• Travailler, lutter, militer : le fonds Ciné-archives par Pauline Gallinari
En lutte !
Dans les films, les travailleurs ont une véritable conscience des enjeux sociétaux au-delà de leur seule activité professionnelle. Ils peuvent aussi être militants, au PCF ou à la CGT, et inviter les spectateurs à les rejoindre. Ce sont donc bien souvent des travailleurs en lutte qui agissent dans les films, pour améliorer leurs conditions de travail ou résister aux licenciements, en se mobilisant lors de grèves, de manifestations ou d’occupations d’usine. L’exploitation est toujours dénoncée et l’émancipation encouragée. Cependant, le récit et la tonalité des films varient en fonction des évolutions du programme du PCF : aux descriptions de conquêtes sociales joyeuses du Front populaire s’opposent celles, plus sombres, de la crise économique des années 1970-80. Ces travailleurs militants sont placés au premier plan pendant la guerre froide. En 1948, La Grande Lutte des mineurs relate la grève des mineurs sous l’angle international de l’affrontement « bloc contre bloc » ; dans Vivent les dockers (Robert Menegoz, 1951) la dimension anticolonialiste d’une grève menée en 1950 en pleine guerre d’indochine est soulignée.
D'autres combats
Si les films s’attachent à montrer les travailleurs en tant que force collective, unis au sein d’une même classe, cela n’empêche pas des éclairages sur certaines catégories. En 1964, une séquence du magazine documentaire Reflets met en lumière les travailleurs immigrés et les femmes. Les Immigrés en France : le logement (Robert Bozzi, 1970) alerte sur la situation particulièrement dure des immigrés vivant en banlieue parisienne. Dans les années 1970, les femmes s’affirment en tant que militantes : Grandin, les raisons d’une victoire (Nat Lilenstein, 1975) revient, par exemple, sur la grève des ouvrières de l’usine Grandin de Montreuil pour empêcher leur licenciement. À partir du milieu des années 1980, la production initiée par le PCF s’amenuise pour se recentrer sur de la communication audiovisuelle ; la question du travail est alors essentiellement abordée, par les responsables politiques, dans des clips de campagne. Le quotidien professionnel ou les mouvements sociaux restent toutefois régulièrement filmés par les militants cinéastes amateurs : c’est le cas des cheminots cégétistes du Centre de maintenance de Saint-pierre-des-corps qui réalisent Images de lutte pendant les grèves de l’hiver 1995. Ce bref tour d’horizon du fonds Ciné-archives ne saurait évidemment être exhaustif. Thématique centrale, le monde du travail s’incarne dans des films très divers dont l’intérêt est à la fois documentaire, politique et historique. L’association Ciné- Archives conserve et valorise le fonds audiovisuel du Parti communiste français et du mouvement ouvrier. Avec plus de 1 500 titres, couvrant une période qui s’étend des années 1920 à aujourd’hui, ce fonds rassemble à la fois des longs et des courts métrages, des rushes, des fictions, des documentaires, des émissions télévisées. C’est le résultat d’un projet cinématographique et audiovisuel initié par le PCF, et mis en oeuvre depuis l’entre-deux-guerres par le PCF luimême, par les organisations lui étant proches, ainsi que par des militants cinéastes amateurs. Ces films peuvent être découverts grâce à une collection de livres-dvd édités par Ciné-archives : le dernier publié, Grands soirs et beaux lendemains, porte sur la guerre froide. Par ailleurs, de nombreux titres sont visionnables gratuitement sur le site de CinéArchives cinearchives.org