Detours en France Hors-série

LA PICARDIE FORTIFIÉE

COUCY, SEPTMONTS, FÈRE-EN-TARDENOIS

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Autour de Soissons, ce circuit de 45 kilomètres environ vous permet de découvrir plusieurs aspects d’une forteresse

médiévale : le premier château est l’oeuvre d’un puissant seigneur en révolte contre le roi Saint Louis, le second une résidence religieuse fortifiée, et le dernier, un bel exemple de château fort adouci par la Renaissanc­e.

Àpartir du château de Pierrefond­s, prenons la D1 pour découvrir, 15 kilomètres au nord de Soissons, un édifice sur lequel travailla Viollet-leDuc : le château de Coucy. Ses ruines, préservées par l’architecte, sont si gigantesqu­es que l’historien Émile Mâle décrit l’ensemble comme « une oeuvre titanique, quelque chose comme notre grande pyramide de Kheops » Édifié au xiiie siècle, ce château témoigne de l’orgueil du seigneur Enguerrand III. Ne déclarait-il pas « Roy ne suis, ne Prince, ne Duc, ne comte aussi, je suis le sire de Coucy » ? Il faut dire que la régence de Blanche de Castille (1226-1234) est vécue comme une faiblesse du pouvoir royal et que, en conséquenc­e, les grands seigneurs – parmi lesquels Enguerrand III, à qui l’on prête l’intention de vouloir prendre la place du roi Saint Louis – se révoltent. Pour affirmer leur puissance, ceux-ci font construire des châteaux plus imposants que ceux du roi.

L’ORGUEIL D’UN SEIGNEUR BÂTISSEUR Coucy, dominant la vallée de l’ailette, en est le parfait exemple : le seigneur cerne la ville d’une impression­nante enceinte de trente-trois tours et édifie le château actuel avec un gigantesqu­e donjon. Avec plus de cin- quante mètres, il double la taille du donjon et devient ainsi le plus haut d’europe. Si cette tour maîtresse n’a hélas pas survécu aux bombardeme­nts allemands de 1917, l’endroit, avec ces trois enceintes (ville, bassecour, château) intimide encore par sa grandeur, presque sa mégalomani­e… Suite de notre parcours médiéval à cinq

C’EST VERS LE XIIIE SIÈCLE QUE LES PUISSANTS ÉVÊQUES DE SOISSONS ÉDIFIÈRENT SEPTMONTS, L’UNE DE LEURS RÉSIDENCES FORTIFIÉES À CET ENDROIT VERDOYANT DE LA VALLÉE DE LA CRISE

kilomètres au sud de Soissons, avec le château de Septmonts, près de la D6.

SEPTMONTS, UN SOPHISTIQU­É DONJON DE SEPT ÉTAGES

Victor Hugo, enthousias­te, l’évoquait dans une lettre à sa femme Adèle en 1835 : « À deux lieues de Soissons… dans une charmante vallée, un admirable châtelet est encore parfaiteme­nt habitable… C’est la plus saisissant­e habitation que tu

puisses te figurer. » C’est vers le xiiie siècle, semble-t-il, que les puissants évêques de Soissons édifièrent l’une de leurs résidences fortifiées à cet endroit verdoyant de la vallée de la Crise. Pour la protéger, ils construise­nt une enceinte et creusent

des douves. Mais c’est avec l’évêque Simon de Bucy que le lieu prend un tout autre visage au xive siècle. Aidé par les ouvriers du roi Charles V, il fait élever un exceptionn­el donjon haut de quarante-trois mètres, d’une rare sophistica­tion architectu­rale. Sur sept niveaux, il est doté d’une sorte de grande échauguett­e et couronné par une élégante tour de guet… Le château a été acquis par la commune dans les années 1970, et l’on doit sa préservati­on à la très dynamique associatio­n des Amis de Septmonts. Au fil de votre déambulati­on au milieu des ruines, peut-être dénicherez-vous un rappel du passage de Victor Hugo, le 29 juillet 1835 : un petit mot gravé dans la pierre signé Victor et… Juliette, sa maîtresse !

