Cuisine et Vins de France

AUTOUR D’UN CLASSIQUE

Le homard à l’américaine

- PAR MISCKA THEUS

Le homard reste par sa rareté, son goût délicat et son prix un plat d’exception. C’est souvent préparé le plus simplement possible qu’il est le meilleur : poché, grillé servi avec un filet de beurre fondu ou de citron, il fera les délices des amateurs. Bleu de son vivant, il devient rouge orangé à la cuisson, d’où son surnom de « cardinal des mers ». Parfois, il se pare de quelques atours supplément­aires pour se transforme­r en véritable plat de fête, ou en plat d’exception comme le homard à l’américaine.

De nombreuses paternités possibles

Contrairem­ent aux apparences, sa recette nous vient bien de France. Si les avis divergent concernant sa paternité, la recette serait née dans les cuisines du palais des Tuileries, à l’époque de Napoléon III, ou sortie de l’imaginatio­n d’Édouard Nignon, grand cuisinier de la première moitié du XXe siècle. Pour d’autres encore, le homard serait armoricain, car imaginé à la pointe du Raz, célèbre pour son ragoût de homard. La version qui l’emporte et sans doute la plus certaine l’octroie à un certain Pierre Fraysse, natif du sud de la France. Ce dernier, après un séjour aux États Unis, avait décidé de nommer son restaurant parisien Peter’s. Nous sommes aux alentours de 1860 et l’anglomanie existe déjà.

Lorsque le hasard fait bien les choses

Un soir, une fin de service, des clients venus du Nouveau Monde déboulent, demandant à dîner. Il ne reste plus grand-chose dans la cuisine de l’aubergiste, à part des homards prévus pour le service du lendemain. Pour parer au plus pressé et satisfaire l’appétit impatient de ses hôtes, il tronçonne les crustacés, cisèle quelques échalotes et gousses d’ail, fait revenir le tout dans un peu d’huile d’olive, mouille avec du cognac, du vin blanc et, rappel à ses origines, ajoute un peu de tomates. Sans doute s’est-il inspiré d’une recette existant déjà au restaurant Bonnefoy, rue des échelles à Paris, qui servait un homard chaud dans lequel on retrouvait notamment des tomates et de l’alcool sous le nom de homard à la Bonnefoy.

Victoire absolue

Peu importe, le succès est au rendez-vous et les goûteurs sont enthousias­tes. Ils s’enquièrent du nom du plat, dont ils viennent de se régaler. Le cuisinier sous l’influence de son récent séjour et de la nationalit­é de ses clients l’intitule « homard à l’américaine ». Un des grands classiques de notre gastronomi­e vient de trouver ses lettres de noblesse et rentrer à tout jamais dans le panthéon de notre cuisine française.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France