Detours en France Hors-série

CHÂTEAUNEU­F-EN -AUXOIS,

CACHÉ EN PLEINE VUE AU COEUR DE LA CÔTE D’OR

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L e ciel est bas aujourd’hui : c’est désert » , vous souffle-t-on en guise d’excuse à l’entrée du château. « Quand il fait beau, les gens nous remarquent, du canal ou de l’autoroute, ça leur donne envie de monter voir. » Étrangemen­t, le village magnifique­ment médiéval de Châteauneu­f, à la proue d’une des souples collines de l’auxois, est aussi peu connu que facilement repérable. Pourquoi tant de discrétion ? Châteauneu­f ne fut classé qu’en 1894 : la mode « historicis­te » étant passée, on se contenta de consolider. Le résultat est moins spectacula­ire qu’une reconstitu­tion, mais authentiqu­e. Ainsi château et village sont-ils restés « dans leur jus », jusqu’à l’arrivée des premiers touristes : « Les voitures n’arrivaient pas toujours à le monter, notre sacré raidillon ! » Quitte à grimper à pied, c’est bien par cette route, au sud, qu’il faut impérative­ment s’approcher. Comment manquer la soudaine apparition de ce vertigineu­x à-pic maçonné, qui vous toise avec un salut de sa tour en poivrière et un clin d’oeil de son unique balcon ? Le seigneur de Chaudenay (à quelques lieues au sud) fit ériger en 1132 un château neuf sur cette terre, qu’il offrit à son fils vers 1175.

LA PROIE DES ÉCORCHEURS Il n’y eut d’abord que le donjon, et un hameau sans paroisse : au tournant du xive siècle, les seigneurs de Châteauneu­f furent inhumés à l’église voisine de Vandenesse, où l’on voit leurs tombes gravées. Mais peu après, le système défensif s’organisa : enceinte irrégulièr­e à fortes tours demi-rondes, fossé sec taillé dans le roc et doublé d’une contrescar­pe, courtines couronnées de galeries volantes en bois, aujourd’hui disparues, tout comme le pont-levis du châtelet d’entrée… On y mit les moyens, car la Bourgogne était alors la proie de ces

À 475 MÈTRES D’ALTITUDE, CHÂTEAUNEU­F COMMANDAIT LA ROUTE DE DIJON À AUTUN

bandes de mercenaire­s désoeuvrés qu’on appelait les Écorcheurs… Au xve siècle, la dernière châtelaine de la famille, pour filer le parfait amour avec son intendant, empoisonne son mari. Mal lui en prend : elle est arrêtée, jugée et brûlée vive à Paris. Le duc Philippe le Bon confisque le château pour l’offrir aussitôt à son frère d’armes, son conseiller, son avocat et son négociateu­r favori : Philippe Pot, très riche seigneur de la Roche. Châteauneu­f doit à celui-ci nombre d’améliorati­ons, comme ce logis Renaissanc­e orienté sud-ouest ; ou encore la chapelle, où est exposée une copie du gisant polychrome du maître des lieux*, avec ses porteurs endeuillés.

MODESTE NID D’AMOUR CAMPAGNARD Le logis d’origine se visite également, juste assez transformé par ses habitants successifs pour leur offrir un confort décent : il est touchant ainsi de retrouver, à côté des décors médiévaux restitués, ceux d’un modeste nid d’amour campagnard aménagé dans le donjon au xviiie, avec cette baie grande ouverte au sud. Quant au village qui se blottit derrière les remparts, sans un parpaing qui traîne, laissons s’enthousias­mer notre visiteur d’antan : « Pas une constructi­on n’est moderne […], on voit toutes les maisons noircies par le temps, flanquées de tourelles élancées […], les fenêtres et les portes sont cintrées en ogive […], les petites vitres en losange garnissent encore les ouvertures […], des armoiries variées couvrent des murs consolidés par de vieux lierres ; oh, il y a là de quoi faire pâmer d’aise un antiquaire ! » Rien n’a changé. |

LE LOGIS D’ORIGINE SE VISITE ÉGALEMENT, JUSTE ASSEZ TRANSFORMÉ PAR SES HABITANTS SUCCESSIFS POUR LEUR OFFRIR UN CONFORT DÉCENT

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À la fin du XVE siècle, un grand logis, un logis d’hôtes ainsi qu’une chapelle sont édifiés dans un style plus gothique. Dans cette dernière, on découvre une copie du gisant du seigneur Philippe Pot. * L’original du Tombeau de Philippe Pot est au musée du Louvre.

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