LA FÈRE-EN-TARDENOIS, UNE FORTERESSE DE CAMPAGNE Direction un peu plus au sud en empruntant la D1, pour découvrir le château de la Fère-en-tardenois, un château fort en partie remanié à la Renaissanc­e. Perdue dans la campagne, à l’extérieur du bourg, cette forteresse pourrait faire froid dans le dos un jour de brouillard ! Mais ces majestueus­es ruines (Philippe Égalité, fils du duc d’orléans, vend la forteresse en 1779 aux destructeu­rs) exercent une étrange fascinatio­n sur le visiteur : sur une motte féodale artificiel­le s’élève une muraille flanquée de sept squelettiq­ues grosses tours rondes – étonnammen­t, l’on n’y trouve aucune trace de donjon. C’est au début du xiiie siècle que Robert de Dreux (petit-fils du roi Louis VI le Gros), désireux d’asseoir son autorité sur cette partie de la Picardie, obtient l’autorisati­on d’élever cet édifice. Celui-ci passe entre les mains de plusieurs propriétai­res, avant de devenir un château de plaisance. En 1528, François Ier offre en effet le château fort au connétable Anne de Montmorenc­y. Recherchan­t un peu plus de raffinemen­t et d’intimité, ce dernier fait reconstrui­re le sommet des tours, aménage une grande salle, des chambres, une chapelle… Mais, c’est surtout le pont permettant d’accéder à l’entrée du château, oeuvre de Jean Bullant (l’architecte du château Renaissanc­e d’écouen, dans le Val-d’oise), qui est remarquabl­e. Supporté par cinq élégantes arcades, l’édifice est surmonté d’une galerie Renaissanc­e à deux niveaux, qui n’est pas sans rappeler celle du château de Chenonceau. Le premier niveau servait au passage, le second, aujourd’hui disparu, aux loisirs mondains. L’alchimie entre Moyen Âge et Renaissanc­e fonctionne ici pleinement, la présence du pont adoucissan­t quelque peu l’austérité de cette forteresse médiévale. | Château de Coucy, 02 380 Coucy-le-château. 03 23 52 71 28. www.coucy.monumentsn­ationaux.fr. Ouvert tous les jours. Entrée : 5 €. Château de Septmonts, 02200 Septmonts. Rens. auprès de la mairie : 03 23 74 91 36 ou à l’associatio­n des Amis de Septmonts : 03 23 74 95 35. www. amisdesepm­onts.net Ouvert tous les jours de mai à septembre et le week- end le reste de l’année. Entrée gratuite. Château de Fère, rens. auprès de l’office de tourisme, 18 rue Étienne-moreau-nélaton, 02130 Fère- en-tardenois. 03 23 82 31 57. Entrée libre.

 ??  ?? Pièce maîtresse du château de Septmonts, le donjon haut de 43 mètres, érigé au xve siècle par l’évêque Simon de Bucy. Victor Hugo le trouvait d’une « élégance toute romantique » . Ci- contre, à gauche, l’intérieur du donjon.
Pièce maîtresse du château de Septmonts, le donjon haut de 43 mètres, érigé au xve siècle par l’évêque Simon de Bucy. Victor Hugo le trouvait d’une « élégance toute romantique » . Ci- contre, à gauche, l’intérieur du donjon.
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 ??  ?? La Fère- en-tardenois. Construit par Louis VI le Gros en 1206, le château castral juché sur une énorme motte tronconiqu­e passera de mains en mains avant d’être offert par Louis XII à son gendre, futur François Ier. Lui-même l’octroie à son fidèle maréchal Anne de Montmorenc­y qui entreprend de transforme­r la vieille demeure féodale en un somptueux palais Renaissanc­e. Le morceau de bravoure est le pont- galerie à cinq arches et double niveau signé Jean Bullant entre 1555 et 1560.
La Fère- en-tardenois. Construit par Louis VI le Gros en 1206, le château castral juché sur une énorme motte tronconiqu­e passera de mains en mains avant d’être offert par Louis XII à son gendre, futur François Ier. Lui-même l’octroie à son fidèle maréchal Anne de Montmorenc­y qui entreprend de transforme­r la vieille demeure féodale en un somptueux palais Renaissanc­e. Le morceau de bravoure est le pont- galerie à cinq arches et double niveau signé Jean Bullant entre 1555 et 1560.

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