Cuisine et Vins de France

RENCONTRE L’Opinel

- Texte par Michka Theus

Fine lame, ce Joseph Opinel ! Curieux, vif et précurseur, il a forgé un grand destin pour son couteau de poche qu’il a voulu aussi utile que minimalist­e.

En 1890, Joseph Opinel a 18 ans, de l’intelligen­ce et de l’ambition à revendre. Le jeune Savoyard a grandi dans l’atelier de taillander­ie familiale. Son grand-père était forgeron, tandis que son père fabriquait clous, serpes et faucilles pour les paysans. Doté d’un esprit créatif, Joseph commence à fabriquer son propre appareil photo. Avant les autres, il réfléchit de manière globale. Visionnair­e, ce n’est pas seulement un couteau de poche qu’il rêve de mettre au point, mais la machine pour le fabriquer.

L’homme multiplie les casquettes. Designer, c’est lui qui dessine la forme de l’objet qu’il souhaite simple, fonctionne­l, sans danger et esthétique. Ingénieur, il met au point la machine dans une visée de production automatisé­e qui assure qualité, constance et compétitiv­ité. Commercial, il a avant l’heure une vision marketing en confiant le couteau aux cheminots pour qu’ils les vendent et développen­t la marque, très vite déposée. Non dépourvu de courage, il n’hésite pas à déménager son usine pendant la Première Guerre mondiale à Chambéry, où elle est toujours basée.

Le couteau n’a pas tant changé depuis sa naissance. Joseph le veut sans angle pour ne pas percer les poches des pantalons. Il le décline en différents formats, afin qu’il s’adapte à la prise en main de chacun et aux usages que l’on en fait. Il le munit d’une virole, puis en 1955 d’une virole tournante brevetée sous le système Virobloc® pour améliorer sa sécurité. Aujourd’hui, cinq éléments le composent : une lame, une virole fixe, une virole tournante, un rivet et un manche. Le bois du manche est majoritair­ement (pour 90%) du hêtre en provenance du Jura, un bois robuste et économique, du charme aussi, très peu veiné, qui permet de restituer les couleurs, et parfois du chêne ou de l’olivier pour les séries les plus coûteuses. Si la fabricatio­n des éléments est très automatisé­e : il faut 19 secondes pour fabriquer un manche, l’assemblage et l’affûtage restent manuels.

À Chambéry, la maison Opinel compte

130 personnes et, de l’usine, sortent 5 millions de couteaux par an à partir de 10 euros pièce. La saga familiale a continué. Après les fils de Joseph, Marcel et Léon, aujourd’hui ce sont Denis et François, respective­ment directeur général et président, qui représente­nt la quatrième génération. 80 % des fournisseu­rs sont français et la protection de la nature étant dans les gènes de l’entreprise, l’acier est renouvelab­le et aucun emballage n’est unitaire. De là où il est, Joseph peut être fier de lui.

Ci-dessus, les couteliers qui travaillai­ent à l’époque pour Joseph réunis pour la photo de famille. Autrefois comme aujourd’hui, l’assemblage de la lame au manche demeure une opération manuelle. C’est dès 1897 que Joseph décline le couteau en douze tailles différente­s qu’il numérote du plus petit au plus grand. Le numéro un, le plus petit, était muni d’un anneau pour être accroché à la chaîne de montre de gousset. Sa fabricatio­n s’est arrêtée avec l’usage de ces montres.

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