ARMAND ARNAL La Chassagnette, à Arles
UNE ANCIENNE BERGERIE, À 20 MINUTES D’ARLES, EN CAMARGUE, AU MILIEU DES RIZIÈRES… S’Y TROUVE LE ROYAUME VÉGÉTAL D’UN CHEF TRÈS INSPIRÉ.
C’est un drôle de pied de nez au destin que d’avoir oeuvré dans les cuisines d’Alain Ducasse pour élaborer des recettes destinées aux spationautes, et se retrouver, quelques années plus tard, les pieds dans la terre du potager et du verger accolés au restaurant dont on écrit la musique depuis 2006. Sans potager, La Chassagnette ne serait pas le lieu poétique que l’on découvre, et sans ces deux hectares plantés de plus de 200 variétés, la cuisine d’Armand Arnal ne serait pas non plus celle dont se régalent les heureux clients venus de tous les coins du monde. Tous les jours de l’année, on peut voir le chef se balader parmi les allées, il se baisse pour cueillir un pied de brocoli dont il croque une fleur, une feuille de basilic pourpre qu’il respire, une pousse de mesclun qu’il mâche avec gourmandise, une pomme, une poire… Dans ce marché à ciel ouvert, c’est là qu’il puise son inspiration, qu’il trouve les idées de combinaisons possibles, qu’il écrit tous les jours une nouvelle page gourmande. Humblement, il reconnaît que c’est ce jardin d’Éden qui décide pour lui. Il n’en est qu’un faire-valoir. Mais quel faire-valoir ! Sa cuisine est naturelle dans sa première définition. Armand confie que sa rencontre avec le Japon l’a aidé à se recentrer sur ses émotions, il va désormais vers une cuisine instinctive où il tend à se libérer de tout ce qui lui semble superflu et où le produit devient l’évidence.
UNE PARENTHÈSE ENCHANTÉE
Plus il chemine dans cette quête d’équilibre et plus il réalise qu’il revient à la cuisine de son enfance, familiale, féminine et méditerranéenne, réminiscence de bons souvenirs. Lui et son équipe accueillent leurs clients comme des amis dans ce lieu qui s’apparente plus à une grande maison familiale qu’à un restaurant. À la belle saison, les tables sont dressées dehors, face au potager, maître des lieux, ou dans une des salles intérieures tapissées de bois ou de papiers peints aux couleurs vives. Dans l’assiette, la partition reflète la nature dans toute sa splendeur : les poireaux crayon se marient à la lisette, aux câpres et à la menthe ; les courgettes au turbot et au lait de pomme de terre ; les carottes au pigeon des Costières. Les produits de la terre ne sont plus considérés comme simples accompagnements mais deviennent les stars de l’assiette. Et, un moment passé à La Chassagnette devient une parenthèse enchantée très loin d’une cuisine codifiée, affranchie et naturelle. Une belle leçon de style.