, comme une ardente invitation à commencer un autre voyage.