DOL-DE-BRETAGNE
L’INTRODUCTION IDÉALE À L’ARCHITECTURE GOTHIQUE S’il existe une église où découvrir l’essence du style gothique, c’est bien la cathédrale Saint-samson de Dol-de-bretagne, à mi-chemin entre le Mont-saint-michel et Saint-malo. Pour qui sait où porter son re
Pour bien comprendre, il faut reprendre l’histoire à son début, en l’an 548, lorsqu’un évêque nommé Samson et deux moines venus du Pays de Galles débarquent au fond de l’actuelle baie du Mont-saint-michel, dans l’estuaire du Guyoult. À l’époque, l’immense polder qui constitue le marais de Dol n’existe pas encore. C’est donc au pied de la ville que l’embarcation de Samson touche terre. La légende, telle qu’on peut la lire sur le grand vitrail de la cathédrale, veut qu’il accomplisse un miracle en guérissant l’épouse et la fille du seigneur des lieux. En remerciement très intéressé, Samson est invité à fonder un monastère sur place, et ne tarde pas à acquérir l’influence qui fera de lui l’un des sept saints fondateurs des évêchés bretons, avec Corentin de Quimper, Pol Aurélien de Saint-pol-de-léon, Tugdual de Tréguier, Brieuc de Saint-brieuc, Maclou de SaintMalo et Patern de Vannes. C'est trois siècles après l’arrivée de Saint-samson que Dol prend sa dimension religieuse et politique lorsque Nominoë devient le premier roi de Bretagne et fait de Dol sa capitale religieuse. En 849, Dol est l’archevêché de l’église indépendante bretonne. La Bretagne, qui s’affirme ainsi, est tout de suite en butte à deux puissants voisins : le duché de Normandie et le royaume franc, ce qui vaut à Dol, située sur la frontière, de subir siège sur siège. Son importance stratégique est bien visible, avec les imposants remparts et l’aspect de forteresse que présentent la face nord de la cathédrale et ses tours aux airs de donjon. Si elle repousse à trois reprises les assauts de Guillaume le
la démarche des bâtisseurs de l’impossible y apparaît en pleine lumière, fascinante.
Conquérant, Dol ne résistera pas à Jean sans Terre. En 1203, la fière cité épiscopale est ravagée et sa cathédrale incendiée. Commence alors l’histoire d’un fleuron de l’art gothique.
UN CHANTIER DE SOIXANTE ANS
Le meilleur guide pour découvrir la cathédrale est sans aucun doute Olivier Delépine, architecte et enseignant, passionné au point d’avoir créé le Cathédraloscope (lire aussi pages 22-23). Il nous prévient d’emblée : « Pour comprendre les cathédrales gothiques, il faut garder à l’esprit que de tels édifices ne se construisent pas en quelques mois et de bas en haut dans leur ensemble, mais en plusieurs dizaines d’années, et en progressant de droite à gauche ou de gauche à droite, selon un ensemble de raisons tenant aux lieux et époques. » Entre le lancement du chantier initial et l’achèvement de l’église, plusieurs générations de compagnons se succèdent, tandis que le métier progresse. Les tailleurs de pierre voyagent de chantier en chantier, ils découvrent d’autres savoir-faire et acquièrent une audace qui, peu à peu, évolue de l’empirisme de l’artisan vers la science de l’architecte. « Exemple frappant : l’arc-boutant. Face à un mur qui commence à s’affaisser en se cintrant, l’ouvrier place un étai qui stoppe la poussée avant l’effondrement fatal. De cette façon de procéder est né l’arc-boutant, structure destinée, dès la construction, à compenser la pression exercée par le poids de l’édifice, en transférant la poussée vers le sol. Du simple bon sens, on évolue vers la création pure. Avec le gothique, on passe d’une construction dont la solidité réside dans la masse de matériaux accumulés, à un édifice qui tient grâce à une structure sophistiquée. » La construction de la cathédrale gothique de Dol est le résultat de deux chantiers répartis sur une soixantaine d’années du xiiie siècle. Comme nous entrons dans l’église par son entrée principale, Olivier Delépine désigne les piliers de la nef : « L’incendie de 1203 n’a pas pu détruire les piliers de la cathédrale romane. Ils ont servi de base au nou-
vel édifice, mais ils étaient insuffisants pour supporter les élévations envisagées pour la nouvelle construction. On a adjoint à chacun d’entre eux quatre fines colonnes. La deuxième campagne de construction, c’est-à-dire le transept, le choeur et l’abside, s’est inspirée du même principe de construction, qui avait fait ses preuves. »
LES GÉNIES DE LA LUMIÈRE
Des ensembles de colonnettes filent donc vers le ciel, correspondant chacune à une voûte. Tout le secret de l’architecture gothique est là, résidant dans ce jeu de l’équilibre et de la poussée. On comprend comment les architectes de ces temps ont fini par maîtriser une puissance nouvelle qui leur permettait de construire de plus en plus léger et donc de plus en plus haut. « Cependant, rappelle Olivier Delépine, aller vers le ciel n’est pas la finalité, mais une des composantes du mouvement gothique. Ce dont il s’agit avant tout, c’est de faire entrer la lumière dans l’édifice. » Effectivement, on voit bien comment, avec le temps, les bâtisseurs de Dol-de-bretagne ont appris à capter la lumière. L’entrée de la cathédrale, partie la plus ancienne, est toute sombre. « Regardez entre deux piliers : voyez le triforium, cette galerie au-dessus des premières voûtes : il est fermé, et encore au-dessus, l’éclairage provient d’une fenêtre unique. Le choeur, en revanche, est bien mieux éclairé. Il correspond à la seconde campagne de construction. Regardez entre les premiers piliers après le transept : le triforium s’élargit, il est ouvragé, comme s’il annonçait l’ouverture future d’une baie. Et la fenêtre haute, élargie, laisse entrer une profusion de lumière. Voyez maintenant les deux derniers piliers du choeur : le triforium est ouvert. À soixante ans d’écart, le mur de pierre est devenu un mur de verre ! » Dominant le choeur, les vitraux de la grande verrière du chevet filtrent les rais de lumière qui viennent colorer le granit des piliers. Avant même de s’intéresser aux scènes qu’ils décrivent à la manière des albums de bandes dessinées, on reste fasciné par l’ambiance merveilleuse. « […] La quintessence de la Jérusalem céleste du Livre de l’apocalypse », commente Olivier Delépine. […] Pure beauté qui garantissait aux fidèles la vérité de la parole divine. Et pour donner une idée prosaïque de leur importance dans l’art gothique : les vitraux représentaient 40 % du coût de la construction d’une cathédrale. »
Office de tourisme Pays de la Baie du MontSaint-michel, Dol de Bretagne et Pleine-fougère, 5, place de la Cathédrale, 35120 Dol de Bretagne. 02 99 48 15 37. www.pays-de-dol.com