PAYS CATHARE
LES BASTIONS DE L’HÉRÉSIE
Montségur, Quéribus, Peyrepertuse et les autres… Poussées jadis sur les rochers les plus abrupts des Corbières et du Fenouillèdes, de la montagne Noire et du Minervois, ces forteresses du vertige se découvrent au fil d’une histoire aussi mythique que tragique.
Leurs noms parlent d’hérésie et d’inquisition, de bons hommes et de parfaits, persécutés au nom du pape et
de l’église. Leurs ruines, comme autant de cicatrices barrant les collines, évoquent des sièges interminables, des résistances héroïques, des ruses ignobles et des vengeances sanguinaires : les blessures d’une prétendue croisade qui avait tout d’une guerre Nord-sud, menée au
xiiie siècle par des barons avides de terres et de conquêtes, puis détournée en campagne d’annexion royale. De l’épopée cathare, l’occitanie conserve une fierté de martyre, qui plane sur ses citadelles perchées, devenues hauts lieux touristiques. Gare au souffle et aux torticolis : prenons la piste historique depuis Lastours-cabaret, au nord de Carcassonne. Un chapelet (assez ruiné) de quatre forts se protégeant l’un l’autre – Cabaret, Surdespine, Quertinheux, et la tour Régine, plus récente – s’y aligne sur trois cents mètres d’échine rocheuse, parmi cyprès et chênes verts. L’ENFER DES INQUISITEURS Deux frères, riches, cultivés et libertins, y résistèrent sans peine en 1209 aux premiers assauts des croisés, tandis que Monfort faisait défiler sous leurs murs des colonnes de captifs affreusement mutilés. Guerre psychologique… Ils négocièrent leur soumission en 1211 ; mais sous l’hommage, la résistance demeura. À l’est, le sort de Minerve fut plus cruel : village et château couronnaient un éperon barré inaccessible, cerné d’un canyon de plus de cent mètres. De la rive opposée les pierrières bombardèrent sans relâche pendant sept semaines l’unique puits, à flanc de falaise. Quand Minerve rendit les armes, tous les habitants, refusant d’abjurer, furent précipités dans un immense bûcher au pied de l’à-pic. Il n’y
reste pour tout vestige qu’un pan de tour dressé comme un cierge et la machine fatale, la Malvoisine, reconstituée.
DES POINGS DRESSÉS FACE AU CIEL Au sud-est de Carcassonne, Termes possédait l’un des meilleurs systèmes défensifs, que ses occupants réparèrent quatre mois durant, à mesure que les balistes les ébréchaient. Une fois de plus le manque d’eau fit la différence : des rats morts polluèrent les citernes. Ici aussi, peu de vestiges : devenue repaire de brigands, la place fut rasée au xviie siècle. On s’en consolera tout près, à Villerouge-termenès, fort de plaine aux airs de château de sable enfantin. Un simple épilogue dans l’histoire cathare – l’ultime parfait y fut brûlé en 1321 –, mais son insolite auberge médiévale ne manque pas de piquant. Plus loin, de part et d’autre de Cucugnan, les nids d’aigle de Quéribus et Peyrepertuse sont parmi les stars du circuit : vertigineux au point que la visite est déconseillée par grand vent, joliment conservés car les rois de France les convertirent en rempart contre l’aragon (non sans les modifier passablement), ils servirent d’abri plus de trente ans aux réfugiés de la croisade, et furent parmi les derniers à céder. De même que Puilaurens, si spectaculaire avec sa longue enceinte aux créneaux émoussés, en à-pic au-dessus du village, devenu en 1259 la principale garnison frontalière – vingt-cinq hommes et un chapelain ! Quant à Montségur, aux environs de Foix, le château posé sur son rocher rond remporte la palme tant pour son importance comme foyer cathare que pour son exceptionnelle résistance : il soutint quatre sièges dont le dernier se termina en 1244 par la marche au bûcher de plus de deux cents parfaits. Mais surtout il passe pour la cachette d’un mythique trésor cathare, et même… du Graal. |