LES ANTRES DE BARBE-BLEUE :
MACHECOUL, POUZAUGES, TIFFAUGES : EN VENDÉE, TROIS CHÂTEAUX DE GILLES DE RAIS
Du baron de Rais (ou de Retz) jadis tout-puissant aux frontières de la Bretagne, on en a fait le modèle du seigneur assassin de Charles Perrault. Les nuits de pleine lune, l’écho de ses innombrables victimes résonne encore, dit-on, entre les murs déchiquetés de ses anciennes forteresses : Tiffauges, Pouzauges, Champtocé, Machecoul…
Un fantôme muet, abandonné, maudit, plein de résonances farouches. » C’est Gustave Flaubert lui-même qui , alors qu’il visitait la région en 1847, décrivait ainsi le château de Tiffauges, repaire favori de « Gilles de Rais, sire de Laval et de Craon, lieutenant général du duc de Bretagne et maréchal de France » , qu’on a surnommé Barbe-bleue. Là, toujours selon Flaubert, « on invoquait l’enfer, on se régalait avec la mort, on égorgeait des enfants, on avait d’épouvantables joies et d’atroces plaisirs ; le sang coulait, les instruments jouaient, tout retentissait de voluptés, d’horreur et de délires. » Hanté de pareils souvenirs, le lieu a tout pour fasciner…
L’IMAGE D’ORGIES SATANIQUES AU CREUX DES SALLES SOUTERRAINES Mais le voyage sur les traces du sulfureux héros commence plus au nord : à Champtocé, qui domine la Loire à l’ouest d’angers. C’est là, dans l’ombre de la « tour Noire », qu’en 1404 est né Gilles, héritier d’une des plus importantes baronnies de Bretagne. La forteresse, bâtie (comme à Angers) de schiste et de tuffeau, comptait parmi ses plus puissantes. Adulte, Gilles en fit, comme de toutes ses résidences, un vrai palais : tentures, peintures, vaisselle d’or… Aujourd’hui le massif de tours et de murs effondrés qui s’embroussaille en lisière du village (malgré les efforts de sauvegarde) évoque davantage l’image d’orgies sataniques au creux des salles souterraines. N’a-t-on pas exhumé au pied des latrines, en 1437, les restes calcinés d’une quarantaine d’enfants suppliciés ? De ces découvertes macabres, les archives en signalent partout où passa Gilles de Rais. Jusqu’au château de la Suze, près du Mans, propriété de son
frère René. Sans doute a-t-on confondu avec l’hôtel du même nom, à Nantes, aujourd’hui disparu. On n’en a pas moins baptisé ces vestiges le « château de Barbe-bleue », oubliant que René fut l’un des premiers accusateurs de son frère, lorsque son train de vie menaça la fortune familiale ! L’épicentre de l’horreur, on l’a dit, se trouve à Tiffauges, qu’on rejoint par Clisson ou Cholet. En bordure du bocage vendéen, c’est une place solide et stratégique. Le maréchal la tenait de Catherine de Thouars, qu’il avait épousée à seize ans pour cette dot.
VISITE-PÈLERINAGE SUR LES TRACES D’UN HÉROS SANGUINAIRE Son enceinte aux 18 tours a longtemps encadré le terrain de foot communal. Aujourd’hui, le blason du baron flotte à nouveau sur les restes restaurés avec soin : le donjon carré, la barbacane, la tour du Vidame, avec son chemin de ronde à mâchicoulis et sa salle de guet dont la voûte transmet le moindre chuchotis. Les attractions s’enchaînent tout l’été : film en 3D, spectacle vivant sur Gilles de Rais, laboratoire d’alchimie, musée animé des machines de guerre… Un peu plus loin, au-delà des Herbiers, la forteresse de Pouzauges arbore le même type de donjon, encore plus impressionnant par ses vingt-sept mètres intacts, au sommet d’une colline. Refuge de la dame de Rais, le lieu semble avoir moins pâti des excès de l’époux : on l’imagine plutôt venir en prière devant les superbes fresques de l’église romane. Reste à rejoindre la capitale du fief de Retz : Machecoul, entre Challans et le lac de Grand-lieu. Gilles s’y était replié, mais il s’y était laissé prendre sans résister, ignorant les accusations portées contre lui. Les élégances gothiques du château se sont envolées. La visite guidée ne montre que des lambeaux de murs déchiquetés. Sic transit gloria mundi (Ainsi passe la gloire du monde)… |
Château du Machecoul. Renseignements office de tourisme : 02 40 31 42 87.
Château de Pouzauges. Renseignements mairie : 02 51 57 01 37. Ouvert du 18 juin au 15 sept. Entrée : de 1 à 3 €.
Château de Tiffauges. Renseignements : 02 51 67 60 00. Ouvert d’avril à septembre. Entrée : de 2 à 8 €.