LES PASSEURS DE LUMIÈRE
Les Ateliers Loire est une entreprise familiale spécialisée dans la restauration et surtout la création de vitraux, depuis trois générations. Dans le vaste et lumineux atelier des rives de l’eure, à quelques encablures de la cathédrale de Chartres, si les
« Venez avec moi, vous allez assister à l’un des moments les plus émouvants de notre travail. » Jacques Loire, maître d'art âgé de 86 ans, pousse une porte de l’atelier ; on débouche en mezzanine dans la pénombre d’une tour, dont une face est vitrée et encadrée de longs rideaux. Juchés sur une passerelle mobile, deux jeunes gens – l’équipe compte une dizaine de compagnons au total – s’affairent ce jour-là à ajuster une paire de vitraux tout juste achevés, destinés à une église en Bretagne. Au travers des verres colorés, le terne ciel d’hiver prend aussitôt des airs de grand large.
UN ATELIER POUR CRÉER
Le décor, mi-figuratif mi-abstrait, évoque saint Pierre et saint Paul, mais on pressent des voiles gonflées, des vagues… Jacques Loire en a dessiné lui-même les maquettes, choisissant avec soin les couleurs sur le grand nuancier où sont numérotés des centaines
d’échantillons : « avec ces chiffres, comme un musicien avec des notes, je peux composer un
tableau en esprit, les yeux fermés », commentet-il. La création est, depuis toujours, la vocation de l’atelier qu’il dirige avec ses deux fils, Hervé et Bruno, après en avoir hérité de son père, Gabriel. Celui- ci, passionné d’art graphique, avait intégré en 1926 la maison Lorin, atelier chartrain alors unique, et fidèle aux canons esthétiques du xixe siècle. Lassé, il l’avait quittée en 1936 et, au terme d’un délai de stricte non-concurrence, avait monté juste après-guerre sa propre affaire, où Jacques l’avait très vite rejoint. Délaissant le domaine des restaurations anciennes, ils se sont ensemble spécialisés dans le contemporain : des oeuvres montées en verre « antique », selon la technique classique (pour la cathédrale anglaise de Salisbury, par exemple) mais aussi d’audacieuses créations en dalles de verre, très prisées par les architectes de la reconstruction. Ainsi, les murs entiers réalisés par Gabriel pour l’église du Souvenir à Berlin, qui ont fait date…
DES DÉFIS DANS LE MONDE ENTIER
Au mur, un planisphère piqué de centaines d’épingles témoigne de la réputation internationale de la maison, du Chili au Japon en passant par les États-unis et le Liban, aussi bien pour des cathédrales, anciennes et modernes, que pour des bâtiments publics ou privés. Chacun aime à mener son projet de bout en bout, selon son style propre. Hervé, par exemple, a la haute main sur les fours de thermoformage, une technique relativement récente. Tous trois apprécient de pouvoir mettre leurs idées en commun, d’autant que les thèmes précis sont à l’honneur : le cantique de Daniel, les mystères lumineux… « On n’a plus les codes d’illustration d’autrefois. Mais ce sont des défis passionnants. »
de Steinbach la paternité de toute la cathédrale… dont la construction a pris plus de deux siècles ! En réalité, la première pierre de la nef strasbourgeoise remonte aux environs de 1235, soit dix ans avant la naissance de maître Erwin. Elle reprend les fondations et la crypte d’une cathédrale romane, réduite en cendres avant même de posséder son transept. Celuici sera donc réalisé en premier, de 1176 à 1225, évoluant en douceur d’un nord encore roman à un sud déjà gothique. La nef, achevée en 1275, sera un modèle d’architecture rayonnante. Reste le massif occidental : narthex, portails, tours… Les travaux démarrent dès 1276, sur un dessin de 1260. Steinbach, lui, ne sera appelé en renfort qu’en 1284.
UNE ARMÉE D'ARCHITECTES
À plusieurs reprises, il remaniera ses plans : sa façade est, selon les spécialistes, la toute première dont la réalisation eut été impossible sans dessin. À sa mort en 1318, le deuxième niveau – celui de la rosace – est en cours : son fils Jean y travaillera encore vingt ans. Après lui, encore six architectes : Gerlach élève le troisième étage ; Conrad étire la galerie des Apôtres au-dessus de la grande rose ; Michel de Fribourg et Claus von Lohre se relaient pour dresser le beffroi de la tour nord, puis Ulrich d’ensingen et Jean Hültz de
Cologne pour achever la flèche en 1439. Fin de l’histoire. Il n’y aura pas de seconde flèche : le gothique passe de mode, et de plus, la nappe phréatique sur laquelle on a bâti – d’où la légende d’un mystérieux lac souterrain – rend le sous-sol instable. Au xixe siècle, la canalisation du Rhin faillit d’ailleurs conduire le vaisseau de pierre au naufrage, car le niveau de l’eau ayant baissé, les énormes pieux de bois qui le soutenaient depuis huit siècles se mirent aussitôt à pourrir. L’architecte Johann Knauth, autre héros méconnu de la cathédrale, la sauva in extremis dans les années 1900, par injection de béton…
SCULPTEUR FACÉTIEUX ET MYSTÈRE DU RAYON VERT
En d’autres temps, un ymagier aurait sûrement glissé son effigie quelque part, entre deux scènes bibliques : il n’était pas rare de dévier du programme iconographique imposé au profit de figures plus anecdotiques. Ainsi, le meunier et son cheval, dignes représentants des Strasbourgeois qui contribuèrent gracieusement aux travaux de construction, quand les finances firent défaut ; ou bien ce petit chien assoupi au pied de la monumentale chaire de Geyler de Kaysersberg, qui est celui du célèbre prédicateur ; ou encore le mystérieux quidam accoudé à sa balustrade, face au pilier des Anges. Le sceptique aurait prédit l’écroulement du chef-d’oeuvre (18 mètres et 12 statues, portant la voûte du transept sud), et le sculpteur facétieux l’aurait condamné à attendre sur place que cela se produise ! Le malheureux, d’où il est, ne peut même pas voir le fameux « rayon vert » qui, chaque matin d’équinoxe, vient auréoler la Vierge et le Christ de la chaire. De toute façon, les amateurs de mystique médiévale ont dû déchanter : ce phénomène apparu en 1972 aurait suivi le nettoyage des vitraux sud de la nef, lesquels datent du xixe siècle. †
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